tags: [[Cinema MOC]] #Writing/essay
> Le [[2022-12-09]]
Ceci est un essaie écrit pour un cours de scénarisation, lorsque j'étais à l'UQÀM. En relisant, c'est rigolo de voir à quel point c'est clairs que le texte est écrit par trois personnes qui ne se sont pas parlé. Le style, rythme, et ton est tellement inconsistent. Mais bon, les bits prendraient de la poussière dans mon disque dur... Aussi bien le partagé.
Voici le *TL;DR:*
Citizen Kane est à propos d'un dude qui possède tout, sauf l'amour des autres.
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>Visionnement et analyse de scénarios Travail présenté à : LIT 2850 Hubert-Yves Rose
>
>
>« La composition narrative »
>dans
>« Citizen Kane »
>écrit et réalisé
>par
>Herman J. Mankiewicz et Orson Welles
>
>
>Dissertation écrite par
>Jessika Brault
>Julie Langevin-Pepin
>Fabio Provencher-Flores
>
>
>UQAM
>
>Le mardi 31 octobre 2017
# La composition narrative dans Citizen Kane
## Introduction
Lorsqu'on parle de Citizen Kane, on pense à Orson Welles : un homme imposant dont on sait reconnaître l'incarnation à travers le personnage de magnat de la presse Charles Foster Kane. Ayant largement emprunté à l’existence de ce dernier, cette oeuvre dépeint une vie d'abondance, mais aussi de manques et de mensonges. Or, le film a aussi été inspiré de la vie de Hearst, un personnage mégalomane dont on ne parle pas tellement. Après une vaine tentative de raconter plusieurs fois dans le même film, mais de diverses perspectives la chute du protagoniste à travers une scène comme idée de départ, Welles et Mankiewicz décident plutôt de se concentrer sur la multiplicité de points de vue pour faire en sorte que la perception du spectateur change à travers cinq témoignages. C'est à partir du développement des points suivants : le thème, la toile de fond (sociale et historique), le mode de discours et le point du vue, que l'analyse comparée du scénario de tournage et du film, portant de près sur la vie de William Randolph Hearst et de Orson Welles, traitera du concept narratif utilisé dans Citizen Kane.
### L’idée de départ et la tragédie
La tragédie de Citizen Kane s'étend au-delà de l’univers fictionnel d’Orson Welles et de Herman J. Mankiewicz. Bien qu’il en était tout à fait inconscient, Welles fût capable de dépeindre à merveille la chute inévitable d’un géant du domaine et par le fait même sa propre chute. Or, à la base, l’intérêt du récit se voulait plutôt dirigé vers William Randolph Hearst duquel beaucoup d’éléments du récit ont pris naissance. Cependant, aux yeux des cinéastes, Hearst ne représentait qu’une source d’inspiration au niveau narratif, l’intention des scénaristes étant plus grande. « Je dois admettre que Citizen Kane fût conçu consciemment comme un document social, comme une attaque contre une société avide, et sur l’avidité en général » explique Orson Welles, justifiant la toile de fond présente dans le film. Le désir de Welles et de Mankiewicz était d’écrire une histoire qui traverserait leur époque en dressant le portrait d’un grand homme incarnant un thème criant de manque et laquelle des générations de spectateurs auraient l’occasion d’explorer sous les différents points de vue offerts.
### Le citoyen Kane
Dans le long métrage Citizen Kane, le protagoniste Charles forster Kane est introduit dès sa plus tendre enfance. Tôt, le spectateur comprend qu’il est, dès son jeune âge, coupé de sa mère protectrice (et castratrice en un sens) qui l’éloigne de son père abusif. La perte de l’amour de celle-ci est alors représentée symboliquement par un objet: la luge du jeune Kane. Il passera le reste de sa vie à chercher l’amour de sa mère sans le savoir. L’entièreté des témoignages est traversée par cette quête qui, au final, sera soldée par la révélation incarnée dans le presse-papier. « De façon inconsciente, le presse-papier représentait la simplicité, le confort, et surtout, l’absence de responsabilité chez lui, mais aussi l’amour de sa mère. » Kane incarne le thème: l’enfance perdue, le manque d’amour maternel, le sens caché derrière ce mot mystérieux: rosebud.
### LA TOILE DE FOND: CONTEXTE SOCIAL ET HISTORIQUE
Dans les années 1930, un grand ralentissement économique survient au cœur des économies capitalistes occidentales. On nomme cette crise la Grande Dépression. Cet événement qui touche les États-Unis est profonde. Elle représente le contexte social et historique dans lequel se déroule Citizen Kane puisqu’elle témoigne du cheminement et de l’évolution du protagoniste. Les dépenses excessives de Charles Foster Kane sur sa demeure inachevée le mène à l’obtention du contrôle de son empire médiatique. Ce dernier dispose d’une fortune importante quant à la condition des travailleurs et travailleuses qui pour leur part, se dégrade rapidement.
### LA TOILE DE FOND: LES TROIS ARÈNES PRINCIPAUX
Parmi toutes ses possessions, trois d’entre elles reflètent réellement Charles Foster Kane. Celles-ci représentent la toile de fond de l’œuvre puisqu’elles sont les demeures du récit. Il s’agit de trois lieux où l’action s’exerce et selon lesquelles l’espace physique est constitué. Dans le but de créer un univers cohérent et qui reflète l’univers intérieur du protagoniste, ces espaces empruntent à une forme de motif en particulier. Ce dernier relève de la miniature et est exploité dès le début, à partir d’un globe. Ce motif n’est pas une décoration, il renforce l’idée de contrôle que Kane manifeste tout au long du film dans les actes qu’il pose. Nous sommes donc en présence de deux espaces : l’espace intérieur (intime) du protagoniste et le monde dans lequel il évolue (espace extérieur, social).
