# Roland Barthes - La Bruyère - Essais Critiques
La Bruyère occupe dans la culture française une place ambiguë: l’école lui reconnaît une grande importance, met ses maximes, son art, son rôle historique en sujets de dissertation ; on exalte à la fois sa connaissance de l’Homme et sa prémonition d’une société plus juste (C’est l’idée d’humanité disait Brunetière, qui commence à se faire jour) ; on fait de lui (paradoxe précieux) un classique et un démocrate. Cependant, hors l’école, la mythologie de La Bruyère est pauvre : il n’a été pris dans aucun de ces grands dialogues que les écrivains français ont toujours noués entre eux d’un siècle à l’autre (Pascal et Montaigne, Voltaire et Racine, Valéry et La Fontaine) ; la critique elle-même s’est peu souciée de renouveler l’image toute scolaire que nous avons de lui ; son œuvre ne s’est prêtée à aucun des langages nouveaux de notre siècle, elle n’a excité ni les historiens, ni les philosophes, ni les sociologues, ni les psychanalystes ; en un mot, si l’on excepte la sympathie d’un Proust citant quelque maxime pénétrante (Être avec les gens qu’on aime, cela suffit ; rêver, leur parler, ne leur parler point, penser à eux, penser à des choses plus indifférentes mais auprès d’eux, tout est égal. Du Cœur, no 23), la modernité, toute prête cependant à s’approprier les auteurs anciens, semble avoir le plus grand mal à le récupérer : connu à l’égal des grands noms de notre littérature, La Bruyère est cependant déshérité, on dirait presque désaffecté ; il lui manque même ce dernier bonheur de l’écrivain : être méconnu.
Bref, cette gloire est un peu ensommeillée, et il faut reconnaître que La Bruyère lui-même se prête mal à de grands réveils ; il reste en tout mesuré (Thibaudet parlait du clair-obscur de La Bruyère), évite d’épuiser les partis qu’il amorce, renonce à cette radicalité du point de vue qui assure à l’écrivain une vie posthume violente ; très proche de La Rochefoucauld, par exemple, son pessimisme pourtant ne dépasse guère la sagesse d’un bon chrétien et ne tourne jamais à l’obsession ; capable de produire une forme courte, fulgurante, il préfère cependant le fragment un peu long, le portrait qui se répète : c’est un moraliste tempéré, il ne brûle pas (sauf peut-être dans les chapitres sur les femmes et sur l’argent, d’une agressivité qui ne cède pas) ; et d’autre part, peintre déclaré d’une société, et dans cette société, de la passion la plus sociale qui soit, la mondanité, il ne se fait pourtant pas chroniqueur, comme Retz ou Saint-Simon ; on dirait qu’il entend éluder le choix d’un genre défini ; moraliste, il renvoie sans cesse à une société réelle, saisie dans ses personnes et ses événements (le nombre des clefs de son livre l’atteste) ; et sociologue, il ne vit cependant cette société que sous sa substance morale ; on ne peut puiser tout à fait librement en lui l’image d’une blessure éternelle de l’homme ; on ne peut non plus y voir, au-delà du bien et du mal, le spectacle vivant d’une pure socialité ; c’est peut-être pour cela que la modernité, qui cherche toujours dans la littérature passée des aliments purs, a quelque mal à reconnaître La Bruyère : il lui échappe par la plus fine des résistances : elle ne peut le nommer.
Ce malaise est sans doute celui de toute lecture moderne de La Bruyère. On peut l’exprimer autrement : le monde de La Bruyère est à la fois nôtre et autre ; nôtre, parce que la société qu’il nous peint est à ce point conforme à l’image mythique du XVIIe siècle que l’école a installée en nous, que nous circulons très à l’aise parmi ces vieilles figures de notre enfance, Ménalque, l’amateur de prunes, les paysans-animaux farouches, le « tout est dit et l’on vient trop tard », la ville, la cour, les parvenus, etc. ; autre parce que le sentiment immédiat de notre modernité nous dit que ces usages, ces caractères, ces passions même, ce n’est pas nous ; le paradoxe est assez cruel ; La Bruyère est nôtre par son anachronisme, et il nous est étranger par son projet même d’éternité ; la mesure de l’auteur (qu’on appelait autrefois médiocrité), le poids de la culture scolaire, la pression des lectures environnantes, tout cela fait que La Bruyère nous transmet une image de l’homme classique qui n’est ni assez distante pour que nous puissions y goûter le plaisir de l’exotisme, ni assez proche pour que nous puissions nous y identifier : c’est une image familière et qui ne nous concerne pas.
