> [!info]
Auteur : [[Paul Guillibert]]
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> - [ ] Chapitrage
# Citation
> [!youtube]+
> - Peut-on travailler sans détruire le vivant ? – Colloque « La valeur travail, à quel prix ? » - La Boétie [](https://www.youtube.com/watch?v=eZpz5SsQ02k)
> [!article]+
> - [[Animaux de tous les pays, unissez-vous !#^909ee3|Animaux de tous les pays, unissez-vous !]]
# Annotations
## Introduction
> [!accord] Page 18
> Telle est d'ailleurs l'intuition centrale de cet ouvrage : l'exploitation du travail est au cœur de la crise écologique; atténuer les effets de la seconde suppose de combattre la première. Aussi évidente qu'elle puisse paraître, cette idée n'est pas très commune. On pourrait même avancer que les relations de travail sont partout absentes des débats contemporains en écologie politique.[](zotero://open-pdf/library/items/VBTSMZDD?page=14&annotation=4T6L5LSM)
> ^4T6L5LSMaVBTSMZDDp14
> [!accord] Page 18
> Le discours de l'innovation environnementale laisse espérer que tout pourra continuer comme avant : l'accumulation de valeur connaîtra un ralentissement provisoire mais sa trajectoire à long terme ne scra pas affectée par des natures diminuées ou détruites. Nos modes de vie seront donc garantis par la poursuite du développement technique et de la croissance.[](zotero://open-pdf/library/items/VBTSMZDD?page=14&annotation=A2I6J5L8)
> ^A2I6J5L8aVBTSMZDDp14
> [!accord] Page 19
> Concernant les innovations technologiques, on sait que les dispositifs inventés pour résoudre la crise énergétique peuvent conduire à une augmentation de phénomènes extractivistes qui détruisent les écosystèmes. Bien que l'exemple soit désormais un truisme, prélever le lithium nécessaire à la fabrication des batteries électriques provoque des catastrophes environnementales. Il en va de même de l'extraction du cuivre nécessaire aux réseaux électriques - que ceux-ci soient alimentés en énergies renouvelables ou non — ou des terres rares nécessaires à la « transition numérique ». Ajoutons à cela un phénomène connu en économie des techniques comme le paradoxe de [[William Stanley Jevons|Jevons]], ou l'« effet rebond » : plus une technologie est efficiente, moins elle est chère et plus son usage augmente, conduisant à une hausse des consommations que son perfectionnement était censé réduire.[](zotero://open-pdf/library/items/VBTSMZDD?page=15&annotation=RZMHEP8P)
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> #Note/Extractivisme
> ^RZMHEP8PaVBTSMZDDp15
> [!approfondir] Page 20
> Mais les impératifs éthiques liés à une consommation raisonnée ne pourront pas non plus, à eux seuls, enclencher une trajectoire de bifurcation écologique. Une première raison de cette impossibilité tient au fait que la transformation des styles de vie, en particulier dans les sociétés libérales modernes, repose sur des choix individuels. Aussi puissante que soit la mobilisation affective du désir, l'incitation, la pédagogie ou l'invective ne conduiront pas tout le monde à en changer maintenant.[](zotero://open-pdf/library/items/VBTSMZDD?page=16&annotation=XWMG3YUE)
> ^XWMG3YUEaVBTSMZDDp16
> [!accord] Page 21
> Enfin, les impératifs éthiques de consommation raisonnée ne permettront à eux seuls aucune transition écologique parce qu'ils dissimulent l'existence de formes de travail aliéné.[](zotero://open-pdf/library/items/VBTSMZDD?page=17&annotation=DNCIAF9P)
> ^DNCIAF9PaVBTSMZDDp17
> [!information] Page 21
> Pour la chercheuse écoféministe Carol Farbotko, le tri des déchets participe par exemple d'une augmentation du « travail domestique environnemental ». Individualisée, la transition écologique prend souvent la forme d’une injonction morale à assumer un ensemble de tâches en tant que consommaleur-rice individuelle. IL n'est pas question de récuser l'importance pratique de ces gestes mais plutôt de s'interroger sur l'effectivité politique d'une individualisation et d'une moralisation de la transition écologique.[](zotero://open-pdf/library/items/VBTSMZDD?page=17&annotation=FVSLWP26)
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> #Note/Travail/TravailDomestique
> ^FVSLWP26aVBTSMZDDp17
> [!bibliographie] Page 21
> Carol Farbotko, Domestic Environmental Labour: An Ecofeminist Perspective on Makine Homes Greener, Londres et New York, Routledge, 2017.[](zotero://open-pdf/library/items/VBTSMZDD?page=17&annotation=AKV5JEDQ)
> ^AKV5JEDQaVBTSMZDDp17
> [!accord] Page 22
> La moralisation écologique procède notamment par l’énofsibilisation du travail. Dans le tri des déchets, en faisant passer un travail gratuit pour un acte moral ou civique, on dissimule la nature des tâches impliquées et surtout quelles sont les personnes qui les réalisent. Comme l'ont montré des chercheuses australiennes, les activités mais aussi les préoccupations liées à l'adoption de comportements écologistes au sein du foyer reposent principalement sur les femmes, s'ajoutant ainsi au travail domestique qu'elles effectuent déjà. La multiplication des tâches et des injonctions domestiques environnementales contribue à accentuer des différences de genre dans la représentation du temps.[](zotero://open-pdf/library/items/VBTSMZDD?page=18&annotation=XHMZ8JRL)
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> #Note/Travail
> ^XHMZ8JRLaVBTSMZDDp18
> [!accord] Page 23
> Mais, d'autre part, en faisant de la transition écologique une affaire d'actes gratuits relevant de la seule responsabilité morale de la famille, c'est l'ensemble des travailleur-ses payé-es impliqué dans des tâches écologiques que l’on invisibilise. Dans le secteur du déchet, les travailleur-ses sont nombreux-ses : des égoutiers et des éboueurs salariés aux intérimaires des centres de transit, jusqu'à celles et ceux des centres d’incinération, en passant par les travailleur-ses de la logistique internationale et Les aaste pickers informel-les des métropoles mondiales.[](zotero://open-pdf/library/items/VBTSMZDD?page=19&annotation=5ZHWMMDV)
>
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> #Note/Travail
> ^5ZHWMMDVaVBTSMZDDp19
> [!accord] Page 25
> Or, Finterpellation de l'individu en sujet écologisteconsumériste est un mécanisme idéologique. Il vise à produire des subjectivités assujetties au régime de la marchandise mais réputées responsables de leurs actes, les sujets moraux du pouvoir capitaliste dans l'Anthropocène. Pour que le pouvoir s'exerce sur des individus, on peut évidemment compter sur la force (l'usage d’une violence policière systématique contre les personnes racisées ou les Gilets jaunes, par exemple}, mais on peut aussi compter sur des formes d'incitation, d'orientation, d'autodiscipline ou de consentement sans lesquelles les sujets du pouvoir n'acceptcraient pas nécessairement d'appliquer les mesures défendues par l'État.[](zotero://open-pdf/library/items/VBTSMZDD?page=21&annotation=JS5BLS5G)
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> #Note/Néolibéralisme #Note/Pouvoir #Note/Nudge
> ^JS5BLS5GaVBTSMZDDp21
> [!accord] Page 26
> Tout un ensemble d'institutions du capital et de l'État active ces désirs éthiques en leur donnant un contenu : acheter telle marchandise plutôt que telle autre, modifier tel ou tel comportement individuel pour ne pas toucher au système productif lui-même. Acheter « bio » plutôt que mettre fin à l’agriculture intensive et à la grande distribution ; trier ses déchets plutôt que remettre en cause le système industriel qui les produit en masse; baisser son chauffage d'un degré plutôt que de repenser les infrastructures et les modes de production énergétique; en un mot, « l'écologie commence à la maison », pourvu qu'elle ne touche pas aux structures politiques et économique.[](zotero://open-pdf/library/items/VBTSMZDD?page=22&annotation=47CTDN4K)
> ^47CTDN4KaVBTSMZDDp22
> [!information] Page 27
> Le pouvoir s'exprime dans sa capacité à fafre faire un certain nombre d'actes à des individus interpcllés sur la base de mobiles subjectifs auxquels ils adhérent. Le pouvoir s'exerce alors dans une logique d'individualisation et de moralisation qui tend à nier les dimensions politiqués de la crise écologique, les dominations sociales sur lesquelles elle embraye ct tes conflits auxquels elle ne manque pas de donner lieu. La consommation de marchandises répondant à de nouveaux désirs écologiques est une condition de l'accumulation de valeur et le résultat de la formation de subjectivités adéquates à la gouvernementalité écopolitique du capitalisme.[](zotero://open-pdf/library/items/VBTSMZDD?page=23&annotation=B3MGN3DL)
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> #Note/Pouvoir
> ^B3MGN3DLaVBTSMZDDp23
> [!accord] Page 27
> En somme, ou bien l’on invente de nouvelles techniques, ou bien l’on incite à de nouvelles formes de consumérisme sans s'attaquer au fond de l'affaire, à la production capitaliste, c'est-à-dire à la production de marchandises pour le profit fondé sur l'exploitation du travail payé et l'appropriation gratuite du travail bumain et des forces naturelles.[](zotero://open-pdf/library/items/VBTSMZDD?page=23&annotation=Y9Z8RTXU)