## Les arènes
### La cour de la maison de son enfance
Ceci nous amène à analyser la première arène soit : l’espace naturel. Pour la première et la dernière fois dans le film, Kane est en contact avec la nature. Non seulement la nature comme environnement, mais surtout dans l’interprétation symbolique et théorique de cet espace. Cette scène représente le dernier moment partagé avec sa famille. Jusqu’à ce que l’argent entre en compte comme argument décisif, les personnages semblent entretenir des relations familiales saines. Tout bascule lorsque les parents de Kane acceptent de le vendre à un banquier contre une somme d’argent. Ainsi, le plan-séquence dans lequel Kane joue à l’extérieur synthétise les rapports de forces. Tandis que les parents sont à l’intérieur, on aperçoit Kane au travers de la fenêtre, ce qui établit un effet d’emprisonnement sur ce dernier. Cet effet renvoi à la décision prise sans la consultation du concerné. L’espace extérieur, c’est-à-dire l’espace où se trouve Kane, suggère une opposition contre l’espace intérieur, où se trouve les adultes. L’espace extérieur représente ici la liberté, l’enfance et l’espace intérieur, les contraintes et l’argent. Le monde des adultes l’emporte sur Kane : ce jeune gamin n’appartient plus au monde de l’enfance. L’espace ici souligne la distance qui sépare les personnages. Ce dernier ne sera plus choyé par le foyer familial, il en sera éjecté. Cet événement causera un manque chez Kane qui s’avère être la cause de la suite des événements. Or, Kane n’est pas présenté comme un homme affecté. Toutefois, il est possible d’en déduire le contraire à un moment précis lors de la lecture du scénario.
> Tatcher, with a look of mingled exasperation, annoyances, sympathy and inability to handle the situation, is standing alongside a berth, looking at Kane, his face in the pillow, is crying with hearthbreaking sobs
>
> **KANE**
> *Mom! Mom!**
Dans le film, Thatcher n’est pas présenté comme un homme aussi compréhensif. Ce changement accentue l’insensibilité chez Thatcher, en vertu de la solitude et du manque chez Kane.
### L’inquirer
Sa carence affective depuis l’enfance s’exprime à travers une deuxième arène qu’est le Journal The Inquirer, l’univers de la presse écrite. Parmi toutes ses possessions, Kane ne s’intéresse réellement qu’à celle-ci. Cet espace est à l’image de toutes ses relations sociales et représente l’exercice du pouvoir, fonction de la miniature. Au départ, il est rempli de bonnes intentions. En raison de la personnalité narcissique de cet individu, il voudra contrôler les lecteurs et donc, sa presse se transformera en presse à sensation. À l’abri des critiques, Kane se cache dans cet endroit qui lui permet d’étendre ce qu’il veut, au-delà des quatre murs de l’Inquirer. Or, le nom de Kane est une menace pour toutes les travailleuses et tous les travailleurs. Puisqu’il en tire une motivation conditionnée, un plaisir, Kane ne respecte pas réellement ses promesses. Pourtant, ce dernier écrit et publie une déclaration de principes où il promet de respecter les droits du citoyen, ainsi que de dire la vérité. Le personnage d’Emily, sa première femme, semble prendre conscience de cet artifice et lui en fait part :
> **EMILY**
> *Really Charles – people have the right to expect –*
>
> **KANE**
> *What I care to give them*
Or, le film suggère une interprétation beaucoup plus hostile et imposante de la part de Kane.
> **EMILY**
>* People will think …*
>
> **KANE**
> *What I tell them to think.*
Kane parle des gens comme s’ils les possédaient. C’est cette séparation entre l’homme honnête et l’homme de spectacle qui représente une grande erreur dans son parcours. Il n’échappe pas à la crise. Il fait partie de celles et ceux qui se trouvent ébranlés(ées). Toutefois, il est trop tard pour regagner son influence; le pays a déjà cessé de lui faire confiance.
### Xanadu
Au cours de l’hiver 1929, Charles Foster Kane déclare qu’il abandonne toutes directions de journaux. C’est-à-dire qu’il renonce à la gestion de tout journal, à toute revendication ainsi qu’à toute entreprise d’édition, quelle qu’elle soit. Cette déclaration met en péril le travail des employés desdits journaux : ils sont alors liquidés. Or, les compagnies conviennent que Charles Foster Kane a droit à sa part monétaire et ce, jusqu’à la fin de ses jours. Cette décision octroie à Kane un contrôle quant à celles et ceux qui sont au cœur de la crise. Cette pension pour Kane ne sera pas utilisée à bon escient. Ce dernier dépense son argent de façon très superficielle. Il se procure des choses, des objets d’arts qui traînent, jusqu’à la fin de ses jours, dans son énorme palais plus grand que nature ; un royaume à son image, un terrain de jeu grandeur nature d’une immensité égale à son égo. Cet énorme espace, construit par les mains de l’homme, est sans doute, pour Leland, une réaction au fait qu’il n’ait jamais rien eu d’autre que de l’argent :
> **LELAND**
> *He was disappointed in the world. So he build one of his own – an absolute monarchy – It was something bigger than an opera house anyway.**
Cet espace n’est rien d’autre que l’expression de son amour démesuré pour le superficielle, l’artifice et le grandiose. Il est un monde en soi et c’est ce que les premiers plans suggèrent : une pancarte écrite ‘‘No trespassing’’. Ce détail suppose que ces grilles abritent un secret, un mystère. On oppose cet architecture obscure au monde naturel. Puisque Kane ne possède que très peu, voir aucun rapport avec le monde naturel, cet opposition souligne la réussite quant à son monde créé de toutes pièces et se rapporte au motif de la miniature. Or, cette réussite ne tarde pas tellement à s’effondrer. Représenté comme puissant et démesuré tout comme son château, Kane se révèle assez vide. Il est un homme raté et de parure, dont la principale certitude relève de l’extérieur, de ce qu’il entretient avec les personnages. Puisque le seul cercle réel et à l’abri du progrès vicieux s’avère à être la famille, rien n’est donc solide pour cet homme. Sa mère, femme castratrice, est donc la source de ce vide. À un moment précis, il sera conscient du rôle que sa mère a joué quant à son succès monétaire et ses échecs sociaux. S’adressant à Thompson, il confit à ce dernier que sa fortune l’a toujours handicapé et qu’il aurait pu être un bon homme si sa mère l’avait vendue à un autre banquier. À travers ses paroles, on arrive à dépeindre une certaine humanité chez Kane qui sera à jamais, conditionnée.