Lire La Bruyère n’aurait évidemment aujourd’hui aucune réalité (pour autant que nous ayons quitté l’école), si nous n’arrivions à briser cet équilibre douteux de la distance et de l’identité, si nous ne parvenions pas à nous laisser entraîner résolument ou vers l’une ou vers l’autre ; on peut certes lire La Bruyère dans un esprit de confirmation, y cherchant et chassant, comme dans tout moraliste, la maxime qui rendra compte sous une forme parfaite, de cette blessure que nous venons de recevoir des hommes ; on peut aussi le lire en marquant tout ce qui sépare son monde du nôtre et tout ce que cette distance nous apprend sur nous-mêmes ; c’est ce qu’on fera ici : discutons de lui tout ce qui nous concerne mal : nous recueillerons peut-être alors enfin le sens moderne de son œuvre.
Et d’abord, qu’est-ce que le monde, pour quelqu’un qui parle ? un champ d’abord informe d’objets, d’êtres, de phénomènes, qu’il faut organiser, c’est-à-dire : découper et distribuer. La Bruyère ne manque pas à cette obligation ; il découpe la société où il vit en grandes régions, entre lesquelles il va répartir ses « caractères » (ce sont, en gros, les chapitres de son livre). Ces régions, ou ces classes, ne sont pas d’objet homogène, elles correspondent, si l’on veut, à des sciences différentes (et cela est naturel, puisque toute science est elle-même découpage du monde) ; il y a d’abord deux classes sociologiques, qui forment comme la base du monde classique : la Cour (les grands), et la Ville (les bourgeois) ; puis une classe anthropologique : les femmes (c’est une race particulière, alors que l’homme est général : on dit : de l’homme, mais des femmes) ; une classe politique (la monarchie), des classes psychologiques (cœur, jugement, mérite) et des classes ethnologiques, où les comportements sociaux sont observés dans une certaine distance (mode, usages) ; le tout est encadré (hasard ou sens secret) entre deux « opérateurs » singuliers : la littérature, qui ouvre le livre (on verra plus tard la portée de cette inauguration), et la religion, qui le clôt.
Cette variété des objets manipulés par La Bruyère, la disparité des classes qu’il a constituées en chapitres, appellent deux remarques ; d’abord ceci : Les Caractères sont en un certain sens un livre de savoir total : d’une part, La Bruyère aborde l’homme social par tous les biais, il constitue une sorte de somme indirecte (car la littérature a toujours pour fonction de tourner la science) des connaissances mêlées que l’on pouvait avoir du socius à la fin du XVIIe siècle (on remarquera que cet homme est en fait beaucoup plus social que psychologique) ; et d’autre part, d’une façon plus troublante, le livre correspond à une sorte d’expérience initiatique, il engage à toucher ce dernier fond de l’existence où savoir et conduite, science et conscience, se rejoignent sous le nom ambigu de sagesse ; La Bruyère a esquissé en somme une sorte de cosmogonie de la société classique, décrivant ce monde par ses côtés, ses limites et ses interférences. Et ceci amène à une seconde remarque : les régions dont La Bruyère compose son monde sont assez analogues à des classes logiques : tout « individu » (on dirait en logique, tout x), c’est-à-dire tout « caractère » se définit d’abord par une relation d’appartenance à telle ou telle classe, l’amateur de tulipes à la classe Mode, la coquette à la classe Femmes, Ménalque le distrait à la classe Hommes, etc. ; mais ce n’est pas suffisant, car il faut distinguer les caractères entre eux à l’intérieur d’une même classe ; on pratiquera donc d’une classe à l’autre des opérations d’intersection ; croisez la classe du mérite et celle du célibat et vous obtiendrez une réflexion sur la fonction étouffante du mariage (Du Mérite, no 25) ; conjoignez dans Tryphon la vertu passée et la fortune présente : la simple rencontre de ces deux classes nous donnera l’image d’une certaine hypocrisie (Des Biens de fortune, no 50). Ainsi la diversité des régions, qui sont, pour l’essentiel, tantôt sociales, tantôt psychologiques, ne témoigne nullement d’un désordre riche ; devant le monde, La Bruyère n’énumère pas des éléments absolument variés comme les écrivains-arpenteurs du siècle suivant ; il combine des éléments rares ; l’homme qu’il construit est toujours fait de quelques principes : l’âge, l’origine, la fortune, la vanité, la passion ; seule varie la formule de composition, le jeu des classes interférentes : un « caractère » est toujours au moins la rencontre de deux constantes.