> ^Y9Z8RTXUaVBTSMZDDp23
> [!information] Page 28
> Produire, c'est transformer des réalités naturelles pour satisfaire des besoins sociaux grâce à un travail organisé socialement. Dans Le sens le plus général qu'on puisse lui donner — c'est-à-dire en un sens abstrait, différent de toutes les formes historiques dans lesquelles il se manifeste réellement -, un travail est une activité qui mobilise des techniques de manière séquentielle, selon un ordre donné, afin d'engendrer des réalités nouvelles adaptées à des besoins sociaux[^1], S'approprier la nature pour la transformer suppose donc toujours un ensemble de médiations techniques qui informent le procès de travail lui-même.[](zotero://open-pdf/library/items/VBTSMZDD?page=24&annotation=GNFJKM6M)
>
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> #Note/Travail
> ^GNFJKM6MaVBTSMZDDp24
> [!accord] Page 29
> L'organisation du travail est conditionnée par les usages techniques de la nature. Il est aussi vrai que les tâches effectuées dans le cadre d’un travail ne sont jamais déterminées uniquement par des dispositifs techniques. L'organisation technique est toujours relative à l’organisation sociale du travail, aux rapports entre les personnes et les groupes qui en fixent les modalités, la durée, les relations interpersonnelles, la répartition des tâches, etc. Le travail réel est donc codéterminé par les moyens techniques dont on dispose pour s'approprier la nature et par les rapports sociaux qui définissent les modalités de l’organisation du travail et de la répartition de la richesse sociale. Les dimensions les plus fondamentales des rapports de production, celles qui surdéterminent le procès de travail, renvoient donc à la propriété - de la terre ct des moyens de production — et à la division du travail.[](zotero://open-pdf/library/items/VBTSMZDD?page=25&annotation=9JNTWYK4)
>
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> #Note/Travail
> ^9JNTWYK4aVBTSMZDDp25
> [!accord] Page 29
> La production électrique d'une centrate nucléaire repose sur un ensemble de pratiques, de savoir-faire, d'institutions et d’infrastructures qui ont des effets sur les milieux naturels et sur es procès de production, effets très différents de ceux des dispositifs qui utilisent la force motrice animale, par exemple.[](zotero://open-pdf/library/items/VBTSMZDD?page=25&annotation=C38XG48V)
> ^C38XG48VaVBTSMZDDp25
> [!approfondir] Page 30
> Que leur production soit organisée par des rapports sociaux n'enlève rien au fait que la trajectoire écocidaire du capitalisme est immédiatement causée par des systèmes d'objets techniques. C'est ce qu'a bien vu l'historien [[Andreas Malm]] lorsqu'il distingue le capitalisme de l'économie fossile, qui n’est qu'une des phases énergétiques de son histoire[^2]. Il n’y a donc pas lieu d’opposer une approche de la catastrophe écologique par la production à une autre par la technique. Une théorie écologique du capitalisme considèrc les forces productives impliquées dans ce mode de production, c'est-à-dire l'ensemble des moyens naturels, techniques, scientifiques et sociaux dont il dispose pour transformer la nature.[](zotero://open-pdf/library/items/VBTSMZDD?page=26&annotation=33ZLCWAF)
> ^33ZLCWAFaVBTSMZDDp26
> [!accord] Page 31
> J'ai déjà évoqué les limites d’une moralisation des comportements individuels ct les risques d'interpellation de subjectivités consuméristes par la gouvernementalité écocapitaliste, mais il n'est pas inutile de rappeler qu'é n'y a pas de production sans consommation.[](zotero://open-pdf/library/items/VBTSMZDD?page=27&annotation=7IF2THH3)
> ^7IF2THH3aVBTSMZDDp27
> [!information] Page 32
> 80 % des neuf millions de tonnes de déchets électroniques produits tous les ans en Europe sont envoyés illégalement dans des déchetteries à ciel ouvert des pays des Suds.[](zotero://open-pdf/library/items/VBTSMZDD?page=28&annotation=II66BMK9)
>
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> #Note/Pollution/Déchet
> ^II66BMK9aVBTSMZDDp28
> [!accord] Page 32
> Si ces déchets sont des « communs négatifs[^3] », leur prise en charge réelle repose d’abord sur la partie de la population mondiale qui ne profite pas de leur usage. La ctise écologique reproduit ainsi les inégalités socio-spatiales engendrées par des siècles de racisme, de colonialisme et d'impérialisme.[](zotero://open-pdf/library/items/VBTSMZDD?page=28&annotation=QBJI2H7I)
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> #Note/Communs
> ^QBJI2H7IaVBTSMZDDp28
> [!approfondir] Page 33
> qui s'inspire de la distinction opérée par [[Karl Marx|Marx]] entre économie vulgaire et économie politique. La première systématise « les représentations des agents de la production[^4]», c’est-à-dire qu'elle répète un univers de pensées qui justifie Le fonctionnement normal de l'économie. La seconde cherche au contraire à fonder scientifiquement ia compréhension des mécanismes de la production et de la circulation de la richesse. Les économistes politiques essaient d'identifier les structures réelles de l'économie par-delà leurs manifestations phénoménales et leur forme historique particulière. Cette exigence de scientificité explique la présence d'une pensée critique au sein de l'économie politique ellemême malgré sa tendance à naturaliser le capitalisme. Il en va de même pour l'écologie politique.[](zotero://open-pdf/library/items/VBTSMZDD?page=29&annotation=RLF7EZWA)
> ^RLF7EZWAaVBTSMZDDp29
> [!accord] Page 34
> On pourrait par exemple émettre l'hypothèse que le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du ctimat (GIEC) - dont les rapports sur l'adaptation au changement climatique élaborent un discours scientifique sur les imbrications entre politique, climat et biosphère - participe de la constitution de l'écologie politique à partir des résultats des sciences du système-Terre. À ce titre, ils contiennent un moment critique même s'ils n’impliquent pas par eux-mêmes une remise en cause des relations de pouvoir (capitalistes, coloniales, de genre) qui ont présidé à la trajectoire du désastre.[](zotero://open-pdf/library/items/VBTSMZDD?page=30&annotation=BIQ7RB6X)
> ^BIQ7RB6XaVBTSMZDDp30
> [!accord] Page 37
> D'autres critiques de l'écologie politique pointent quant à elles le rôle de l'État, du développement technique ou des rapports de production dans la catastrophe écologique[^5]. On pourrait multiplier ainsi les régimes de la critique selon les formes de domination qu'ils prennent pour objet (de genre, raciale, capitaliste, etc.), selon les approches disciplinaires (philosophie, histoire, anthropologie, économie environnementale, etc.) ou les courants de penséc dont ils s’inspirent (écoféminismes, marxismes, théories décoloniales, etc.).[](zotero://open-pdf/library/items/VBTSMZDD?page=33&annotation=I6BAGMA2)
> ^I6BAGMA2aVBTSMZDDp33
## L'usine, la plantation, le foyer
Géohistoire des destructions de la nature
> [!accord] Page 42
> À son commencement, le capitalisme n'était donc pas une économie fossile. Son émergence pendant la première colonisation, marquée par la domination du capital marchand, reposait sur une économie organique alimentée par la force motrice des éléments naturels (eau, vent) ct des vivants, humains et autres qu'humains. Ce n'est donc pas le capitalisme en général qui doit être incriminé pour la crise cmatique mais l'adoption de certaines techniques {la machine à vapeur) reposant sur le prélèvement massif de certaines ressources enfouies dans les sous-sols (le charbon puis le pétrole) et distribuées par des infrastructures de transport (des voies de chemin de fer puis des oléoducs).[](zotero://open-pdf/library/items/VBTSMZDD?page=38&annotation=4UZCNHAN)
>
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> #Note/Capitalisme #Note/CapitalismeFossile
> ^4UZCNHANaVBTSMZDDp38
> [!accord] Page 43
> Les moulins à eau utilisés au début du xix* siècle dépendaient de l'emplacement de cours d’eau parfois éloignés des centres urbains. Or, avant les années 1830, les conditions de travail particulièrement dures dans les fabriques et l'absence de droit du travail faisaient de la mobilité l’une des principales armes du prolétariat dans la lutte des classes. Fixer la population ouvrière hors des villes était une tâche coûteuse pour les capitalistes. La machine à vapeur pouvait quant à elle être installée partout où se trouvait une main-d'œuvre accessible. La vapeur présentait donc un « avantage spatial[^6] » dans la lutte entre ouvriers et capitalistes.[](zotero://open-pdf/library/items/VBTSMZDD?page=39&annotation=7LYSCHW7)
>
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> #Note/CapitalismeOrganique
> ^7LYSCHW7aVBTSMZDDp39
> [!accord] Page 44
> L'inconvénient technique du moulin à eau tenait in fine à l'irrégularité du flux hydrique, qui obligeait à des aménagements quasi permanents des horaires de travail. Les premières lois effectives sur les fabriques, en 1833 puis en 1840, en fixant les limites de l1 journée de travail (douze heures par jour pour les adultes, onze heures pour les enfants entre 9 et 14 ans, interdiction du travail de nuit avant cinq heures et après vingt-et-une heures), empéchèrent ces aménagements. Moins puissantes que les moulins, les machines à vapeur devinrent néanmoins plus rentables[^7](zotero://open-pdf/library/items/VBTSMZDD?page=40&annotation=VWQV8WQQ)