## La narration
### Enquêter pour démêler le vrai du faux
Deux types de récits sont employés afin d’organiser la temporalité dans Citizen Kane. Welles et Mankiewicz utilisent sous la forme d’une enquête journalistique un récit non linéaire comme mode de discours. Cette composition narrative permet entre autres la déconstruction d’une vie entière à travers les nombreux retours en arrière offerts par les cinq point de vue des témoins interrogés par Thompson. Alors que le récit externe s’organise de façon dramatique à travers les apparitions ponctuelles de Thompson qui indiquent au spectateur un retour au temps diégétique, les souvenirs ressortant du journal de Thatcher et les déclarations de Bernstein, Leland, Susan Alexander et Raymond appartiennent au récit interne, celui du temps de l’organisation temporelle, c’est-à-dire l’ordre précis dans lequel les scénaristes ont choisi de nous dévoiler des parcelles de l’existence de Kane.
Dans le scénario, au commencement de son enquête (scène 18), Thompson se rend au Cabaret El Rancho où, inconsolable, Susan Alexander refuse de répondre à ses questions. Le journaliste se rend donc à son rendez-vous (scène 19) à la Thatcher Memorial Library où la lecture du journal de Walter P. Thatcher permet au spectateur d’en découvrir davantage sur la vie mystérieuse de Kane (scènes 21 à 30). Sans le récit interne habilement mis en place par les scénaristes, le spectateur n’aurait pas découvert la scène qui s’est déroulée en 1870 où le petit Kane fût séparé de sa mère, encore moins la scène où Thatcher impuissant regarde l’enfant pleurer dans le train (scène 29) ou celle de 1898, dans le bureau de Kane à l’Inquirer alors que Thatcher tente de le sermonner sur sa façon de gérer le journal (scène 30). Par la façon dont sont habilement tissés les deux récits, le spectateur est amené à démêler tout comme Thompson le vrai du faux pour reconstituer la vie du protagoniste.
### Tout un puzzle
Le temps historique, contrairement au temps diégétique qui permet de situer chronologiquement l’histoire de Kane, c’est-à-dire depuis sa tendre enfance jusqu’à sa mort, nous aide à situer l’époque en évoquant pour le spectateurs des points de repères. Malgré l’importance que prend le sommaire dans Citizen Kane, cette figure de style n’est pas la plus utilisée par Orson Welles et Herman J. Mankiewicz.
(Note: Here follows a typical news digest short, one of the regular monthly or bimonthly features based on public events or personalities. These are distinguished from ordinary newsreels and short subjects in that they have a fully developed editorial or story line. Some of the more characteristics of the “March of Time,” for example, as well as other documentary shorts, will be combined to give an authentic impression of this now familiar type of short subject. As is the accepted procedure in theses short subjects, a narrator is used as well as explanatory titles.)
Prenant forme sous la présence d’une narration et d’un condensé d’événements comme il est commun de le faire à cette époque, les actualités cinématographiques sont un excellent moyen d’offrir de l’information sur la vie de Charles Foster Kane. Ayant dirigé un empire médiatique de trente-sept journaux, treize magazine et d’une station de radio, les étapes cruciales de la vie de Charles Foster Kane sont majoritairement accessibles à tous car elles relèvent du domaine public.
Le boycott de ces journaux par exemple, ses mariages et ses divorces, ses idées de gigantisme, de construction d’Opéra ou celle de son interminable palais Xanadu, tout cela relève du sensationnalisme. Afin d’ancrer les actualités cinématographiques dans un temps historique et politique réaliste, Kane et Mankiewicz comparent les défaites du personnage de Charles Foster Kane par l’entremise du narrateur à celles vécues lors de la crise économique de 1930 par de vraies personnalités publiques tel que Gordon Bennett, Franck Munsey et William Randolph Hearst.
> « Then in the third year of the Great Depression… as to all publishers it sometimes must - to Bennett, to Munsey and Hearst it did - a paper closes! For Kane, in four short years: collapse. Eleven Kane papers, four Kane magazine merged, more sold, scrapped - »
En mêlant Kane aux grands noms de l’histoire de la presse écrite aux États-Unis, Welles et Mankiewicz brouillent le spectateur en fusionnant la fiction au réel.
Toutefois, la figure de style qui domine dans l’organisation de la temporalité est la pause qui nous ramène au récit externe mentionné plus haut. La pause étant un arrêt dans la progression dramatique, elle permet au spectateur, à travers les paroles et les actions de Thompson, de se distancier de l’action, de la commenter. On remarque dans Citizen Kane cinq pauses qui s’alternent entre le récit au présent, celui où le spectateur retrouve Thompson, et le récit se déroulant dans le passé de Kane. Même si Thatcher n’est pas là de son vivant, le fait qu’à la lecture de son journal Thompson ait accès au passé de Kane (scène 19) est considéré comme une pause importante dans le film car cela permet un retour en arrière qui donne de l’information complémentaire au spectateur.
Il en va ainsi avec la scène 32 où Thompson interroge Bernstein, ce retour en 1940 permet au spectateur de camper le récit externe dans une linéarité semblable au réel. L’entrevue de Leland à l’hôpital (scène 51), de Susan Alexander au Cabaret (scènes 80-81) et celle de Raymond à Xanadu (scènes 109-110) sont des chaînons importants dans la composition du récit. Sans ces pauses indispensables qui ponctuent le récit externe de Citizen Kane, les retours en arrières permettant de reconstruire peu à peu l’existence chronologique du protagoniste Charles Foster Kane ne seraient pas possibles et ce gigantesque puzzle qu’est le film lui-même n’aurait pas la même valeur.
## Les point de vues
Dans Citizen Kane, les scénaristes utilisent la multiplicité des points de vue afin d’explorer la toile de fond sous différents aspects et changer ainsi notre perception des évènements et personnages (principalement celui de Kane). Contrairement aux autres formes de point de vue, celle-ci nous distancie du narrateur. La particularité de Citizen Kane se révèle à être un protagoniste construit à travers un narrateur qui sans être déconnecté, possède un point de vue limité et objectif. Les scénaristes usent donc de narrateurs multiples pour permettre au lecteur de se faire un portrait complet de Charles Foster Kane sans avoir de point de vue privilégié durant le récit.
Le film s’étend sur toute la vie de Kane allant de sa petite enfance jusqu’à sa mort. Elle est couverte à travers cinq témoignages fort différents les uns des autres. Dans le contexte de cette analyse, nous nous concentrerons sur le témoignage de Leland car nous trouvons que la nature contrastée des deux personnages et leurs multiples confrontations fait de son témoignage des plus révélateur. Débutant en page 195 et terminant au haut de la page 243, c’est l’extrait le plus important par les vingt-six scènes du scénario qui lui sont réservées.