Or c’est là un traitement de l’homme qui nous est devenu, sinon étrange, tout au moins impossible. On a dit de Leibniz, à peu près contemporain de La Bruyère, qu’il avait été le dernier homme à pouvoir connaître de toutes choses ; La Bruyère a peut-être été lui aussi le dernier moraliste à pouvoir parler de tout l’homme, enclore toutes les régions du monde humain dans un livre ; il y faudra, moins d’un siècle plus tard, les 33 volumes de l’Encyclopédie ; aujourd’hui, il n’est plus un écrivain au monde qui puisse traiter par régions de l’homme en société : toutes les sciences humaines réunies n’y arrivent même pas. Se servant d’une image empruntée à la théorie de l’information on pourrait dire que du siècle classique au nôtre, le niveau de perception a changé : nous voyons l’homme à une autre échelle et le sens même de ce que nous voyons en est bouleversé, comme celui d’une substance usuelle soumise au microscope ; les chapitres des Caractères sont autant de coups d’arrêt imposés naturellement à la vision de l’homme ; aujourd’hui, on ne peut plus arrêter l’homme nulle part ; tout partage que nous lui imposons le renvoie à une science particulière, sa totalité nous échappe ; si je parle, mutatis mutandis, de la ville et de la cour, je suis un écrivain social ; si je parle de la monarchie, je suis un théoricien politique ; de la littérature, un critique ; des usages, un essayiste ; du cœur, un psychanalyste, etc. ; bien plus, la moitié au moins des classes d’objets auxquelles se réfère La Bruyère n’ont plus qu’une existence vétuste ; personne aujourd’hui ne ferait plus un chapitre sur les femmes, sur le mérite ou sur la conversation ; bien que l’on continue à se marier, à « arriver » ou à parler, ces comportements ont passé à un autre niveau de perception ; un dispatching nouveau les envoie vers des régions humaines inconnues de La Bruyère : la dynamique sociale, l’inter-psychologie, la sexualité, sans que ces domaines puissent être jamais réunis sous une seule écriture : étroit, clair, « centré », fini, obsédant, l’homme de La Bruyère est toujours là ; le nôtre est toujours ailleurs ; s’il nous vient de penser au caractère de quelqu’un, c’est pour en ressentir ou l’universalité insignifiante (le désir de promotion sociale, par exemple), ou la complexité insaisissable (de qui oserions-nous dire tout uniment qu’il est un fat ?) En somme, ce qui a changé, du monde de La Bruyère au nôtre, c’est le notable : nous ne notons plus le monde comme La Bruyère ; notre parole est différente, non parce que le vocabulaire a évolué, mais parce que parler, c’est fragmenter le réel d’une façon toujours engagée et que notre découpe renvoie à un réel si large que la réflexion ne peut suffire à le prendre en charge et que de nouvelles sciences, que l’on appelle humaines (et dont le statut n’est pas d’ailleurs très bien défini), doivent s’en mêler : La Bruyère relève qu’un beau-père aime sa bru et qu’une belle-mère aime son gendre (De la Société, no 45) ; c’est là une notation qui nous concernerait davantage aujourd’hui, si elle venait d’un psychanalyste, tout comme c’est l’Œdipe de Freud qui nous fait maintenant rêver, non celui de Sophocle. C’est affaire de langage ? Mais le seul pouvoir de l’histoire sur le « cœur humain », c’est de varier le langage qui le parle. Tout est dit depuis plus de sept mille ans qu’il y a des hommes et qui pensent : oui, sans doute ; mais on ne vient jamais trop tard pour inventer de nouveaux langages.
Voilà donc le « monde » de La Bruyère épuisé par quelques grandes classes d’individus : la cour, la ville, l’Église, les femmes, etc. ; ces classes elles-mêmes peuvent très bien se subdiviser en « sociétés » plus petites. Relisons le fragment 4 du ch. De la Ville : « La ville est partagée en diverses sociétés, qui sont comme autant de petites républiques, qui ont leurs lois, leurs usages, leur jargon et leurs mots pour rire… » On dirait en termes modernes que le monde est fait d’une juxtaposition d’isolats, imperméables les uns aux autres. Autrement dit, le groupe humain, aux yeux de La Bruyère, n’est nullement constitué d’une façon substantielle ; au-delà de la façon en somme contingente dont ces petites sociétés sont remplies ici de bourgeois ou là de nobles, La Bruyère cherche un trait qui les définisse toutes ; ce trait existe ; c’est une forme ; et cette forme, c’est la clôture ; La Bruyère s’occupe des mondes, du monde, pour autant qu’ils sont fermés. On touche ici, poétiquement, à ce que l’on pourrait appeler une imagination du partage qui consiste à épuiser par l’esprit toutes les situations que la simple clôture d’un espace engendre de proche en proche dans le champ général où elle a lieu : (choix, c’est-à-dire arbitraire) du partage, substances différentes du dedans et du dehors, règles d’admission, de sortie, d’échange, il suffit que dans le monde une ligne se ferme pour que de nouveaux sens naissent à profusion, et c’est ce qu’a bien vu La Bruyère. Appliquée à la matière sociale, l’imagination de la clôture, qu’elle soit vécue ou analysée, produit en effet un objet à la fois réel (car il pourrait relever de la sociologie) et poétique (car les écrivains l’ont traité avec prédilection) : c’est la mondanité, ou encore d’un mot plus moderne mais qui l’irréalise déjà un peu trop, le snobisme. Avant que la littérature se posât le problème du réalisme politique, la mondanité a été pour l’écrivain un moyen précieux d’observer la réalité sociale tout en restant écrivain ; la mondanité est en effet une forme ambiguë du réel : engagée et inengagée ; renvoyant à la disparité des conditions, mais restant malgré tout une forme pure, la clôture permettant de toucher au psychologique et aux mœurs sans passer par la politique ; c’est pourquoi, peut-être, nous avons eu en France une grande littérature de la mondanité, de Molière à Proust : et c’est dans cette tradition d’un imaginaire tout entier dirigé vers les phénomènes de clôture sociale que s’inscrit évidemment La Bruyère.