> ^VWQV8WQQaVBTSMZDDp40
> [!accord] Page 44
> En d’autres termes, c’est la nature des rapports de propriété capitalistes — Fappropriation des moyens de production par les exploiteurs - et l'état de la lutte des classes qui imposèrent le passage au charbon, ressource qui, à la différence de l'eau, peut être facilement appropriée ct contrôléc.[](zotero://open-pdf/library/items/VBTSMZDD?page=40&annotation=BSVRXJMF)
>
>
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> #Note/CapitalismeFossile
> ^BSVRXJMFaVBTSMZDDp40
> [!accord] Page 45
> Pour Malm, la mobilisation d’une ressource fossile comme le charbon est la conséquence de l'usage d'une technique (la machine à vapeur) qui fournit à une classe un avantage comparatif pour poursuivre l'exploitation de l'autre classe. Les causes immédiates de la crise climatique sont liées à un complexe techniques-ressources qui apparaît à la fois comme une force de production et un outil pour discipliner les travailleur-ses. Pour continuer à faire du profit, les capitalistes industriels doivent exploiter un prolétariat qui résiste à son exploitation. Le choix d’une économie fossile est donc le résultat technique d’une lutte politique, c'est la réponse capitaliste à une lutte ouvrière contre la domination du capital. Le réchauffement climatique plonge ses racines dans la structure de classe du capitalisme.[](zotero://open-pdf/library/items/VBTSMZDD?page=41&annotation=4VZ94N9F)
>
>
> ---
> #Note/CapitalismeFossile
> ^4VZ94N9FaVBTSMZDDp41
> [!information] Page 45
> L'histoire politique des énergies fossiles ne s’arrête pas avec le charbon. Selon [[Timothy Mitchell]], Fa transition du charbon au pétrole à partir des années 1910 s'expliquerait en effet par la volonté de briser le pouvoir politique du mouvement ouvrier[^8]. L'usage du mazout dans les moteurs à combustion interne s'étend avec la politique énergétique de l'armée britannique à partir de la « grande fièvre » de 1910 à 1914.[](zotero://open-pdf/library/items/VBTSMZDD?page=41&annotation=83JC4IPZ)
> >[!cite] Note
> A voir critique de Fressoz sur cette position [Ici](https://youtu.be/UOUQv5MajuY?t=216)
>
>
> ---
> #Note/CapitalismeFossile
> ^83JC4IPZaVBTSMZDDp41
> [!approfondir] Page 46
> Chargé de la répression des grèves de mineurs du charbon au Pays de Galles en 1910-1917, Winston Churchill est rapidement nommé à l'Amirauté responsable des affaires étrangères de l'armée impériale. Inquiet du pouvoir acquis par les syndiCats de mineurs et de cheminots, it promeut l'usage de l'essence pour les navires de la flotte coloniale britannique. Reposant sur l’usage du charbon, l'économie fossile est alors dépendante des mines anglaises, des infrastructures ferroviaires qui permettent lacheminement de la ressource et des machines à vapeur qui la transforment en énergie. Si le mouvement luddite brisait les machines pour s'émanciper des cadences qu'elles imposent, les organisations de travaïlleurs de la fin du xix° siècle et du début du xx° siècie peuvent quant à elles bloquer la production industrielle en arrêtant l'extraction et la circulation. Grâce à la matérialité du charbon, le mouvenient ouvrier acquiert une plus grande autonomie politique.[](zotero://open-pdf/library/items/VBTSMZDD?page=42&annotation=58V4WW9Z)
>
>
> ---
> #Note/Charbon #Note/Pétrole
> ^58V4WW9ZaVBTSMZDDp42
> [!information] Page 47
> les mineurs opèrent le plus souvent par petits groupes sclon la méthode d'extraction traditionnelle dite « par chambres ct piliers » : deux mineurs travaillent une partie de la veine, laissant en place des murs et des colonnes entre les chambres adjacentes afin de supporter la voûte. Dans la mesure où les mineurs décident eux-mêmes de l'orientation des galeries, leur travail suppose des échanges permanents et la géographie de la mine offre des lieux de discussions clandestines.[](zotero://open-pdf/library/items/VBTSMZDD?page=43&annotation=A8JKKLP2)
>
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> #Note/Charbon
> ^A8JKKLP2aVBTSMZDDp43
> [!accord] Page 48
> Les usines et l'armée coloniale dépendent de cette ressource éminemment politique. Une grève des mineurs ou des cheminots peut facilement paralyser ces secteurs clés du capitalisme colonial. Pour [[Timothy Mitchell|Mitchell]], ce double pouvoir, économique et politique, a donné aux travailleurs un avantage décisif dans la négociation des conditions de travail et dans le renforcement de la place des syndicats ouvriers dans la démocratie parlementaire.[](zotero://open-pdf/library/items/VBTSMZDD?page=44&annotation=XACAHZJY)
>
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> ---
> #Note/Travail
> ^XACAHZJYaVBTSMZDDp44
> [!approfondir] Page 48
> Il faut évidemment se méfier d’une histoire par trop déterministe qui attribuerait l'extension du pouvoir ouvrier aux seules infrastructures techniques. L'usage politique des affordances technologiques de l'économie fossile est d’abord le résultat de la patiente constitution d'une culture matériclle et d'organisations révolutionnaires capables d'identifier les faiblesses du capitalisme industriel. Ce sont cette culture et ces organisations qui ont donné une valeur stratégique à des limites techniques qui, en tant que telles, n’impliquaient aucune nécessité historique.[](zotero://open-pdf/library/items/VBTSMZDD?page=44&annotation=DTVJCDV6)
>
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> ---
> #Note/LutteDesClasses
> ^DTVJCDV6aVBTSMZDDp44
> [!information] Page 49
> L'installation de turbines à vapeur fonctionnant avec un dérivé du pétrole répond donc aux visées militaristes de Churchill et à la nécessité de briser le pouvoir des ouvriers. Cela aura deux conséquences : licr profondément l'armée anglaise aux compagnies pétrolières et lier la politique militaire au projet colonial au Moyen-Orient pour assurer son approvisionnement. La lutte capitaliste contre le pouvoir des travailleurs extractifs accélère donc le passage d'une économie fossile fondée sur le charbon et les plantations à une économie fossile fondée sur le pétrole et la colonisation formelle du Moyen-Orient.[](zotero://open-pdf/library/items/VBTSMZDD?page=45&annotation=KAUTJUV6)
>
>
> ---
> #Note/Pétrole #Note/ÉconomieFossile
> ^KAUTJUV6aVBTSMZDDp45
> [!accord] Page 49
> Le pétrole présente en effet de nombreux avantages. Son extraction suppose moins d'ouvriers. Or, de moins grandes concentrations de main-d'œuvre diminuent le risque des organisations de masse. Travaillant en surface, les mineurs sont aussi exposés au contrôle permanent de la direction. La liquidité du pétrole permet de le déplacer par bateau ou oléoduc, en mobilisant très peu d'ouvriers et donc en limitant encore les risques de lutte. Aujourd’hui encore, plus de la moitié des bateaux de transport de pétrole qui quittent leur port de chargement ne connaissent pas leur destination finale, ce qui réduit les possibilités de blocages. Enfin, l'éloignement entre les zones extractives et les lieux de consommation diminuc la probabilité d’une coopération politique entre mineurs et ouvriers.[](zotero://open-pdf/library/items/VBTSMZDD?page=45&annotation=XIKBY5K4)
>
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> ---
> #Note/Pétrole
> ^XIKBY5K4aVBTSMZDDp45
> [!accord] Page 50
> L'économie fossile repose sur l'accumulation de valeur par la vente de marchandises produites par des travailleurs salariés grâce à des ressources dont l'usage émet une quantité importante de gaz à cffet de serre. Selon Malm et [[Timothy Mitchell|Mitchell]], la structure de classe du capitalisme explique non seulement l'origine de la crise climatique mais aussi les transitions énergétiques internes à l'économie fossile, comme le passage du charbon au pétrole.[](zotero://open-pdf/library/items/VBTSMZDD?page=46&annotation=CE66BB9G)
>
>
> ---
> #Note/ÉconomieFossile
> ^CE66BB9GaVBTSMZDDp46
> [!approfondir] Page 50
> Il faut cependant prendre ce récit avec prudence. D'abord, parce que, comme l'ont démontré de nombreux-ses historien-nes de l'environnement, kes modifications du climat apparaissent avec les grandes entreprises de modification de la végétation et des couverts forestiers. Dès l’aube de la modernité coloniale, les déforestations massives des îles de plantation et des territoires métropolitains préoccupent les administrateurs coloniaux$. Qu'ils se réjouissent de ieur rôle dans la modification active du climat ou qu'ils s'inquiètent, à l'inverse, des perturbations qu'ils imposent aux milieux, les grands planificateurs des écosystèmes coloniaux sont parfois très conscients de leur rôle climatique.[](zotero://open-pdf/library/items/VBTSMZDD?page=46&annotation=DETINKPW)
> ^DETINKPWaVBTSMZDDp46
> [!bibliographie] Page 50