### L’amitié de Leland
Leland commence par aborder la vie conjugale de Kane partagée avec sa première femme: Emily. La séquence écrite au scénario est semblable à celle du film hormis l’extrait mentionné plus tôt (en page 201) ainsi que quelques répliques coupées. L’intégralité des discussions montrées sont reliées au travail d’éditeur en chef de Kane montrant la place qu’il consacre à sa carrière. Malgrés l’image froide et rigide qui est portraillée dans cette séquence, l'intervention de Leland qui la suit change complètement notre opinion de Kane:
> **LELAND**
> *He married for love - (A little laugh) That’s why he did everything.*
> [...]
> *All he really wanted out of life was love - That’s Charlie’s story - How he lost it. You see, he just didn’t have any to give.*
Le protagoniste est alors perçu comme un enfant en manque d’affection. Kane est resté pour beaucoup une figure inapprochable, Leland est la seule personne à avoir véritablement compris Kane, ce qui confère un poid lourd de vérité à ses propos. De par la nature de sa relation avec Charlie et sa sincérité, son témoignage confère un point de vue intime sur Kane.
Ensuite, Leland relate la première rencontre entre Kane et Susan Alexander. Encore une fois, nous avons un point de vue privilégié car le récit, bien que narré par Leland, est lui-même entendu de Kane. De cette façon, les scénaristes nous placent directement dans la tête du protagoniste. Le commentaire de Leland et le retour en arrière envoient des messages contraires. Kane semble avoir originalement décrit Susan comme un point, une “intersection du public américain” ce qui, selon ce que nous savons de l’opinion de Kane par rapport à la classe moyenne, est péjoratif. Or, la scène suivante montre Kane qui éprouve une émotion fondamentalement humaine: de la compassion. Dans le scénario, la scène commence par un court échange sur les parents défunts de Susan:
> **SUSAN**
> *Hey, you should be more careful. That’s my Ma and Pa.*
>
> **KANE**
> *I’m sorry. They live here too?*
>
> **SUSAN**
> *No. They’ve passed on.*
> [...]
>
> **KANE**
> *You poor kid, you are in pain, aren’t you?*
Bien que ces lignes donnent à Kane un point commun fondamental à la construction de sa relation avec Susan (et de son obsession à lancer sa carrière en chant), elles furent coupées au tournage. Welles jugeant peut-être qu’elles rendaient Kane trop sympathique. Au final, l’interprétation dans le film est plus distante encore et insensible.
Dans le scénario, la séquence électorale est écrite de façon formelle: Kane finissant son discours, l’emphase étant mise sur Emily et son fils. Le film offre encore une fois une version accentuée du personnage: la scène est gigantesque, un portrait magnificient de lui-même est dressé sur la scène presque grotesque, la musique qui reprend le thème de la « chanson de Kane » rappelle l’excès et l’abu de la première victoire journalistique du journal quelques scène plus tôt. L’ambition de Kane dans le film semble complètement démesurée par rapport à celle mise en scène au scénario.
La scène suivante aussi fût grandement modifiée. Plusieurs répliques furent coupées ou déplacées pour suivre la courbe dramatique et le rythme de la scène, principalement des répétitions. La différence est plutôt notable dans l’emphase sur l’intégrité d’Emily qui est à risque dans le scénario alors que dans le film, la discussion est centrée sur Kane et son entêtement. Emily fait preuve d’une grande lucidité et n’est pas surprise de la décision de Kane. Alors qu’au scénario, elle fait encore preuve d’espoir et qu’il va entendre raison, alors que dans le film, elle quitte sur sa dernière et fatale réplique:
> **EMILY**
> *You decided what you were going to do, Charles - some time ago.*
Par la suite, c’est la rupture entre Leland et Kane qui se produit. Tout comme la scène précédente, la dispute entre Kane et Leland est recoupée et réorganisée. Le film met en scène le bureau de l'Inquirer dans un état lamentable de défaite avec une caméra en extrême contre-plongée, élément qui n’est pas indiqué au scénario. Le bureau n’a jamais semblé aussi grand et aussi vide que lors de la confrontation entre les deux géants. Encore une fois, ceci souligne l’aspect démesuré de l’ambitieuse défaite de Kane. En revanche, le scénario est plus clair quant au ton amère de la scène:
> They look at each other
>
> **KANE**
> (Trying to kid him into a better humour)
> *Hey, Jedediah!*
>
> Leland is not to be seduced.
Cette simple didascalies fût coupée au film. Kane reste de dos à la caméra nous cachant son expression. Les scénaristes soulignent le sérieux des accusations de Leland alors que le film garde un certaine camaraderie: le ton s’allège avec le bégaiement alcoolique de Leland. C’est une camaraderie qui, bien que sur son lit de mort, reste présente entre Leland et Kane.
Après la première représentation de Susan, vient la dernière scène du témoignage de Leland. Dans cette scène, on retrouve des informations de plus qui, dans le scénario, précisent les intentions des scénaristes:
> Kane is standing at the other side of the desk looking down at him.
> This is the first time we see murder in Kane’s face.
Dans le film, Kane est hors-cadre, on ne voit donc pas son visage. Pourtant, cette attention à son regard sur Leland en dit long sur l’état de leur relation arrivée au point tournant pour Kane. Le film garde cette information secrète et plus tard, on apprend qu’il a envoyé une grande somme d’argent à Leland (témoignage de Susan, page 254 )sousentendant que Kane n’en a jamais vraiment voulu a Leland. Il était la seule personne que Kane ait côtoyé toute sa vie, tolérant sa franche opinion, le complétant, la seule personne qu’il ait pu aimer du fond de son coeur à sa façon du moins car, comme le mentionne Leland:
> **LELAND**
> *I was his oldest friend. [...] Maybe I wasn’t his friend. If I wasn’t, he never had one...*
## Conclusion
Malgré le fait que Charles Foster Kane est un homme-enfant, il a tout de même été capable de se créer un univers paradoxalement solide et plus grand que nature. Derrière tous ses avoirs : les journaux, son château… se cache un contrôle qui découle de ce dont il a été privé toute sa vie : l’enfance et l’amour maternel.