Il peut exister un grand nombre de petites sociétés mondaines, puisqu’il leur suffit de se fermer pour exister ; mais il va de soi que la clôture, qui est la forme originelle de toute mondanité, et que l’on peut par conséquent décrire au niveau de groupes infimes (la coterie du fragment 4 de la Ville, ou le salon Verdurin), prend un sens historique précis lorsqu’elle s’applique au monde dans son ensemble, car ce qui est alors dans la clôture et hors d’elle correspond fatalement au partage économique de la société ; c’est le cas pour la mondanité générale décrite par La Bruyère ; elle a forcément des racines sociales : ce qui est dans la clôture, ce sont les classes pourvues, noblesse et bourgeoisie ; et ce qui est dehors, ce sont les hommes sans naissance et sans argent, c’est le peuple (ouvriers et paysans). La Bruyère ne définit cependant pas des classes sociales ; il peuple diversement un inland et un outland : tout ce qui prend place à l’intérieur de la clôture est par là même appelé à l’être ; tout ce qui reste à l’extérieur est rejeté dans le néant ; on dirait que paradoxalement les substructures sociales ne sont que le reflet des formes de l’admission et du rejet. La primauté de la forme rend ainsi indirectes les notations que nous appellerions aujourd’hui politiques. On a parlé des sentiments démocratiques de La Bruyère, en s’appuyant notamment sur le fragment 128 de l’Homme, qui est une description noire des paysans (L’on voit certains animaux farouches… répandus par la campagne…). Cependant, le peuple n’a, dans cette littérature, qu’une valeur purement fonctionnelle : il reste l’objet d’une charité, dont le sujet seul, qui est l’homme charitable, est appelé à l’existence ; pour exercer la pitié, il faut bien un objet pitoyable : le peuple a cette complaisance. En termes formels (et on a dit combien la forme fermée prédéterminait ce monde), les classes pauvres, qu’aucun regard politique ne vient éclairer, sont ce pur extérieur sans lequel la bourgeoisie et l’aristocratie ne pourraient sentir leur être propre (voir le fragment 31 des Biens de fortune, où le peuple regarde les grands vivre d’une existence emphatique, comme sur un théâtre) ; les pauvres sont ce à partir de quoi on existe : ils sont la limite constitutive de la clôture. Et naturellement, en tant que pures fonctions, les hommes de l’extérieur n’ont aucune essence. On ne peut leur attribuer aucun de ces caractères qui marquent d’une existence pleine les habitants de l’intérieur : un homme du peuple n’est ni sot, ni distrait, ni vaniteux, ni avare, ni gourmand (gourmand, avare : comment le serait-il ?) ; il n’est qu’une pure tautologie : un jardinier est un jardinier, un maçon est un maçon, voilà tout ce qu’on peut en dire ; la seule qualité double, le seul appel d’être que, de l’intérieur et par-delà son ustensilité (nettoyer le jardin, construire un mur), on puisse parfois lui reconnaître, c’est d’être un homme : non point un être humain, mais un mâle que les femmes du monde découvrent lorsqu’elles sont trop recluses (Des Femmes, no 34) : le questionnaire (celui qui applique la question) n’est nullement cruel (ce serait là un « caractère ») ; c’est simplement « un jeune homme qui a les épaules larges et la taille ramassée, un nègre d’ailleurs, un homme noir » (Des Femmes, no 33).