> [[Jean-Baptiste Fressoz]] et [[Fabien Locher]], Les Révoltes du ciel, Une histoire du changement climatique, XvV°-Ax siècles, Paris, Le Seuil, 2020.[](zotero://open-pdf/library/items/VBTSMZDD?page=46&annotation=WPYHIX6F)
> ^WPYHIX6FaVBTSMZDDp46
> [!accord] Page 51
> On n'a jamais utilisé autant de charbon dans l’histoire de l'humanité : en 1900, l'Angleterre en consommait quelques centaines de millions de tonnes; la Chine en consomme aujourd’hui plus de quatre milliards de tonnes par an.[](zotero://open-pdf/library/items/VBTSMZDD?page=47&annotation=69ZH9BRA)
>
>
> ---
> #Note/Charbon
> ^69ZH9BRAaVBTSMZDDp47
> [!information] Page 52
> Les premiers moteurs à vapeur sont utilisés pour faire fonctionner des métiers à tisser dont le coton provient des plantations américaïnes où la très grande majorité des travailleurs sont des esclaves africains ou afro-descendants. La déportation des esclaves vers les lieux de production agricoles répond à une double logique d'accumulation de valeur, celle de la vente des personnes asservies en tant que marchandises et celle de la mise aux champs de cette force de travail non payée qui va produire de nouvelles marchandises nécessaires à la production industrielle dans les centres coloniaux.[](zotero://open-pdf/library/items/VBTSMZDD?page=48&annotation=ASH5WGDS)
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>
> ---
> #Note/Colonialisme
> ^ASH5WGDSaVBTSMZDDp48
> [!accord] Page 52
> En 1944, dans Capitalisme ef Esclavage, Eric Williams, penseur marxiste de Trinité-et-Tobago, cite cette phrase d’un chroniqueur anglais, soulignant la dépendance de la production industrielle à l'égard de l’exploitation esclavagiste : « Pas une seule brique de la ville de Bristol n'a été façonnée sans le sang d'un esclave[^9]. »[](zotero://open-pdf/library/items/VBTSMZDD?page=48&annotation=BEVSF9TS)
> ^BEVSF9TSaVBTSMZDDp48
> [!information] Page 52
> Mais cela signifie aussi que, depuis le début de l'ère capitaliste, la force de travail est racialisée. V'économiemonde capitaliste articule différentes « méthodes de contrôle du travailé » — travail salarié « libre », travail esclave ou forcé, corvée, etc. — au sein d’un marché mondial orienté vers le profit.[](zotero://open-pdf/library/items/VBTSMZDD?page=48&annotation=XMYFC5ZS)
>
>
> ---
> #Note/Travail
> ^XMYFC5ZSaVBTSMZDDp48
> [!exemple] Page 53
> Dans la plupart des contextes coloniaux, la structuration raciale du prolétariat est déterminante. En Amérique latine, par exemple au Pérou au début du xx° siècle, les peuples autochtones travaillent dans les grandes exploitations latifundiaires, les esclaves noir-es travaillent dans les mines, les ouvricr-es métis occupent des positions dans l’industrie ou le petit artisanat, et les blancs dirigent les grandes entreprises.[](zotero://open-pdf/library/items/VBTSMZDD?page=49&annotation=5BSQRNXG)
> ^5BSQRNXGaVBTSMZDDp49
> [!accord] Page 53
> Dès l'aube du capitalisme, la division internationale du travail permise par la multiplication des échanges mondiaux s'accompagne d'une racialisation de la force de travail. À partir de ce moment-là, les positions raciales peuvent déterminer une appartenance de classe et les procès de travail eux-mêmes racialisent les personnes qui les effectuent. Naïître noir dans l'Amérique du Nord du xix° siècle, c'est le plus souvent être assigné à une position raciale de classe, celle de Fesclave de plantation. De même, naître blanc dans une banlicue de Bristol, c'est être quasiment assuré de devenir ouvricr dans une des nombreuses usines de la ville.[](zotero://open-pdf/library/items/VBTSMZDD?page=49&annotation=Y8ENQ3L6)
>
>
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> #Note/TravailRacialisé
> ^Y8ENQ3L6aVBTSMZDDp49
> [!approfondir] Page 54
> Basé sur l'esclavage, le régime de plantation réalise une logique de maîtrise, de discipline et de contrôle sur les corps et les environnements. Des chercheuses en black studies ont depuis longtemps étudié le destin croisé des êtres humains déportés et des plantes déracinées. Comme le note Katherine McKittrick, la plantation est souvent définie dans les archives comme une « ville », composée d'une ville haute, avec « sa maison principale, un bureau, un poste de transport, un bâtiment pour la vente des esclaves, une zone de jardins, les quartiers et les cuisines des esclaves, des étables, un cimetière et un ou plusieurs bâtiments où les cultures sont préparées, comme un moulin ou une raffinerie », et d’une ville basse qui inclut « des espaces agricoles et des champs, des bois et des pâturages. »[](zotero://open-pdf/library/items/VBTSMZDD?page=50&annotation=VQMC7UZQ)
> ^VQMC7UZQaVBTSMZDDp50
> [!accord] Page 55
> Mais les plantations sont aussi reliées entre elles par « des réseaux de transport, des rivières, des routes, des petites voies de chemin de fer — qui permettent d'expédier les cultures, les esclaves et d'autres marchandises ». L'écologie de la plantation cst très spécifique car elle fonctionne par la « simplification, l'homogénéisation cet l'instrumentalisation » des usages de la nature. Une plante principale est cultivée à très grande échelle, en monoculture (canne à sucre, coton, etc.}. Comme le note Sophie Chao dans un commentaire des travaux de MckKittrick, les esclaves et les plantes sont simultanément posés en sujet et en objet d'un travail extractif, « leur corps et leurs forces vitales sont mis au travail pour répondre aux diktats de la production capitaliste[^10]».(zotero://open-pdf/library/items/VBTSMZDD?page=51&annotation=Z4J4Z6NJ)
> ^Z4J4Z6NJaVBTSMZDDp51
> [!information] Page 56
> La proposition la plus célèbre est sans conteste celle de [[Donna Haraway]] et d'[[Anna Tsing]], qui défiñissent parfois notre époque écologique comme celle du « Plantationocène ». Par ce terme, il faut entendre la standardisation des milieux par le régime de la plantation, la mise au travail de tous les vivants, humains et autres qu’humains, leur mise au service d’un système de domination globale et le rôle des investissements capitalistes à longue distance dans ces processus d'homogénéisation et de contrôle[^11]. L'extension de la monoculture à l'échelle mondiale serait le signe visible du devenir planétaire de la plantation.[](zotero://open-pdf/library/items/VBTSMZDD?page=52&annotation=UU23CHWK)
>
>
> ---
> #Note/Plantationocène
> ^UU23CHWKaVBTSMZDDp52
> [!approfondir] Page 57
> Il est évident que l'exploitation agricole intensive contemporaine, fondée sur la monocultureet le travail de migrants saisonniers, reproduit des rapports raciaux au sein de l’agriculture des pays des Nords mais elle ne le fait pas sous l’homogénéité englobante du régime unique de la « plantation planétaire ». Comme l'écrivent Janae Davis et ses collègues de Funiversité de Yale, « la dépossession des peuples indigènes, la mise en esclavage des personnes noires et la propagation de vie non humaine dans les encomiendas, plantations ct réserves sont des phénomènes connexes, mais distincts, au service d'un projet colonial, racial et capitalistes ».[](zotero://open-pdf/library/items/VBTSMZDD?page=53&annotation=BZ86UZ8J)
>
>
> ---
> #Note/Monoculture
> ^BZ86UZ8JaVBTSMZDDp53
> [!accord] Page 57
> L'écologie des plantations n'est pas aussi homogène que le concept de Plantationocène ne semble l'indiquer. Comme le note encore Sophie Chao, dans les plantations américaines et caribéennes, les parcelles cultivées par les esclaves pour leur subsistance sont souvent devenues des « refuges bioculturels », fournissant les bases d’une contre-culture noire fondée sur le soin des humains et des autres qu'humains exclus de la monoculture.[](zotero://open-pdf/library/items/VBTSMZDD?page=53&annotation=6UEVSQJB)
>
>
> ---
> #Note/AgricultureVivrière
> ^6UEVSQJBaVBTSMZDDp53
> [!accord] Page 58
> Troisième limite : l'idée de la plantation planétaire tend elle-même à homogénéiser les différents régimes de travail dominé ct la multiplicité des paysages produits par le capitalisme. Les « natures capitalistes[^12]», comme les appelle [[Arturo Escobar]], sont le résultat de régimes de travail différenciés dans des environnements variés. La plantation coloniale n’en reste pas moins un lieu emblématique de la modernité écologique. Elle est à la fois un espace où se créent de l'oppression raciale, de la mise au travail d’une population esclave et de la standardisation des écosystèmes à l'échelle mondiale. Mais la mondialisation des techniques agricoles qui la caractérise et l’universalisation du capitalisme colonialracial n'impliquent pas une généralisation homogène de la « plantation » à l'échelle planétaire. Le capitalisme produit des natures différenciées en fonction des environnements qu'il reproduit et des formes d'exploitation du travail qu'il met en œuvre.[](zotero://open-pdf/library/items/VBTSMZDD?page=54&annotation=3MYSAR56)
> ^3MYSAR56aVBTSMZDDp54
> [!exemple] Page 59
> À partir de 1419, les plantations portugaises de canne à sucre sur les îles de Madère et de Porto Santo donnent lieu aux premiers écocides de la modernité coloniale[^13]. Entièrement recouverte de forêt, Madère devient le premier centre mondial de production de sucre.[](zotero://open-pdf/library/items/VBTSMZDD?page=55&annotation=DZQ5WIGY)