Ce contrôle est issu du motif de la miniature : il s’est approprié vainement tout ce dont il a touché, jusqu’aux pensées des individus.es qu’il disait vouloir aider. Il n’a tenu aucune promesse et c’est ce qui lui a valu cette chute quelques années après son ascension. Kane prédisait déjà très rapidement qu’il ne tiendrait pas ses promesses : « you don’t expect me to respect those promises ». Tel un enfant, la naïveté quant à la portée de ses mots lui coûteront la solitude et le vide et ce, jusqu’à sa mort.
# BIBLIOGRAPHIE
Périodiques
CHAPUT, Luc, Les États-Unis, une frontière toujours mouvante, Séquences, no 265, 2010,p. 26-28
Documents audiovisuels
EPSTEIN, Michael, LENNON, Thomas. The battle over Citizen Kane,New York, Lennon Documentary Group, 1996, film, 16mm, couleurs, noir & blanc, 113 minutes.
[En-Ligne] Entrevue d’Orson Welles par Huw WHELDON, Monitor series, BBC, 1960, 20 min.
WELLES, Orson. Citizen Kane, New York, RKO Pictures, 1941, film, 35mm, noir & blanc, 119 minutes.
Scénario
KAEL, Pauline, MANKIEWICZ, Herman J., WELLES, Orson. The Citizen Kane Book : Raising Kane, The Shooting Script, Notes on the Shooting Script, Boston, Little Brown, 1971, 440 pages.
Sources internet :
[En-ligne] Entrevue de William Randolph Hearst III par David Thompson, Ffilm festival, page consultée le 30 Octobre 2017 http://www.hollywoodreporter.com/news/william-randolph-hearst-iii-citizen-kane-meaning-rosebud-992216
[En-ligne] http://www.dvdclassik.com/critique/citizen-kane-welles
[En-ligne] http://www.lexpress.fr/culture/cinema/citizen-kane-c-est-l-histoire-d-un-film_1089084.html
[En-ligne] http://www.sparknotes.com/film/citizenkane/themes.html
[En-ligne] http://www.dvdclassik.com/critique/citizen-kane-welles
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CODE COULEUR: FABIO JULIE JESSIKA
(2) un DÉVELOPPEMENT, où les points suivants doivent être
analysés à travers une ANALYSE COMPARÉE du SCÉNARIO de
tournage et du FILM :
2.1 : énoncer l’IDÉE DE DÉPART du scénario, i.e, ce qui a
donné naissance à son écriture ( et le film qui s’en est
suivi), vous appuyer sur une citation extraite d’un
ouvrage de référence bibliographique,
2.2 : le questionnement de l’idée de départ donne lieu à
un THÈME, lequel est incarné par Charles Forster Kane,
personnage principal et protagoniste du film. Énoncer le
THÈME et vous appuyer sur une citation extraite d’un
ouvrage de référence bibliographique,
l’idée de départ et le thème ont pour conséquence, dans le
processus de l’écriture du scénario, le mécanisme
suivant : une structure (composition) narrative qui
englobe une toile de fond, un mode de discours et un point
de vue,
2.3.1 : la TOILE DE FOND, c’est le contexte social et
historique dans lequel se déroule le récit. Sur le plan
social, l’action du film se déroule dans quel milieu? Sur
le plan historique, l’action du film se déroule à quel
moment de l’Histoire? La vie de Charles Forster Kane est
traversée par quels grands moments de l’Histoire?
2.3.2 : la TOILE DE FOND est incarnée par une ou plusieurs
ARÈNES (espaces artificiels). Lesquelles? Les ARÈNES
(espaces artificiels), dans leur représentation à l’écran,
empruntent à un MOTIF VISUEL. Lequel?
2.3.3 : en quoi la TOILE DE FOND, sur le plan SOCIAL et
HISTORIQUE, incarnée par une ou plusieurs ARÈNES et dans
leur représentation à l’écran par un MOTIF, témoigne-telle
de l’évolution de Charles Forster Kane en termes de
besoin (quête), de conflit interne et de résolution
dramatique? Dans votre argumentation, vous devez vous
appuyer sur des exemples précis du film et les comparer de
manière critique au scénario de tournage dont vous devez
citer des extraits.
2.4.1: le MODE DE DISCOURS, c’est la composition
(structure) narrative employée pour organiser la
temporalité (espace temporel) de l’histoire dans le but de
la transformer en récit. Il y a-t-il un ou plusieurs
récits dans « Citizen Kane »? Quels types? Ils concernent
quels personnages?
2.4.2: pour organiser la temporalité (l’espace temporel du
récit), le scénariste doit avoir recours à des figures de
style. Lesquelles? Il y a-t-il une figure de style qui
domine dans l’organisation de la temporalité (espace
temporel)? Si oui, laquelle? Dans votre argumentation,
vous devez vous appuyer sur des exemples précis du film et
les comparer de manière critique au scénario de tournage
dont vous devez citer des extraits.
2.5.1: le POINT DE VUE, c’est l’angle sous lequel le
scénariste se place pour raconter son histoire. Quel type
de POINT DE VUE les auteurs utilisent-ils pour raconter
leur histoire?
2.5.2: dans votre argumentation sur le POINT DE VUE, vous
devez choisir un (1) témoignage, en faire l’analyse et
vous appuyer sur des exemples précis du film et les
comparer de manière critique au scénario de tournage dont
vous devez citer des extraits.
3.1 Intro/conclu
4.0 FORMATAGE correction et bibliographie
Notes durant film:
1919, rencontre susan, defaite politique
1929, grande dépression
Dans scénario p. 148, Kane est en pleur ET s’ennuit de sa mère, Tatcher s’en fou, reste froid. Le décrit comme un enfant gâté, irresponsable, lui donnait achetais tout ce qu’il veut.
1929, Charles abandonne ses journaux.
skip 165 a 168
p172, leland garde la déclaration de principe, hint à la chute plus tard de Kane. “Kane smiles back at him, but they both look serious”
p179 “you don’t expect me to keep those promisesMr beinstein?” “do you leland?” “certainly not” COUPER AU SCÉNARIO
p182-187 différent dans le scénario. + D’intercation avec Leland
193, what is rosebud
p201, love, he wanted love, that’s why he did everything, he never had any love to give ANd his mother
p.206, arène “chambre de Susan” Kane “I was looking for my youth” “My mother’s things” → hint presse-papier
p.208 “I didn’t want to be a singer… my mother did”
Texte d’Isabelle Raynauld
Le texte scénaristique doit être lu en fonction du film qu’il façonne et écrit selon s’il sera réalisé ou non, donc lu ou non. Le film doit transparaître dans le scénario et donc correspondre aux matières de l’expression cinématographique.