Le « caractère » est une métaphore : c’est le développement d’un adjectif. Privé de définition (c’est une pure limite), le peuple ne peut recevoir ni adjectif, ni caractère : il disparaît donc du discours. Par le poids même du postulat formel qui voue le renfermé à l’être, toute l’écriture des Caractères est concentrée sur la plénitude intérieure de la clôture : c’est là que foisonnent les caractères, les adjectifs, les situations, les anecdotes. Mais ce foisonnement est, si l’on peut dire, rare, purement qualitatif ; ce n’est pas un foisonnement du nombre ; l’inland de la mondanité, quoique plein d’être à craquer, est un territoire étroit et faiblement peuplé ; il s’y produit un phénomène dont nos sociétés de masse perdent de plus en plus l’idée : tout le monde s’y connaît, tout le monde y a un nom. Cette familiarité intérieure, fondée sur une circonstance ouvertement sociologique (nobles et bourgeois étaient une petite minorité), rappelle assez ce qui se passe dans des sociétés à démographie étroite : tribus, villages, ou encore société américaine antérieure à la grande immigration. Paradoxalement, les lecteurs de La Bruyère pouvaient mieux penser l’universel que l’anonyme : toute description d’un caractère coïncide alors avec le sentiment d’une identité, même si cette identité est incertaine ; les innombrables clefs qui ont suivi la parution des Caractères ne constituent nullement un phénomène mesquin qui marquerait, par exemple, l’incompréhension des contemporains devant la portée générale du livre : il est peut-être indifférent que le gourmand Cliton ait été réellement le comte de Broussin ou Louis de La Trémoille ; il ne l’est pas que les « caractères » aient été presque tous prélevés dans une société personnalisée : la nomination est ici fonction étroite de la clôture : le type mondain (et c’est en cela qu’il diffère probablement des « emplois » de la comédie) ne naît pas par abstraction, quintessence d’individus innombrables : c’est une unité immédiate, définie par sa place au milieu d’unités voisines dont la contiguïté en quelque sorte différentielle forme l’inland de la mondanité : La Bruyère ne purifie pas ses caractères, il les récite comme les cas successifs d’une même déclinaison mondaine.
Clôture et individuation, ce sont là des dimensions de la socialité que nous ne connaissons plus. Notre monde est ouvert, on y circule, et surtout, s’il y a encore clôture, ce n’est nullement une minorité rare qui s’y enferme et y trouve emphatiquement son être, c’est au contraire la majorité innombrable ; la mondanité, aujourd’hui, si l’on peut dire, c’est la normalité ; il s’ensuit que la psychologie du partage a entièrement changé ; nous ne sommes plus sensibles à aucun des caractères issus du principe de vanité, décisif lorsque c’est la minorité qui a l’avoir et l’être, mais plutôt à toutes les variations de l’anormal ; il n’y a pour nous de caractères qu’en marge : ce n’est plus maintenant La Bruyère qui donne un nom aux hommes, c’est le psycho-pathologue ou le psycho-sociologue, tous ceux qui sont appelés à définir non des essences, mais bien au contraire des écarts. Autrement dit, notre clôture est extensive, elle enferme le plus grand nombre. Il s’ensuit un renversement complet de l’intérêt que nous pouvons porter aux caractères ; autrefois, le caractère renvoyait à une clef, la personne (générale) à une personnalité (particulière) ; aujourd’hui, c’est le contraire ; notre monde crée certes, pour son spectacle, une société fermée et personnalisée : celle des vedettes, stars et célébrités qu’on a pu grouper sous le nom d’Olympiens de notre temps ; mais cette société ne nous livre pas des caractères, seulement des fonctions ou des emplois (l’amoureuse, la mère, la reine brisée par son devoir, la princesse espiègle, l’époux modèle, etc.) ; et ces « personnalités » sont, au contraire du circuit classique, traitées comme des personnes, afin que le plus grand nombre d’êtres humains puissent se retrouver en elles ; la société olympienne que nous créons pour notre propre consommation n’est en somme qu’un monde emboîté dans le monde entier pour le représenter, elle n’est pas clôture, mais miroir : nous ne cherchons plus le typique mais l’identique ; La Bruyère condensait un caractère à la façon d’une métaphore ; nous développons une vedette comme un récit ; Iphis, Onuphre ou Hermippe se prêtaient à un art du portrait ; Margaret ou Soraya renouvellent celui de la geste épique.
