La tension monte entre la Fédération des médecins omnipraticiens du Québec (FMOQ) et le ministre Christian Dubé. Ce matin dans La Presse, Paul Journet publie [une première de deux chroniques sur le sujet](https://www.lapresse.ca/actualites/chroniques/2025-05-30/projet-de-loi-106/la-fmoq-au-secours-de-dube-malgre-elle.php?utm_source=dlvr.it&utm_medium=bluesky) dans lesquelles il présente des suggestions constructives faites par des experts. Ça laisse entendre que les fonctionnaires de son ministère n'auraient pas su bien conseiller M. Dubé.
Avouons que la situation est complexe. Il faut tenir compte du nombre de médecins, de leur répartition sur le territoire, du nombre d'autres intervenant·e·s en santé, de l'état de santé de la population et des conditions socio-économiques qui contribuent à améliorer ou dégrader cet état de santé.
Dans le débat actuel entre l'État et les médecins, le focus est mis sur la rémunération. À la fin de sa chronique d'aujourd'hui, Journet cite une étude résultant d'une analyse menée par quatre économistes: [Évolution récente de l’offre de services médicaux et de la rémunération des médecins au Québec](https://cjp.hec.ca/wp-content/uploads/2025/05/rapport-complet-medecins-2025.pdf).
La conclusion de l'étude débute par cette phrase: «la rémunération des médecins constitue une composante importante des dépenses de santé dans les provinces canadiennes.» Ils ajoutent ensuite qu'au Québec, c'est 16% de ces dépenses. En 2023-2024, les dépenses totales en santé étaient de 61,7 milliards de dollars ([source, page 6](https://cdn-contenu.quebec.ca/cdn-contenu/adm/min/sante-services-sociaux/publications-adm/rapport/RA_23-614-01W_MSSS.pdf)), dont 38,5 milliards en rémunération.
C'est donc dire que la rémunération des médecins était d'un peu moins de 9,9 milliards de dollars, soit autour du quart de la rémunération globale dans le réseau de la santé. La question est de savoir si les contribuables en ont pour leur argent. En résumé, l'étude dit que non.
Dans un texte à propos de cette étude paru le 24 mai, [Francis Vailles écrit](https://www.lapresse.ca/affaires/chroniques/2025-05-24/baisse-de-productivite-des-medecins/ni-la-faute-des-femmes-ni-celle-des-jeunes.php) que «l’État ne sait pas vraiment ce que font les médecins durant le quart de leur travail» et qualifie cette ignorance de *trou noir*.
J'ai de la difficulté avec les propos de Vailles, mais au moins je lui reconnais le fait d'avoir précisé dans sa chronique, à la suite de sa lecture de l'étude, que les femmes médecins ne sont pas responsables de la «baisse de productivité» des médecins.
Il me semble, par contre, que *productivité* et *médecins* sont antinomiques. Comme le feu et l'eau. On ne demande pas aux médecins d'être productif·ve·s, mais plutôt d'être à l'écoute des personnes qui les consultent et de prendre le temps de bien comprendre ce qui ne va pas pour mieux déterminer comment les soigner.
Le véritable trou noir, comme je l'ai expliqué dans ma note [[25-05-10 Québec fait fausse route dans la rémunération des médecins]], c'est leur mode de rémunération à la fois compliqué et lourd.
L'ironie, c'est que ce mode fait en sorte que la rémunération des médecins augmente mais que leur disponibilité pour vous et moi diminue.
Bref, en plus de souhaiter que les médecins soient des professionnel·le·s salarié·e·s du réseau de la santé, j'ajoute qu'il faudrait aussi s'assurer qu'elles et ils consacrent plus de temps à recevoir les personnes qui ont besoin de les rencontrer.
Hélas, de la façon dont l'État et les Fédérations des médecins s'y prennent pour soi-disant améliorer la situation, j'ai bien peur que nous soyons les perdant·e·s de leur affrontement.
#Sante/Medecins #ServicesPublics