> ^DZQ5WIGYaVBTSMZDDp55
> [!approfondir] Page 60
> C'est la raison pour laquelle le géographe et théoricien marxiste Jason W. Mocre propose de décrire le sucre comme une « marchandise-frontière » du premier capitalisme. La production sucrière indique les zones possibles d'une conquête coloniale et les espaces de prédation du capital marchand. Mais dans la mesure où le « régime écologique » de la plantation est par nature insoutenable, cette dernière ne marque pas une limite absolue à l'extension de l'accumulation mais plutôt une zone à conquérir puis à abandonner. Après Madère, ce sera au tour des Canaries, puis des Caraïbes et même des Philippines, où la plantation de cannes à sucre s’installera au xix° siècle.[](zotero://open-pdf/library/items/VBTSMZDD?page=56&annotation=6SXCP45P)
>
>
> ---
> #Note/Colonialisme #Note/CapitalismeOrganique
> ^6SXCP45PaVBTSMZDDp56
> [!information] Page 60
> Lorsque l'économie sucrière arrive sur l'archipel des Visayas dans les années 1850, les Philippines connaissent les phénomènes qui ont présidé à la crise écologique des îles de l'Atlantique : l’enclosure des terres, la mise en place d’un système de plantation, la monoculture d'exportation et le déboisement conduisent à la création d'un prolétariat agricole pratiquement réduit en esclavage. Avec la destruction des cultures de subsistance et des structures sociales qui les soutenaient, les les sont en proie à la famine et à de fréquentes variations climatiques.[](zotero://open-pdf/library/items/VBTSMZDD?page=56&annotation=AE4ZDXC7)
> ^AE4ZDXC7aVBTSMZDDp56
> [!accord] Page 61
> La colonisation est donc liée à un impérialisme écologique qui bouleverse les écolagies locales, mène à un appauvrissement généralisé et engendre une fragilité structurelle face aux événements climatiques extrêmes. Par « impérialisme écologique », il faut entendre que les pays du centre capitaliste ont acquis par la force la capacité à exploiter brutalement les ressources naturelles des économies de la périphérie[^14]. Il ne s'agit pas d'une dynamique seconde dans l’histoire du capitalisme : elle lui est inhérente au sens où, sans ces prises de terre coloniales, les capitalistes européens n'auraient pas pu accumuler des capitaux, ouvrir un marché mondial et transformer les peuples du monde en un prolétariat racisé privé de Faccès à ses conditions de subsistance.[](zotero://open-pdf/library/items/VBTSMZDD?page=57&annotation=LVEYC822)
>
>
> ---
> #Note/ImpérialismeÉcologique
> ^LVEYC822aVBTSMZDDp57
> [!accord] Page 61
> Comme l'écrit Rosa Luxemburg dans L'Accumulation du capital, le capitalisme ne fonctionne qu'avec cette double logique d'exploitation salariale des peuples du centre et de dépossession violente des peuples colonisés, et c'est grâce à elle qu'il peut réduire le monde enticr à la dépendance de la marchandise : « I! serait vain d'espérer limiter le capitalisme à la “concurrence pacifique”, c'est-àdire à un commerce normal de marchandises tel qu'il est pratiqué cntre pays capitalistes comme base de l'accumulation. [..] Le capital ne connaît aucune autre solution à ce problème que la violence, qui est une méthode permanente de l'accumulation comme processus historique depuis son origine jusqu'à aujourd’hui, »[](zotero://open-pdf/library/items/VBTSMZDD?page=57&annotation=72EMFMU9)
>
>
> ---
> #Note/Capitalisme
> ^72EMFMU9aVBTSMZDDp57
> [!information] Page 62
> La violence coloniale en tant que modalité de développement du capitalisme correspond aussi à une extension de son « régime écologique[^15] ». Cette dernière expression désigne un type de contrôle techno-politique de la nature et du travail fondé sur le modelage d’environnements productifs. C’est donc un concept à la fois politique, technique et économique. Le capital déploie des modes de relation à la nature différenciés selon le type d'exploitation du travail ce de l'environnement qu'il met en œuvre.[](zotero://open-pdf/library/items/VBTSMZDD?page=58&annotation=ZHT34P4A)
> ^ZHT34P4AaVBTSMZDDp58
> [!accord] Page 63
> Afin de limiterles coûts, les capitalistes cherchent en permanence à acquérir les ressources naturelles et sociales dont äs ont besoin aux prix les plus bas, voire gratuitement. La tentative de diminuer les coûts de production donne évidemment lieu à une compétition entre capitalistes. À la logique de valorisation par exploitation du travail salarié correspond donc une logique d’appropriation gratuite des forces naturelles humaines et non humaines. Or, parmi les dynamiques qui permettent de limiter le prix de la force de travail et donc d'augmenter les profits, il y a l'exploitation d’une main-d'œuvre domestique gratuite.[](zotero://open-pdf/library/items/VBTSMZDD?page=59&annotation=6EUIG5HQ)
>
>
> ---
> #Note/Travail/TravailDomestique
> ^6EUIG5HQaVBTSMZDDp59
> [!approfondir] Page 64
> Les forces naturelles peuvent bien contribuer à la production de valeurs d'usage, c'est-à-dire de biens adaptés à des besoins sociaux, clles ne produisent pas de valeur d'échange, c’està-dire une quantité de travail matérialisée dans une interaction monétaire. Seul le travail humain est producteur de valeur. Je reviendrai dans le prochain chapitre sur les difficultés liées à cette définition mais, dans la perspective marxiste qui est la mienne, je peux d'emblée préciser la chose suivante : le travail humain n'est producteur de survaleur qu'à condition d'être salarié, c'est-à-dire à condition qu'une partie de la valeur produite soit rémunérée tandis qu’une autre partie, la survaieur, est appropriée par le capital.[](zotero://open-pdf/library/items/VBTSMZDD?page=60&annotation=3VDPLTDH)
> ^3VDPLTDHaVBTSMZDDp60
> [!information] Page 65
> Par « travail reproductif », on désigne l’ensemble des tâches, assurées le plus souvent par les femmes, qui sc rapportent à l'entretien des vies humaines. Du point de vue de leur valeur économique, ces tâches peuvent prendre trois formes. D'abord, lorsque ce travail n'est pas rémunéré, il ne produit pas de valeur d'échange mais contribue à la reproduction de la force de travail masculine et féminine qui assure la production de valeur. Après qu'un plat a été cuisiné ou qu’un enfant a été bercé, il n’y a pas plus de capital en circulation, même si la richesse du monde en a certainement été augmentée. Dans ce cas, le travail reproductif est une condition essentielle de la valorisation dans tous les autres secteurs.[](zotero://open-pdf/library/items/VBTSMZDD?page=61&annotation=VKZT83HZ)
>
>
> ---
> #Note/TravailReproductif
> ^VKZT83HZaVBTSMZDDp61
> [!information] Page 65
> Mais le travail reproductif peut aussi être intégré à la sphère marchande. Par exemple, une crèche privée ou une entreprise de ménage exploite des salariées pour accomplir des tâches dont l’accomplissement produit un bien adapté à des besoins sociaux et dont la vente assure un profit à l'entreprise. Le service et le soin sont alors des marchandises parce qu'ils sont échangeables contre une certaine somme monétaire qui exprime le temps de travail socialement nécessaire à la réalisation de ces tâches. Dans cc cadre-là, le travail reproductif produit de la valeur et donne lieu au paiement d'un salaire.[](zotero://open-pdf/library/items/VBTSMZDD?page=61&annotation=72F6DXYE)
>
>
> ---
> #Note/TravailReproductif
> ^72F6DXYEaVBTSMZDDp61
> [!bibliographie] Page 66
> Kendra Coulter, Anfmals, Work, and the Promise of Intersperies Solidarity, New York, Palgrave Macmiilan, 2016, p. 64-65[](zotero://open-pdf/library/items/VBTSMZDD?page=62&annotation=ELJQ2PUR)
> ^ELJQ2PURaVBTSMZDDp62
> [!accord] Page 68
> Dans la mesure où les capitalistes ont besoin de travailleur-ses prêts à vendre leur force de travail contre un salaire, ce mode de production suppose leur séparation d'avec leurs conditions naturelles de subsistance. Le capital ne peut se constituer que quand les travailleurs et les travailleuses n’ont plus accès à la terre et aux moyens de production agricole. Alors, contraints de vendre leur force de travail sur le marché, les producteurs directs se prolétarisent.[](zotero://open-pdf/library/items/VBTSMZDD?page=64&annotation=YVQGHI5W)
>
>
> ---
> #Note/Capitalisme
> ^YVQGHI5WaVBTSMZDDp64
> [!accord] Page 69
> Dans ce grand mouvement d'enclosure, les capitalistes brisent les liens entre la paysannerie et la terre, accumulent des moyens de production, transforment la force de travail en marchandise. Cette histoire de la séparation est en permanence rejouée dans lhistoire du capitalisme depuis les communaux anglais du xvurf siècle, en passant par les territoires algériens pendant fa colonisation française et jusqu'aux immenses territoires agricoles aujourd’hui rachetés par des fonds d’investissements internationaux.[](zotero://open-pdf/library/items/VBTSMZDD?page=65&annotation=N4T7A278)
> >[!cite] Note
> Penser l'enclosure comme un perpetuel mouvement. Détacher le prolétaire du sol pour l'enfermer éternellement dans la structure capitaliste
>
>
> ---
> #Note/Enclosure
> ^N4T7A278aVBTSMZDDp65
> [!approfondir] Page 69