Cette distance en quelque sorte structurale du monde de La Bruyère par rapport à notre monde n’entraîne nullement à nous désintéresser de lui, mais seulement nous dispense de faire effort pour nous identifier à lui ; il faut nous habituer peu à peu à l’idée que la vérité de La Bruyère est, au sens plein du terme, ailleurs. Rien ne nous y préparera mieux qu’un regard sur ce qu’on appellerait aujourd’hui sa position politique. On le sait, son siècle ne fut pas subversif. Nés de la monarchie, nourris par elle, entièrement immergés en elle, les écrivains d’alors mettaient autant d’ensemble à approuver le pouvoir que ceux d’aujourd’hui en mettent à le contester. Sincère ou non (la question elle-même n’avait guère de sens), La Bruyère se déclare devant Louis XIV soumis comme devant un dieu ; ce n’est pas que la soumission ne soit ressentie comme telle, simplement elle est fatale : un homme né chrétien et Français (c’est-à-dire soumis au roi) ne peut, par nature, aborder les grands sujets, qui sont les sujets réservés : il ne lui reste qu’à bien écrire (Des Ouvrages de l’esprit, no 65) ; l’écrivain se précipitera donc dans la sanctification de ce qui est, parce que cela est (Du Souverain, no 1) ; c’est l’immobilité des choses qui en montre la vérité ; les Siamois accueillent nos prêtres mais s’abstiennent de nous envoyer les leurs : c’est parce que leurs dieux sont faux et le nôtre vrai (Des Esprits forts, no 29). La soumission de La Bruyère aux formes les plus emphatiques (et donc les plus plates) du culte royal n’a, bien entendu, rien d’étrange en soi : pas un écrivain de son temps qui n’ait eu ce style ; elle a tout de même ceci de particulier qu’elle vient brusquement arrêter ce qu’on appellerait aujourd’hui une attitude continûment démystificatrice : le moralisme, qui est, par définition, substitution des ressorts aux apparences et des mobiles aux vertus, opère d’ordinaire comme un vertige : appliquée au « cœur humain », la recherche de la vérité semble ne pouvoir s’arrêter nulle part ; cependant, chez La Bruyère, ce mouvement implacable, poursuivi à coups de menues notations pendant tout un livre (qui fut le livre de sa vie) s’arrête pour finir à la plus plate des déclarations : que les choses du monde restent finalement en l’état, immobiles sous le regard du roi-dieu ; et que l’auteur lui-même rejoigne cette immobilité et « se réfugie dans la médiocrité » (au sens de juste milieu ; voir Des Biens de fortune, no 47) : on croirait entendre une nouvelle profession du dharma, la loi indoue qui prescrit l’immobilité des choses et des castes. Ainsi apparaît entre le livre et l’auteur une sorte de distorsion, à la fois surprenante et exemplaire ; surprenante parce que, quelque effort que l’auteur fasse pour se ranger, le livre continue de tout brûler sur son passage ; exemplaire, parce qu’en fondant un ordre de signes sur la distance du témoin et du témoignage, l’œuvre semble renvoyer à un accomplissement particulier de l’homme dans le monde, qu’on appelle précisément la littérature. C’est donc en définitive lorsque nous croyons avoir atteint en La Bruyère l’extrême lointain de nous-mêmes, qu’un personnage surgit brusquement en lui, qui nous concerne au plus proche et qui est tout simplement l’écrivain.
Il ne s’agit pas, bien entendu, du « bien écrire ». Nous croyons aujourd’hui que la littérature est une technique à la fois plus profonde que celle du style et moins directe que celle de la pensée ; nous croyons qu’elle est à la fois parole et pensée, pensée qui se cherche au niveau des mots, parole qui regarde pensivement en elle-même. Est-ce cela, La Bruyère ?
On pourrait dire que la première condition de la littérature, c’est, paradoxalement, d’accomplir un langage indirect : nommer en détail les choses afin de ne pas nommer leur sens dernier et tenir cependant sans cesse ce sens menaçant, désigner le monde comme un répertoire de signes dont on ne dit pas ce qu’ils signifient. Or, par un second paradoxe, le meilleur moyen d’être indirect, pour un langage, c’est de se référer le plus constamment possible aux objets et non à leurs concepts : car le sens de l’objet tremble toujours, non celui du concept ; d’où la vocation concrète de l’écriture littéraire. Or Les Caractères sont une admirable collection de substances, de lieux, d’usages, d’attitudes ; l’homme y est presque constamment pris en charge par un objet ou un incident : vêtement, langage, démarche, larmes, couleurs, fards, visages, aliments, paysages, meubles, visites, bains, lettres, etc. On le sait, le livre de La Bruyère n’a nullement la sécheresse algébrique des maximes de La Rochefoucauld, par exemple, tout entières fondées sur l’énoncé de pures essences humaines ; la technique de La Bruyère est différente : elle consiste à mettre en acte, et tend toujours à masquer le concept sous le percept ; voulant énoncer que le mobile des actions modestes n’est pas forcément la modestie, La Bruyère affabulera en quelques mots une histoire d’appartement ou de repas (Celui qui, logé dans un palais, avec deux appartements pour les deux saisons, vient coucher au Louvre dans un entresol, etc., Du Mérite…, no 41) ; toute vérité commence ainsi comme une énigme, celle qui sépare la chose de sa signification ; l’art de La Bruyère (et l’on sait que l’art, c’est-à-dire la technique, coïncide avec l’être même de la littérature) consiste à établir la plus grande distance possible entre l’évidence des objets et des événements par laquelle l’auteur inaugure la plupart de ses notations et l’idée qui, en définitive, semble rétroactivement les choisir, les arranger, les mouvoir. La plupart des caractères sont ainsi construits comme une équation sémantique : au concret, la fonction du signifiant ; à l’abstrait, celle du signifié ; et de l’un à l’autre un suspens, car l’on ne sait jamais à l’avance le sens final que l’auteur va tirer des choses qu’il manie.