L’écriture n’est pas le tout : le succès d’un texte scénaristique dépend autant, sinon plus, de sa lecture puisqu’elle sert à le façonner. Lors de cette lecture, les sujets abordés doivent être pertinents et doivent suivre un certain ordre fondamental et cohérent pour être bien lu.
Par exemple, ordre d’apparition des personnages, thèmes abordés, évolution des personnages et des milieux physiques…
Le choix de mots doit se faire selon leur matérialisation future dans le film pour permettre le film.
Tension dynamique qui distingue le texte scénaristique d’autres formes littéraires, ainsi il trouve sa voix comme forme visuelle : sert à montrer, à décrire, à expliquer. Ce sont ces différences qui rendent le scénario unique.
Duo inséparable que forme le lecteur et l’auteur puisque pour bien écrire, il faut savoir bien lire.
Déshumanisation du travail derrière le scénario qu’on réduit à une histoire dialoguée plutôt qu’une œuvre en soi.
Chaque mot s’organise, subit un traitement x, est porteur de conséquence et devient matière à l’écran.
Le détail soit être signifiant : sans fioritures, répond d’une qualité rédactionnelle.
Clarté des idées rend le produit plus réalisable, n’est plus que matière sur papier, doivent être prévus pour passer à l’écran. Pas de mots inutiles.
Scénario bien écrit permet d’imaginer le film lors de sa lecture. Le scénariste doit tenir compte du spectateur.
Texte de Vincent Jouve
L’expérience de lecture décrite par l’auteur s’apparente à l’expérience d’écriture d’un scénario : analyse du contenu, opération de perception, d’identification.
Il est intéressant de comprendre le mécanisme de lecture. Tout comme l’activité scénaristique, le mouvement du regard parcourt de nombreuses étapes tels que les sauts brusques, les pauses, la discontinuité… et ainsi, dans le cas des codes scénaristiques et de l’activité de lecture, ces étapes, plus ou moins longues, permettent la perception.
La clef du scénario : être concis. Facilite tout lecteur et lectrice.
Art de lire, art du scénario : subjectif (jugement critique, non de goût)
Compréhension portant sur l’action en cours
Liens essentiels et directs entre la tâche du lecteur.trice et de l’écrivain.e : vulnérabilité affective, lien et attachement affectif.
Importance d’interagir avec la culture et les schémas dominants d’un milieu et d’une époque : affirmation de sa dimension symbolique. Jugée selon son interprétation par l’imaginaire collectif. Ex : valeurs de l’hétéronormativité dans le texte scénaristique de Monia Chokri. Valeurs dans une époque donnée, dans une situation donnée, dans une culture donnée.
La lecture peut transformer les mentalités. Et l’écriture ? Question qui devient plausible lorsqu’on pense à l’auctorialité cinématographique.
L’auteur existe pour mieux disparaître ‘’le texte se présente au lecteur hors de sa situation d’origine’’. Aucun cadre commun de référence entre lecteur.trice et auteur.e.
Reconstruction du contexte nécessaire pour la compréhension de l’œuvre par le lecteur ou la lectrice. Le message littéraire coupé de son contexte est perçu comme un objet autonome.
Ce qui désunit l’auteur à son texte n’implique pas un échec.
L’écriture échappe à la précarité selon laquelle le message oral se heurte.
La réception est programmée par le texte, d’où l’importance de l’écriture, de l’auteur.e et du scénariste.
Tout bon lecteur se doit d’avoir une connaissance des normes esthétiques, du genre, doit avoir des expériences littéraires antérieures.
Progression temporelle – attente comblée : jeu entre le texte et le lecteur ou la lectrice.
Relecture : indispensable !
Lecture : expérience soumise à l’identité de l’œuvre. Interprétation limitée; dans la limite du possible.
Le texte ordonne sa lecture. Tout comme le scénariste ordonne le réalisateur.
Texte de Laurent Jullier
Le cinéma est devenu un medium tellement populaire qu’on a cessé de se questionner sur son sens profond.
On ne critique plus tant l’œuvre; on donne son avis (jugement de goût), sans trop rentrer dans le détail. On n’a perdu le sens de l’expertise en la chose.
Statut quo menace celles et ceux qui afficheraient une idée qui va à l’encontre du réconfort. Pourtant, c’est ce à quoi l’art cinématographique aspire.
Tout comme l’industrie désire taire l’auteur du film, l’inconfort social fait taire notre jugement réel en vertu d’un œuvre.
L’embrayeur domine tout comme le réalisateur domine : celui qui parle devant le public marque le territoire.
Situation incertaine en permanence pour un film : tout le monde peut le voir, tout le monde peut le juger. Tout le monde ne sait pas le voir et donc tout le monde ne sait pas le juger.
Scénario de Monia
Un film de ‘’ Monia Chokri’’ : Le cinéaste comme auteur cinématographique
Œuvre qui mise beaucoup sur les dialogues, beaucoup moins dans les actes.
Processus neurophysiologique : compréhension qui porte sur l’action en cours. Le lecteur est occupé à accéder au dénouement en se concentrant sur l’enchainement des faits : actes concrets.
Processus symbolique : Lecture qui interagit avec la culture dominante d’une époque donnée. Les personnages, le milieu donné, leur position sociale… en symbiose avec la génération d’aujourd’hui : ère de surconsommation, plaisir momentané, rêve américain, hétéronormativité…
Réflexions personnelles sur la lecture de scénario.
