Thomas d'Aquin expose dans son ouvrage Somme théologique, Article 1 — L’existence de Dieu est-elle évidente par elle-même ? > "**Objection 2 :** On déclare encore évidentes les propositions dont la vérité apparaît dès que les termes en sont connus, comme le Philosophe Aristote le dit des premiers principes de la démonstration dans ses Derniers Analytiques. Dès qu'on sait, par exemple, ce que sont le tout et la partie, on sait que le tout est toujours plus grand que sa partie. Or, dès qu'on a compris ce que signifie ce mot : Dieu, aussitôt on sait que Dieu existe. En effet, ce mot signifie un être tel qu'on ne peut en concevoir de plus grand ; or, ce qui existe à la fois dans la réalité et dans l'esprit est plus grand que ce qui existe uniquement dans l'esprit. Donc, puisque, le mot étant compris, Dieu est dans l'esprit, on sait du même coup qu'il est dans la réalité. L'existence de Dieu est donc évidente. (Voir la Preuve ontologique d'Anselme de Canterbury) > **Solution** : Il n'est pas sûr que tout homme qui entend prononcer ce mot : Dieu, l'entende d'un être tel qu'on ne puisse pas en concevoir de plus grand, puisque certains ont cru que Dieu est un corps. Mais admettons que tous donnent au mot Dieu la signification qu'on prétend, à savoir celle d'un être tel qu'on n'en puisse concevoir de plus grand : il s'ensuit que chacun pense nécessairement qu'un tel être est dans l'esprit comme appréhendé, mais nullement qu'il existe dans la réalité. **Pour pouvoir tirer de là que l'être en question existe réellement, il faudrait supposer qu'il existe en réalité un être tel qu'on ne puisse pas en concevoir de plus grand, ce que refusent précisément ceux qui nient l'existence de Dieu.**" **Réponse** : Son objection se repose essentiellement sur la caricature de ses adversaires, inventant qu'ils nieraient la définition d'Anselme, l'esprit de Dieu, ou son existence par la seule raison qu'ils accepteraient l'existence de son corps en plus de son esprit. Il ne réussit qu'à exposer qu'on connait plus immédiatement l'esprit que le corps, ce qui est évident, et démontré par la [[Eth., II, 19|proposition 19, partie 2]] de l'Ethique de Spinoza. En réalité, c'est lui qui accepte en rechignant la signification d'Anselme parce qu'elle le pousse à se contredire lui même. Il ne remet pas en cause l'existence des corps, que personne ne songe à nier, mais seulement qu'ils appartiennent à Dieu qui est incorporel selon lui. Or il est impossible qu'une chose existe en dehors de Dieu, sinon on pourrait les concevoir dans un ensemble plus grand que Dieu seul. En d'autres termes, si Dieu est le créateur et que le créateur et la créature sont deux choses séparées, alors l'ensemble constitué de l'union du créateur et de la créature est plus grand que le créateur seul, ce qui contredit la signification de Dieu donnée par Anselme et pourtant acceptée par Thomas d'Aquin. Ces confusions et contradictions n'apparaissent pas si on accepte la définition spinoziste de Dieu, puisqu'il est impossible de concevoir quelque chose de plus grand que l'ensemble de tout ce qui existe, un être absolument infini, c'est à dire une substance unique constituée d'une infinité d'attributs dont chacun exprime une essence éternelle et infinie. Ou si l'on reprend les mots d'Adriaan Koerbagh, l'[[Une preuve qu'il n'y a qu'une seule substance, ou plutôt ipstance|ipstance]], l'unique être entièrement indépendant dont tout dépend.