La structure sémantique du fragment est si forte, chez La Bruyère, qu’on peut la rattacher sans peine à l’un des deux aspects fondamentaux que le linguiste R. Jakobson a heureusement distingués dans tout système de signes. Jakobson distingue dans le langage un aspect sélectif (choisir un signe dans une réserve virtuelle de signes similaires) et un aspect combinatoire (enchaîner les signes ainsi choisis selon un discours) ; à chacun de ces aspects correspond une figure typique de l’ancienne rhétorique, par quoi on peut le désigner : à l’aspect sélectif, la métaphore, qui est substitution d’un signifiant à un autre, tous deux ayant même sens, sinon même valeur ; à l’aspect combinatoire, la métonymie, qui est glissement, à partir d’un même sens, d’un signe à un autre ; esthétiquement, le recours dominant au procédé métaphorique fonde tous les arts de la variation ; le recours au procédé métonymique fonde tous ceux du récit. Un portrait de La Bruyère, en fait, a une structure éminemment métaphorique ; La Bruyère choisit des traits qui ont même signifié et il les accumule dans une métaphore continue, dont le signifié unique est donné à la fin ; voyez, par exemple, le portrait du riche et celui du pauvre à la fin du chapitre Des Biens de fortune (no 83) : en Giton, s’énumèrent, à un rythme serré, tous les signes qui font de lui un riche ; en Phédon, tous ceux du pauvre ; on voit ainsi que tout ce qui arrive à Giton et à Phédon, quoique apparemment raconté, ne relève pas à proprement parler de l’ordre du récit ; il s’agit seulement d’une métaphore étendue, dont La Bruyère a donné lui-même très pertinemment la théorie lorsqu’il dit de son Ménalque que « ceci est moins un caractère particulier qu’un recueil de faits de distraction » (De l’Homme, no 7) ; entendez par là que toutes les distractions énumérées ne sont pas réellement celles d’un seul homme, fût-il fictivement nommé, comme cela se produirait dans un récit véritable (ordre métonymique) ; mais qu’il s’agit plutôt d’un lexique de la distraction dans lequel on peut choisir « selon son goût » le trait le plus significatif (ordre métaphorique). On approche ainsi, peut-être, de l’art de La Bruyère : le « caractère » est un faux récit, c’est une métaphore qui prend l’allure du récit sans le rejoindre vraiment (on se rappellera d’ailleurs le mépris de La Bruyère pour le conter : Des Jugements, no 52) : l’indirect de la littérature est ainsi accompli : ambigu, intermédiaire entre la définition et l’illustration, le discours frôle sans cesse l’une et l’autre et les manque volontairement toutes deux : au moment où l’on croit tenir le sens clair d’un portrait tout métaphorique (lexique des traits de distractions), ce sens s’esquive sous les apparences d’une histoire vécue (une journée de Ménalque).
Récit manqué, métaphore masquée : cette situation du discours de La Bruyère explique peut-être la structure formelle (ce qu’on appelait autrefois la composition) des Caractères : c’est un livre de fragments, parce que précisément le fragment occupe une place intermédiaire entre la maxime qui est une métaphore pure, puisqu’elle définit (voyez La Rochefoucauld : l’amour-propre est le plus grand des flatteurs) et l’anecdote, qui n’est que récit : le discours s’étend un peu parce que La Bruyère ne saurait se contenter d’une simple équation (il s’en explique à la fin de sa Préface) ; mais il cesse bientôt dès qu’il menace de tourner à la fable. C’est là, en vérité, une parole très particulière, qui a peu d’équivalents dans notre littérature, très imbue de l’excellence des genres tranchés, parole éclatante (la maxime) ou parole continue (le roman) ; on peut cependant lui trouver également une référence prosaïque et une référence sublime. La référence prosaïque du fragment ce serait ce qu’on appelle aujourd’hui le scraps-book, recueil varié de réflexions et d’informations (par exemple, des coupures de presse) dont la seule notation induit à un certain sens : les Caractères sont bien en effet le scraps-book de la mondanité : c’est une gazette intemporelle, brisée, dont les morceaux sont comme les significations discontinues du réel continu. La référence sublime, ce serait ce que nous appelons aujourd’hui la parole poétique ; un paradoxe historique veut en effet qu’à l’époque de La Bruyère la poésie fût essentiellement un discours continu, de structure métonymique et non métaphorique (pour reprendre la distinction de Jakobson) ; il a fallu attendre la subversion profonde apportée au langage par le surréalisme pour obtenir une parole fragmentaire et tirant son sens poétique de sa fragmentation même (voir par exemple La Parole en archipel, de Char) ; s’il était poétique, le livre de La Bruyère ne serait nullement, en effet, un poème, mais à l’instar de certaines compositions modernes, une parole en éclats : que le propos se réfère ici à une rationalité classique (les caractères) et là à une « irrationalité » poétique n’altère en rien une certaine communauté dans l’expérience du fragment : le discontinu radical du langage pouvait être vécu par La Bruyère comme il l’est aujourd’hui par René Char.