L'expression même de la lecture de scénario semble se définir à partir de la façon dont il est reçu. C'est-à-dire que la notion de ''lecture'' rend possible la relecture, la possibilité de s'arrêter ainsi que de revenir en arrière. On peut donc lire un scénario de la même façon qu'on lirait une pièce d'art. Or, quelque détails s'imposent au lecteur ou au regardeur. Il est possible pour l'un ou l'autre d'interpréter l'oeuvre selon sa culture, selon sa temporalité ou alors selon son expérience, mais ce doit être fait dans les limites du possible. Puisque l'auteur définit sa propre vision des choses, sa propre temporalité dans une époque donnée, le lecteur se heurte tout de même à une certaine limite d'interprétation qui ne lui laisse point une liberté infinie quant à son imaginaire. L'expérience de lecture décrite par l'auteur s'apparente à l'expérience d'écriture d'un scénario et c'est pourquoi la réception est programmée par le texte, peut importe le lecteur. Tout bon lecteur se doit d'avoir une connaissance des normes esthétiques, du genre et se doit d'avoir des expériences littéraires antérieures. Par exemple, dans le texte scénaristique de Daniel Isaiah Schachter, les questions sociales sont abordées différemment selon le parcours de chacun, selon l'évolution des mentalités. Cette idée d'interprétation personnelle est en résonance avec l'expérience de lecture qui est propre à chacun puisqu'on assiste à une rencontre entre deux mentalités, tout comme le scénario se prête à plusieurs genres de lectures. Le lecteur est donc emprisonné dans les limites du possible, à l'intérieur de ce qu'on lui assigne. Or, l'écriture n'est pas le tout. Le succès d'un texte scénaristique dépend énormément de la lecture que l'on en fait. Il est primordial de s'assurer du contact et de la réception entre le lecteur et l’auteur. Il faut accorder au lecteur une certaine familiarité avec le langage employé, l'idéologie ainsi que l'action. La représentation de ces éléments sont les seules conditions à la potentialité ou non de l'oeuvre. Puisque la lecture et l'écriture forment un duo inséparable, le choix des mots doit se faire selon leur matérialisation et dépend d'une qualité rédactionnelle qui permet la distinction entre le texte scénaristique ainsi que les autres formes littéraires : le scénario sert à montrer, à décrire, à expliquer, chaque mots s’organisent, subit un traitement X, est porteur de conséquence, devient matière à l’écran… Il doit donc être écrit en fonction de sa lecture, de sa réalisation et du film qu'il façonne. C'est-à-dire que le film doit transparaître dans le scénario et donc correspondre aux matières de l'expression cinématographique. La clarté des idées à l'écrit rend le produit réalisable.
La question du genre…
Au sens de catégorie formelle, la question du genre traite de la combinaison de deux éléments qui font en sorte que le scénario est reconnu comme genre. Ces deux éléments son l'identité textuelle ainsi que l'identité générique. Pour Jean-Marie Schaeffer qui étudie le rapport entre les deux concepts, une donnée fondamentale de leur fonctionnement réside dans l'éclatement entre identité textuelle et identité générique. C'est-à-dire que l'identité textuelle est dominante puisque l'identité générique ne consiste qu'à décrire une partie des caractéristiques d'un texte. Ce rapport entre ces identités permettent au texte scénaristique de se démarquer des autres textes littéraires. La forme scénaristique est bel et bien socialement encadrée dans la mesure où, en général, on sait reconnaître un texte scénaristique quand on en voit un. Encore là, cette idée d'identité se rapporte à l'importance dans l'écriture de l'oeuvre puisque c'est dans le texte qu'il est possible de reconnaître ou non ces éléments identitaires propre au scénario cinématographique. Pour aborder ces éléments, je vais m'appuyer sur le scénario d'Anne Émond ainsi que sur sa démarche d'écriture. Cette dernière disait, lors d'un entrevue avec Isabelle Raynauld, que son texte a priori avait l'allure d'un journal intime. Elle a donc insistée sur la dimension personnelle de son écriture pour adopter une démarche plus réaliste, c'est-à-dire en fonction de la matérialisation de ses mots. L'engagement personnel de cette dernière dans son écriture permet, en terme de construction, de façonner plus librement son scénario. Ainsi, il est possible de traiter d'un sujet personnel avec une distance critique à l'écriture. Marqué par une abondance de didascalies et de paroles, Nuit #1 est nécessairement un texte scénaristique. Les 15 premières pages sont entièrement dédiées à la décrire la relation sexuelle et donc, dédiée à l'identité textuelle. Cette première scène est très parlante quant à la suite des événements. Elle annonce déjà au spectateur que ces deux inconnus sont sans retenue. C'est par la suite qu'on pourra voir que ceux-ci se disent tout, jusqu'aux confessions douloureuses qui ne sont probablement que possibles lorsque dites à une personne que l'on n'espère ne pas revoir. Cette expression du vide, il est ressenti dans les didascalies dès le départ lorsque Catherine de Léan danse, seule, à contre-courant. Le scénario s'emploie à rendre présent son lecteur à partir d'un monde d'images, de sons, de mouvements et d'actions. Pour le lecteur, quelque chose de simple et pourtant crucial se joue entre la lecture du scénario et le film. Le lecteur s'imagine ce qui est écrit, ce qu'il est en train de lire, il le sent et le vit. C'est donc ainsi que l'identité textuelle d'un texte scénaristique prend tout son sens.
Expérience de lecture et d'écriture…
À travers l'expérience de lecture et d'écriture, il est possible de transposer le passé au présent. Cette médiation du passé au présent qui découle de l'intention de l'auteur est transmise au lecteur. Or, celle-ci ne doit pas transcender les limites du possible puisque cette interprétation du lecteur, à travers le texte, doit être orientée et située. Cette expérience de lecture sert à effectuer une résonnance par rapport au texte et à son époque et non à une interprétation propre à l'imaginaire. Puisqu'il ne s'agit pas d'un travail de supposition, le décryptage doit être fidèle aux intentions de l'auteur et selon sa volonté. Dans un long-métrage comme Les ordres (1974) de Michel Brault, c'est exactement ce jeu entre lecteur et auteur qui s'exerce. À une époque comme la nôtre où les repères traditionnels semblent s'être volatilisés, il n'en est pas moins de constater que la lecture éveille en chaque lecteur une puissance liée à l'écriture. Lire, c'est se remémorer. Ce que l'on sait aujourd'hui est dû à ce que l'on a coucher sur papier hier. Les ordres représentante donc l'expression écrite de l'histoire de notre communauté québécoise. Une plus grande responsabilité, certe, s'inscrit dans le rôle de l'auteur. C'est à lui qu'est confié ce rôle de raconter, de faire naître une communauté grâce aux puissances du texte. Une plus grande responsabilité, certe, s'inscrit dans le rôle de l'auteur. Ce texte raconte aux nouvelles générations ce que nos ancêtres ont vécus. Étant donné que Michel Brault à choisi de se pencher du côté des victimes des lois sur les crimes de Guerre, nous, lecteur, ne connaissons qu'un seul côté de la médaille. C'est donc à partir de la volonté et de la responsabilité de l'auteur et donc de son jugement de goût, que nous interprétons, en tant que lecteur, les événements d'octobre 1970. Penser le scénario de Brault comme étant le premier public du témoignage des victimes sur les mesures de guerre puisque les archives concernant cet événement demeurent séquestrés ou censurés. L’écriture nous fournit l’occasion de revenir sur ce drame survenu il y a presque 50 ans. Cet oeuvre a finalement vu le jour après plusieurs années de travail acharné (source: https://www.erudit.org/fr/revues/images/1996-n81-images1079906/23447ac.pdf) et a su montrer la réalité des victimes qui autrement serait resté dans l’ombre. Les ordres impose un véritable point de vu qui démontre une réalité réelle qui pourrait être désignée comme une fiction documentée. Ce détour par la fiction s’explique comme étant source de renouvellement de ce genre. Certes, fondée sur des faits réels, ce film regroupe une certaine fusion des genres. C’est-à-dire que l’énonciation n’exclut pas l’intensité dramatique qui est propre à la fiction. Celle-ci est travaillée de sorte à éveiller la réflexion et à susciter l’analyse chez le regardeur.