> Les théoriciennes de la subsistance insistent cependant sur le fait que les femmes perdent les moyens d'assurer, avec le peu d'autonomie qu'elles avaient, les tâches dévalorisées auxquelles elles sont assignées. Privées de l'accès à la terre, elles sont dépossédées de la possibilité d'effectuer dignement le travail de subsistance. Elles dépendent désormais du marché et du salaire de leur conjoint. La perte de rclation à la nature qui commence avec les enclosures consiste donc en une prolétarisation de la force de travail et une dépendance grandissante des femmes à l'égard des hommes. Double dépendance donc, au marché du travail et au salaire masculin.[](zotero://open-pdf/library/items/VBTSMZDD?page=65&annotation=2T7VFM7K)
> ^2T7VFM7KaVBTSMZDDp65
> [!accord] Page 70
> Face à ce récit, qui souligne la processualité de la domination de genre et la naturalisation des fonctions sociales qui s'y rapportent, le féminisme de la reproduction sociale insiste au contraire sur les ruptures et les événements historiques qui ont contribué à l'émergence du patriarcat capitaliste. Dans Cafiban et la sorcière, [[Silvia Federici]] explique ainsi que la dévalorisation du travail reproductif féminin fut la condition de possibilité du développement du travail salarié. Dans la mesure où le travail de reproduction de la force de travail (nourrir le foyer, élever les enfants, fournir du travail sexuel, etc.} fut exclu du travail producteur de valeur, et donc dévalorisé, la force de travail reproductif fut elle aussi dévalorisée.[](zotero://open-pdf/library/items/VBTSMZDD?page=66&annotation=549J9KRD)
>
>
> ---
> #Note/TravailReproductif
> ^549J9KRDaVBTSMZDDp66
> [!information] Page 71
> Les corps féminins, en tant qu'il sont spécifiquement voués à ces tâches, furent considérés comme des « nouveaux communaux[^16] » susceptibles d'être appropriés dans la violence. Parler de « commurnaux », c’est faire référence aux usages communs des terres par la paysannerie médiévale. De même que les communaux furent peu à peu saisis dans toute l'Europe par des seigneurs qui dépossédaient les paysan-nes en clôturant les champs, de même le corps des fernmes devint un bien à la disposition des appropriateurs.[](zotero://open-pdf/library/items/VBTSMZDD?page=67&annotation=HS4SBPGZ)
>
>
> ---
> #Note/Communs
> ^HS4SBPGZaVBTSMZDDp67
> [!approfondir] Page 71
> En effet, [[Silvia Federici|Federici]] reprend l'histoire de l'accumulation primitive présentée dans Le Capital pour montrer que [[Karl Marx|Marx]] avait oublié un élément décisif? : pour lui, l'accumulation de valeur est fondée sur la nécessité de produire pour le marché; elle impose que tes travailleurs et les travailleuses soient séparés de leur condition objective de reproduction (la terre pour se nourrir). Eîle impose donc que la paysannerie soit dépossédée de la terre et, d’un même mouvement, que la force de travail soit transformée en marchandise. Or, cette marchandisation de la force de travail est un phénomène tout aussi violent que la dépossession de la terre.[](zotero://open-pdf/library/items/VBTSMZDD?page=67&annotation=WPBKMIAM)
> ^WPBKMIAMaVBTSMZDDp67
> [!information] Page 72
> Il peut paraître étonnant de parler d'une débossession où d’une séparation dans le rapport au corps. Pourtant, la perte de maîtrise de la procréation ainsi que le meurtre des femmes dans les chasses aux sorcières permettent de justifier un tel usage. D'une part, la perte de contrôle sur la procréation passa par la « marginalisation des sages-femmes[^17] » et l'emprise grandissante des médecins masculins, souvent proches des autorités étatiques ou bourgeoises. La communauté des femmes entourant la parturiente fut donc peu à peu congédiée et les sages-femmes placées sous l'autorité des docteurs.[](zotero://open-pdf/library/items/VBTSMZDD?page=68&annotation=L98GNWBD)
>
>
> ---
> #Note/TravailReproductif
> ^L98GNWBDaVBTSMZDDp68
> [!approfondir] Page 73
> Si l'on peut bien parler d'une dépossession des corps féminins, c'est que l’autonomie dans le rapport à soi a été combattue et disciplinée par la violence de la répression et la médiation des savoirs autorisés, notamment médicaux. Cette disciplinarisation par dépossession a été la condition de possibilité d’une intégration biérarchisée des corps au circuit de la valorisation. La force de travail productive est valorisée, c'est-à-dire qu'elle produit de la valeur, mais elle est exploitée (une partie seulement de la valeur produite est rémunérée) ; la force de travail reproductive est dévalorisée, c'est-à-dire qu'elle ne participe pas, ou seulement à la marge, au procès de valorisation capitaliste, donc elle est appropriée dans la violence.[](zotero://open-pdf/library/items/VBTSMZDD?page=69&annotation=Y8AAZREZ)
>
>
> ---
> #Note/TravailReproductif
> ^Y8AAZREZaVBTSMZDDp69
> [!accord] Page 74
> Dans la logique du capital, les réalités naturelles n'ont pas de valeur (morale) parce que ce qui ne produit pas de valeur (économique) n'en n’a aucune. La dévalorisation économique du travail de reproduction légitime sa relégation sociale et politique et le prive de toute intégrité morale et physique. On voit alors surgir cette définition négative de la nature qui est le trait idéologique essentiel de Fécologie-monde capitaliste : pour le capital, la nature est l'ensemble des réalités qui, n'ayant pas de valeur, sont disponibles pour l'appropriation.[](zotero://open-pdf/library/items/VBTSMZDD?page=70&annotation=7T8URZJ4)
>
>
> ---
> #Note/Capitalisme
> ^7T8URZJ4aVBTSMZDDp70
> [!information] Page 75
> Ces deux récits pointent néanmoins la centralité de ce que la chercheuse écoféministé Ariel Salleh appelle le « travail méta-industriel ». Par là, clle désigne l’ensemble des travaux qui assurent les conditions de subsistance des humains et des écosystèmes dont ils dépendent. Il ne s’agit pas de prendre soin simplement des corps mais aussi des environnements dans lesquels ils évoluent et qui assurent leur reproduction saine ou pathologique : « Généralement invisible, le travail méta-industriel maintient les infrastructures biologiques nécessaires à tout système économique, mais avec l'expansion capitaliste, ce travail s'effectue avec un coût toujours plus grand pour les conditions de vie des travailleurs méta-industriels eux-mêmes, principalement des femmes[^18]. »[](zotero://open-pdf/library/items/VBTSMZDD?page=71&annotation=A3RJXD5P)
> ^A3RJXD5PaVBTSMZDDp71
> [!information] Page 76
> À la différence du concept de subsistance, qui peut se penser hors de la production capitaliste - dans un passé précapitaliste ou comme horizon normatif -, le concept de « travail méta-industriel » est capifalocentré, il part de l'existence du capital. Son intérêt principal est donc de mettre l'accent sur l'importance des tâches non productives dans la reproduction élargie du capital. Pas d’accumulation de valeur sans un travail de soin pour le monde et pour les choses dont le capital dépend. Par ce concept, Ariel Salleh insiste également sur les pratiques nécessaires à l'entretien du « métabolisme socioécologique » dont toute vie humaine dépend.[](zotero://open-pdf/library/items/VBTSMZDD?page=72&annotation=RAM9FAIP)
>
>
> ---
> #Note/Capitalisme
> ^RAM9FAIPaVBTSMZDDp72
> [!information] Page 77
> Lorsqu'Ariel Salleh insiste sur ke métabolisme socio-écologique nécessaire à la production de valeur, elle fait preuve d'une attention aux pratiques d'engendrement des écosystèmes entretenus par des travailleuses méta-industrielles afin d'assurer les conditions de toute reproduction, naturelle ou sociale. Elle inaugure ainsi un courant du féminisme de la « reproduction écosociale » sur lequel je reviendrai dans les prochains chapitres.[](zotero://open-pdf/library/items/VBTSMZDD?page=73&annotation=MVYPP94F)
> ^MVYPP94FaVBTSMZDDp73
> [!approfondir] Page 78
> L'image qu'on pourra se faire de ce système sera alors beaucoup plus fluide que celle qu'on se représente parfois d’un système monolithique et autovalorisant, sans acteur et sans histoire. Il s'agit d'un mode de production qui vise l'accumulation de valeur par l'exploitation du travail (salarié, servile, reproductif) et par l'appropriation gratuite des forces naturelles. L'exploitation typiquement capitaliste a1pparaît comme une extraction de survaleur qui suppose toujours une appropriation gratuite de richesses naturelles et le plus souvent une appropriation gratuite d’un travail de reproduction assuré par des femmes. Dès lors, la « dévaluation » du travail humain dans l'exploitation salariale s'accompagne d'une « dévalorisation » des richesses naturelles dans lappropriation. Dans un cas, le travail n’est pas rétribué à la hauteur de la valeur qu’il a produite ; dans l’autre, les forces des esclaves, des femmes et de la nature, n'étant pas considérées comme du travail, n’ont aucune valeur.[](zotero://open-pdf/library/items/VBTSMZDD?page=74&annotation=4FMJ35ZC)
>
>
> ---
> #Note/Capitalisme
> ^4FMJ35ZCaVBTSMZDDp74
> [!accord] Page 79