Et c’est bien au niveau du langage (et non du style) que les Caractères peuvent peut-être le plus nous toucher. On y voit en effet un homme y mener une certaine expérience de la littérature : l’objet peut nous en sembler anachronique, comme on l’a vu, si le mot, lui, ne l’est nullement. Cette expérience se mène, si l’on peut dire, sur trois plans.
D’abord sur le plan de l’institution elle-même. Il semble que La Bruyère ait très consciemment mené une certaine réflexion sur l’être de cette parole singulière que nous appelons aujourd’hui littérature et qu’il nommait lui-même, sous une expression plus substantielle que conceptuelle, les ouvrages de l’esprit : outre sa préface qui est une définition de son entreprise au niveau du discours, il consacre au livre tout un chapitre de son œuvre, et ce chapitre est le premier, comme si toute réflexion sur l’homme devait d’abord fonder en principe la parole qui la porte. On ne pouvait certes alors imaginer qu’écrire fût un verbe intransitif, dépourvu de justification morale : La Bruyère écrit donc pour instruire. Cette finalité est cependant absorbée dans un ensemble de définitions beaucoup plus modernes : l’écriture est un métier, ce qui est une façon, à la fois, de la démoraliser et de lui donner le sérieux d’une technique (Des Ouvrages de l’esprit, no 3) ; l’homme de lettres (notion alors nouvelle) est ouvert sur le monde et il y occupe une place cependant soustraite à la mondanité (Des Biens de fortune, no 12) ; on s’engage dans l’écrire, ou dans le non-écrire, ce qui signifie qu’écrire est un choix. Sans vouloir forcer la modernité de telles notations, il se dessine dans tout ceci le projet d’un langage singulier, distant à la fois du jeu précieux (le naturel est un thème d’époque) et de l’instruction morale, et qui trouve sa fin secrète dans une certaine façon de découper le monde en paroles et de le faire signifier au niveau d’un travail exclusivement verbal (c’est l’art).
Ceci amène au second plan de l’expérience littéraire, qui est l’engagement de l’écrivain dans les mots. Parlant de ses prédécesseurs (Malherbe et Balzac), La Bruyère remarque : l’on a mis dans le discours tout l’ordre et toute la netteté dont il est capable (qu’il peut recevoir) : cela conduit insensiblement à y mettre de l’esprit. L’esprit désigne précisément ici une sorte d’ingéniosité intermédiaire entre l’intelligence et la technique ; telle est bien en effet la littérature : une pensée formée par les mots, un sens issu de la forme. Pour La Bruyère, être écrivain, c’est croire qu’en un certain sens le fond dépend de la forme, et qu’en travaillant et modifiant les structures de la forme, on finit par produire une intelligence particulière des choses, une découpe originale du réel, bref un sens nouveau : le langage est à lui tout seul une idéologie ; La Bruyère sait bien que sa vision du monde est en quelque sorte déterminée par la révolution linguistique du début de son siècle, et au-delà de cette révolution, par sa parole personnelle, cette sorte d’éthique du discours qui lui a fait choisir le fragment et non la maxime, la métaphore et non le récit, le « naturel » et non le « précieux ».
Ainsi s’affirme une certaine responsabilité de l’écriture, qui est en somme très moderne. Et ceci amène à la troisième détermination de l’expérience littéraire. Cette responsabilité de l’écriture ne se confond en effet nullement avec ce que nous appelons aujourd’hui l’engagement et qu’on appelait alors l’instruction. Certes les écrivains classiques pouvaient très bien croire qu’ils instruisaient tout comme les nôtres s’imaginent témoigner. Mais tout en étant liée substantiellement au monde, la littérature est ailleurs ; sa fonction, du moins au sein de cette modernité qui commence avec La Bruyère, n’est pas de répondre directement aux questions que le monde pose, mais, à la fois plus modestement et plus mystérieusement, d’amener la question au bord de sa réponse, de construire techniquement la signification sans cependant la remplir. La Bruyère n’était nullement révolutionnaire, pas même démocrate, comme l’ont dit les positivistes du siècle dernier ; il n’avait aucune idée que la servitude, l’oppression, la misère pussent s’exprimer en termes politiques ; sa description des paysans a cependant la valeur profonde d’un réveil ; la lumière qui est jetée par l’écriture sur le malheur humain reste indirecte, issue la plupart du temps d’une conscience aveuglée, impuissante à saisir les causes, à prévoir les corrections ; mais cet indirect même a une valeur cathartique, car il préserve l’écrivain de la mauvaise foi : dans la littérature, à travers elle, l’écrivain ne dispose d’aucun droit, la solution des malheurs humains n’est pas pour lui un Avoir triomphant : sa parole est seulement là pour désigner un trouble. C’est ce qu’a fait La Bruyère : parce qu’il s’est voulu écrivain, sa description de l’homme atteint les vraies questions.