Vincent Jouve...
Chez Vincent Jouve, l’expérience de lecture et d’écriture semble causal. Pour ce dernier, tout semble se présenter en tant que transformation. C’est-à-dire que le passage d’un état à un autre suppose un élément d’enclenchement ainsi qu’une dynamique qui l’effectue. Explicitement, on pourrait dire la provocation ainsi que l’action. Cet enchaînement logique ne favorise pas seulement la structure d’un récit, mais tout aussi bien le phénomène causal entre l’écriture et la lecture. Ce dernier se penche sur le mécanisme de la lecture, puisqu’il croit que, tout comme l’activité scénaristique, le mouvement du regard parcourt de nombreuses étapes et ce sont elles qui participent à la perception. Il est donc primordial d’en connaître les règles. Il s’agit de conforter la personne qui en fait la pratique afin d’établir une facilité quant au lecteur. Puisque ce qui désunit l’auteur à son texte implique une ambivalence quant à l’auctorialité, il est primordial de consacrer à la réception du texte une importance favorable. À travers plusieurs mécanismes d'écriture, Jouve croit qu'il est possible de faciliter la lecture selon certains facteurs précis et ainsi d'interagir avec son lecteur. C'est-à-dire qu'il y a des liens essentiels et directs entre la tâche de l'auteur et du lecteur. Cette tâche consiste en la préservation de la vulnérabilité affective et au lien d'attachement. C'est à travers l'interaction avec les schémas dominants d'un milieu et d'une époque qu'il y aura affirmation d'une dimension symbolique. Jouve s'intéresse beaucoup à l'imaginaire collectif et croit que la lecture peut transformer les mentalités. Le texte de Monia Chokri est un bon exemple de ce sur quoi repose cet imaginaire collectif, ainsi que les schémas dominants d'une époque et d'une culture donnée. Les personnage sont toutes de belles jeunes femmes blanches, à l'aise financièrement, hétérosexuelle, elles parlent de mariage, valeurs hétéronormatives... Ces valeurs sont une représentation de l'ensemble de l'oeuvre que Jouve classe comme contemporain et marqué par l'héritage. Au-delà de cette façon de façonner les mentalités à travers la lecture, Jouve se demande qu'en est-il du rôle de l'auteur qui a tendance à se perdre dans sa légitimité.
(Source https://www.erudit.org/fr/revues/pr/2006-v34-n2-3-pr1451/014273ar.pdf)
Congorama...
En soi, congorama est un texte scénaristique qui programme sa propre lecture. C'est-à-dire que par l'usage du retour en arrière, sa structure éclatée aide en la compréhension. Dans le scénario, on nous fait lire deux fois les histoires. À travers une relecture qui nous est imposée, celle-ci nous fait voir des détails que le lecteur aurait pu laisser de côté durant la première lecture. Cette façon d'approfondir est directement lié à la lecture critique. Le développement de la réflexion personnelle lors de la lecture ainsi que la possibilité à se doter d'une posture analytique sont plus propice et beaucoup plus favorable au processus argumentatif. Le lecteur aura donc plus de facilité à ne pas se limiter à son impression personnelle issu de la lecture naïve. Le jugement de goût est donc plus facile à éviter. Congorama utilise le motif du double non seulement dans son mode d'écriture, mais aussi dans sa façon de façonner son récit selon plusieurs facteurs. Déjà, l'oeuvre raconte l'histoire d'un homme et de son fils, du trajet intérieur de ceux-ci, d'une quête des origines, d'un choc et d'un questionnement identitaire vécu par le père. Le point de contact interculturel est très censé ici puisqu'il sera très probablement l'expression même de ce questionnement. Ce double-ancrage s'effectue non seulement à partir des racines de ce portrait familial, mais surtout dans la lecture scénaristique puisqu'il permet une grande ouverture aux points de vues. Le scénario repose donc sur une grande force qu'il tient à partir d'un discours original sur le monde dans lequel nous vivons, à l'heure de la mondialisation en matière de culture. Ce regard lucide qu'il pose permet l'ouverture aux univers différentes interprétations puisque son déploiement est rempli d'une multitude de questionnements concernant une époque et non pas une culture en particulier. C'est un texte doté d'une approche universelle puisqu'on sent que Falardeau a voulu dépasser les frontière d'un territoire géographique précis.
Cet oeuvre propose une mise en abîme du statut du créateur. En plaçant au centre de son histoire un protagoniste inventeur maladroit et déchu, Falardeau exploite des univers qui ne sont pas nécessairement compatibles, tels que la science et l'art par exemple. C'est en terrain connu qu'il est possible pour le lecteur de ne pas se sentir immergé par la grande ambition de Falardeau. C'est-à-dire qu'à travers ce statut d'inventeur-créateur, l'auctorialité cinématographique est une conception qui s'apparente aux questionnements soulevés par Falardeau. Ce qui concerne la position de l'auteur, ou alors du créateur dans le cas de Congorama, peut être fabriqué selon une conception individualiste de l'art. Leur légitimité sont ambivalente et peuvent être problématique puisqu'il est possible de les percevoir comme un aspect utilitaire et caractérisé par la perception de l'individu. La réputation de l'objet, scénaristique ou de création, doit être socialement marquée pour ainsi avoir une identité spécifique.