> Enfin, dans la mesure où, comme l'explique {a chercheuse féministe Stefania Barca, les forces de production sont aussi des « forces de reproduction » sociales ct naturelles, le capital se présente comme un systèmc de dévalorisation des conditions de la vie, humaine et non humaine. Celle-ci passe par une séparation entre la terre et les corps, par une aliénation de la nature.[](zotero://open-pdf/library/items/VBTSMZDD?page=75&annotation=G8KZRSK9)
> ^G8KZRSK9aVBTSMZDDp75
> [!accord] Page 79
> Aussi la nafure du capital est-elle apparue plus clairement[^19]. Au sens objectif du complément du nom, la nature apparaît dans le capitalisme comme l'ensemble des réalités dévalorisées, celles qui font Fobjet d'une appropriation gratuite : tout ce qui est à disposition, librement saisissable, voilà la nature pour le capital. Au sens subjectif du complément du nom, la nature du capital cest celle d’un système qui vise l'accumulation par l'exploitation du travail et la dévalorisation permanente des conditions objectives de la vie.[](zotero://open-pdf/library/items/VBTSMZDD?page=75&annotation=528EJFHA)
>
>
> ---
> #Note/Capitalisme #Note/Nature
> ^528EJFHAaVBTSMZDDp75
## Mettre les vivants au travail
L'écologie politique du capital
> [!accord] Page 83
> Mais les théories post-extractivistes' laissent peu de place au rôle des agents non humains dans la coproduction des richesses extraites par le capital. Les travailleur-ses humain-es ont besoin d’un air relativement sain pour vivre et produire de la valeur, un air qui, depuis 3,5 milliards d'années, a été coproduit par le lent travail des bactéries procaryotes et reproduit par l’activité photosynthétique des plantes.[](zotero://open-pdf/library/items/VBTSMZDD?page=79&annotation=LW98R9HX)
> ^LW98R9HXaVBTSMZDDp79
> [!accord] Page 84
> Les sols fertiles sont constitués par la décomposition de débris végétaux ct animaux, assurée notamment par des décomposeurs, des champignons, des bactérics ou des vers de terre. Ils contribuent au recyclage des éléments qui composent la matière organique. Toutes les sociétés humaines ont évolué dans un environnement coproduit par des activités non humaines, qui ne constituent pas seulement les conditions passées de leur déploiement, mais offrent aussi des soutiens et des accompagnements, des partenariats et des collaborations sans lesquelles aucune pratique sociale ne pourrait avoir licu. Le capitalisme profite lui aussi de toutes ces activités humaines et autres qu'humaines.[](zotero://open-pdf/library/items/VBTSMZDD?page=80&annotation=CECEGT2J)
> ^CECEGT2JaVBTSMZDDp80
> [!accord] Page 84
> Il exploite une force de travail humaine sans ménager ni prendre en considération les relations écologiques nécessaires à sa reproduction. [l s'approprie des richesses coproduites par la nature pendant des millénaires sans égard pour les capacités de renouvellement des écosystèmes et de la biosphère. Il ne se contente pas de prendre ce qui a déjà été formé, il « met au travail » la nature planétaire à une échelle encore inconnue jusque-là. Toute la biosphère doit devenir productive pour permettre laccumulation de valeur.[](zotero://open-pdf/library/items/VBTSMZDD?page=80&annotation=SZKM66IT)
>
>
> ---
> #Note/Capitalisme
> ^SZKM66ITaVBTSMZDDp80
> [!bibliographie] Page 86
> Voir par exemple fason Hribal, « “Animals Are Part ofthe Working Class”: Challenge to Labor History », Labor History, vol. 44, n° 4,2003; ou encore Mark Neocleous, The Unsversal Adversary. Security, Capital and « The Encres of AÏ Mankind », Abingdon, Oxon et New York, Routledge, 2016, p.31.[](zotero://open-pdf/library/items/VBTSMZDD?page=82&annotation=FN7PHETM)
> ^FN7PHETMaVBTSMZDDp82
> [!accord] Page 87
> Avec le capitalisme les activités liées au travail ont d’ailleurs pris une place essentielle dans l'organisation du monde social et des vies individuelles. Parce qu'on y consacre beaucoup de temps, parce que c'est un moyen de subsistance, de reconnaissance symbolique ou une condition d'accès à des positions de pouvoir, le travail définit les rôles de chacun et assure la reproduction individuelle ct sociale. S'il prend le plus souvent la forme d’un emploi rémunéré, c'est-à-dire d’une activité effectuée contre le paiement d’un revenu, il ne se confond pas avec l'emploi. D'une part, parce qu'on peut travailler sans emploi, c'est-à-dire sans contrat encadrant la relation de travail, comme ce fut Le cas dans la majeure partie de l'histoire de l'humanité. D'autre part, parce que le travail n'implique pas nécessairement de rémunération, comme dans le cas du travail domestique, le plus souvent effectué par des femmes.[](zotero://open-pdf/library/items/VBTSMZDD?page=83&annotation=4HQRD6MG)
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> #Note/Travail
> ^4HQRD6MGaVBTSMZDDp83
> [!information] Page 88
> Elle concerne, sclon Fischbach et Renault, la séparation d'avec le temps « libre ». Travailler implique qu'il existe des moments où l'on ne travaille pas, donc une séparation entre des périodes de la vie au cours desquelles on se consacre à des activités différentes. Cette dimension renvoie à la contrainte qu'un individu doué de volonté exerce sur lui-même, pour se forcer à travailler, pour « se mettre au travail > : ce qui permet aussi de distinguer le travail et le jeu, c'est-à-dire des modes d'activités différents.[](zotero://open-pdf/library/items/VBTSMZDD?page=84&annotation=ESI8Q4TF)
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> #Note/Travail
> ^ESI8Q4TFaVBTSMZDDp84
> [!exemple] Page 88
> Ainsi, un-e pianiste ne fait pas exactement la même chose lorsqu'il ou elle joue de son instrument pour le plaisir et quand il ou elle « travaille son instrument ». La dimension de l'effort ou de la peine renvoie à la discipline, à la capacité de se contraindre mais aussi aux défenses psychiques qu'on met en œuvre pour lutter contre la souffrance.[](zotero://open-pdf/library/items/VBTSMZDD?page=84&annotation=C66KXALE)
> ^C66KXALEaVBTSMZDDp84
> [!information] Page 88
> Dës lors, pour les humains, une définition générale du travail renverrait au moins à sept éléments essentiels : (a) une activité technique (b) effectuée par étapes seton un certain ordre, qui (c) produit des réalités nouvelles afin de (d) satisfaire des besoins sociaux au cours de (e) moments séparés des autres activités et (F) impliquant un certain effort, une forme de discipline (qu’elle soit autonome ou imposée), et (g) qui cngage des dispositions cognitives, psychiques et corporelles.[](zotero://open-pdf/library/items/VBTSMZDD?page=84&annotation=YD9RKDFJ)
>
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> #Note/Travail
> ^YD9RKDFJaVBTSMZDDp84
> [!accord] Page 90
> Historien-nes et anthropologues ont en effet montré que le concept de travail était absent de certaines sociétés qu'ils avaient étudiées. Il ne faut évidemment pas confondre le mot et la chose. L'absence d’un mot n'implique pas celle de la chose. Cependant, la régularité des observations sur des sociétés dites « sans travail » est instructive. Peut-être cette absence s'explique-t-elle par le fait que les activités que nous considérons comme relevant du travail n'existent pas de façon autonome, séparées des autres moments de la vie. L’historien de l'antiquité JeanPierre Vernant considère par exemple que le concept de travail en Grèce antique ne regroupe pas toutes les activités que nous y mettons aujourd’hui. À partir d'une analyse du poème d'Hésiode, Les Travaux et les Jours, il montre qu'il n'existe pas de concept permettant d’unifier les différentes conduites que nous regroupons sous la catégorie homogène de travail.[](zotero://open-pdf/library/items/VBTSMZDD?page=86&annotation=IACLGWXZ)
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> #Note/Travail
> ^IACLGWXZaVBTSMZDDp86
> [!accord] Page 95
> On peut donc formuler l'hypothèse suivante : l'idée de travail n'est pas propre aux sociétés modernes puisqu'on la trouve à la fois en Grèce antique et chez les Achuar; néanmoins, elle n'acquiert une autonomie, une généralité et un caractère de contrainte extérieure que lorsqu'elle est fondée sur une division sociale du travail. Dans le cas des Achuar, la division du travail est sexuelle, les femmes s'occupant principalement de l’horticulture, jugée plus pénible que la chasse ou la guerre. Comme le remarque Michel Panoff à propos des Maenge de Nouvelle-Bretagne, dans la mesure où la répartition des activités de subsistance n'est pas fondée sur une division du travail, dans la mesure où la production n'est pas distinguée des échanges et de la consommation, le travail n'apparaît pas comme une activité spécifique.[](zotero://open-pdf/library/items/VBTSMZDD?page=91&annotation=QTES9WNI)
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> #Note/Travail
> ^QTES9WNIaVBTSMZDDp91
> [!approfondir] Page 96
> Selon cette définition, le concept de travail n'est adéquat que pour désigner des moments de la vie humaine orientés vers la satisfaction de besoins sociaux et qui apparaissent comme pénibles, techniques et autonomes par rapport à d’autres moments de la vie sociale. En un mot, pas de travail sans division du travail. Cette définition s'appliquet-cile aux animaux non humains ?[](zotero://open-pdf/library/items/VBTSMZDD?page=92&annotation=7UEYBRX6)
> ^7UEYBRX6aVBTSMZDDp92
> [!accord] Page 97
> Cette capacité d'initiative est favorisée par la sélection des chiens les plus intéressés par ce travail, ceux qui ont « envie de le faire », selon les termes des formateurs. Autrement dit, travailler comme chien d'aveugle suppose pour l'animal d'avoir le désir de s’autodiscipliner et de respecter une hiérarchie de commandements venant tantôt de sa formation, tantôt de son maître. Dans ce cas, il est évident que le chien travaille, au sens où il est engagé dans un processus de coopération avec des humains, qui répond à tous les critères du travail que j'ai identifiés. À cet égard, les processus de mise au travail du vivant témoignent d'une ambivalence difficile à clarifier.[](zotero://open-pdf/library/items/VBTSMZDD?page=93&annotation=8PBV6TIX)
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> #Note/Travail
> ^8PBV6TIXaVBTSMZDDp93
> [!information] Page 98
> Dans Comment les esbèces se rencontrent ?, la philosophe des sciences [[Donna Haraway]] hésite sur la qualification à donner aux activités animales prises dans des rapports de travail humain. Elle évoque d'abord les animaux en tant qu'irstruments de travail : « Les chiens de travail sont des fastruments qui font partie intégrante du stock de capital d’une ferme : dans un système économique axé sur le marché, ce sont des ravailleurs qui produisent une plus-value en donnant plus que ce dont ils bénéficient[^20]. »[](zotero://open-pdf/library/items/VBTSMZDD?page=94&annotation=6ZVRWIWG)
> ^6ZVRWIWGaVBTSMZDDp94
> [!information] Page 98
> La définition de l'animal laborieux chez [[Donna Haraway|Haraway]] oscille entre deux régimes d'explication différents : l'animal-travailleur et l’animal-instrument. Elle présente d'ailleurs les chiens sélectionnés et améliorés pour leurs capacités de travail comme des « biotechnologies inscrites dans un système d’agriculture de marché" ». Il est vrai que ces animaux sont sélectionnés voire modifiés génétiquement pour répondre à des besoins humains. Il me semble qu'on peut donc préciser les termes de leurs rapports au procès de travail à partir de la distinction marxienne entre objet, moyen et activité de travail[^21](zotero://open-pdf/library/items/VBTSMZDD?page=94&annotation=37I6HY47)
> ^37I6HY47aVBTSMZDDp94
> [!accord] Page 99
> Du point de vue du capital, les chiens de travail sont de purs moyens de travail. Dans la mesure où leur force de travail n’est pas échangée contre un salaire, ils font partie des instruments. Du point de vue du travail cependant, ils effectuent bien un certain nombre de tâches particulières grâce à une dépense d'énergie vitale qui permet d'engendrer des réalités nouvelles avec une concentration réelle et une intentionnalité propre. C’est la raison pour laquelle ils peuvent être définis comme des travailleurs pour les éleveurs ou pour leurs collaborateurs humains. Mais, dans le cas des animaux sélectionnés grâce à des biotechnologies (ou grâce à des procédés naturels de croisement et de sélection), ils sont aussi l’objet d'un travait humain antérieur, Ils ont été produits par sélection ou modification génétique. Ils constituent donc une force de travail prise dans un processus de reproduction biopolitique de son existence.[](zotero://open-pdf/library/items/VBTSMZDD?page=95&annotation=66VDH3YT)
> ^66VDH3YTaVBTSMZDDp95
> [!information] Page 100
> Ce ne sont pas des biofechnologies puisqu'il s'agit d'êtres vivants, d'organismes autonomes avec leur intentionnalité propre, mais bien des objets d’un travail bumain antérieur qui deviennent, en raison de leur agentivité propre, des forces de travail non humaines réduites au rang d'instrumepnatr le capital. Cette distinction entre objet, moyen et activité permet d'isoler des moments distincts dans le cycle de production capitaliste de la vie. Cependant, elle se complexifie dès qu'on aborde la question des animaux dans l'élevage industriel.[](zotero://open-pdf/library/items/VBTSMZDD?page=96&annotation=I499PFNY)
> ^I499PFNYaVBTSMZDDp96
> [!approfondir] Page 100
> Une vache laitière, par exemple, produit une quantité de lait supérieure à celle nécessaire à la reproduction de ses veaux qui lui sont enlevés rapidement après le sevrage. On serait donc tenté de dire qu'elle détient une force de travail et qu'elle n'est pas seulement un objet de travail. Pourtant, le travail humain, assisté par des machines de plus en plus perfectionnées, s'exerce sur la vache elle-même pour produire un surplus de lait ou de viande. À cet égard, on pourrait penser que la vache est plutôt un objet de travail. La difficulté vient ici du fait que ce qui est mis au travail est la « vie générique » elle-même. Dans les Manuscrits de 1844, [[Karl Marx|Marx]] distingue la « vie générique » et « l'être générique »[^22](zotero://open-pdf/library/items/VBTSMZDD?page=96&annotation=E8PCFAN5)
> ^E8PCFAN5aVBTSMZDDp96
> [!information] Page 102
> Certaines enrayent systématiquement la machine en bloquant le robot qu'elles remettent en marche dès que éleveur entre dans l'étable, d'autres tiennent au contraire au bon déroulement du processus. C'est précisément cette autonomie des animaux que les concepteurs de machines à traire industrielles essaient de réduire en transformant leur force naturelle en une pure matière naturelle. Porcher et Schmitt en concluent que les ingénieurs agronomes et les concepteurs de machines « s'efforcent d'empêcher les vaches de travailler ». En faisant des êtres naturels un objet de travail plutôt qu’une puissance de travail, on limite leur autonomie et donc leur capacité de résistance.[](zotero://open-pdf/library/items/VBTSMZDD?page=98&annotation=86NA83GE)
> ^86NA83GEaVBTSMZDDp98
> [!accord] Page 102
> Les vaches laitières sont à la fois force de travail et objet de travail puisque c'est sur elles-mêmes, sur leurs capacités reproductives que le travail s'exerce. Le biocapitalisme met au travail les forces d’engendrement de tous les corps vivants, il se fonde sur la capacité des savoirs écologiques à augmenter « les potentiels inexploités et la puissance relationnelle du vivant[^23] ». Les vivants sont dépossédés de leur corps et de leur vitalité, enrôlés dans la logique de la valorisation.[](zotero://open-pdf/library/items/VBTSMZDD?page=98&annotation=BPHEZ92Y)
> ^BPHEZ92YaVBTSMZDDp98
> [!information] Page 104
> L'une des premières tentatives pour appliquer le concept d’aliénation aux animaux vient de la philosophe et anthropologue Barbara Noske. Selon elle, dans les conditions de la production capitaliste, les animaux sont (a) aliénés de leur corps et de leur progéniture, (b) de leurs fonctions corporelles, (c) de la société des membres de leur espèce, de possibles relations avec les humains et de leur milieu naturel, (d) de leur vie générique.[](zotero://open-pdf/library/items/VBTSMZDD?page=100&annotation=2TTZIFPJ)
>
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> ---
> #Note/Aliénation #Note/Vivant/Animaux
> ^2TTZIFPJaVBTSMZDDp100
> [!exemple] Page 104
> Par exemple, dans la production industrielle, le lait apparaît comme une force étrangère et hostile qui domine entièrement la vie de la vache[^24]. Forcée à produire le plus de lait possible, elle est soumise à une nourriture en grains spécifique, à des hormones de croissance, à des machines à traire, à d'intenses cycles d'insémination artificielle. Elle n'est pas seulement dépossédée des produits de son corps mais ces derniers se retournent contre clle au point qu'elle consomme ses propres tissus corporels pour produire du lait - ses capacités de production dépassant parfois ses capacités de métabolisation de la nourriture. Du point de vue du procès de production, sa vie est entièrement tournée vers la production de veaux pour favoriser une lactation permanente. Toute autre activité, notamment la socialisation avec d’autres membres de son espèce, les déplacements, le fourrage, la copulation, est réduite au minimum voire à néant. La vache est nourrie avec des aliments inadéquats à son système digestif mais favorisant la production de lait. Les injections d’hormone de croissance sont douloureuses et engendrent des infections chroniques, au bénéfice des entreprises pharmaceutiques qui fournissent des antibiotiques. Les processus de reproduction de sa vie générique ne lui appartiennent plus. Mais les vaches sont aussi séparées de leurs veaux, qui leur sont pris à la naissance, privées d’interactions normales avec leurs congénères et avec les taureaux. Alors que les vaches sont des animaux ayant un fort besoin de sociabilité, elles deviennent très agressives en raison du stress provoqué par le contexte de l'élevage industriel. Noske en conclut que la théorie marxienne de l'aliénation est adéquate pour penser le travail des animaux dans les conditions de la production capitaliste.[](zotero://open-pdf/library/items/VBTSMZDD?page=100&annotation=PU9Y9AM4)
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> #Note/Vivant/Animaux
> ^PU9Y9AM4aVBTSMZDDp100
> [!accord] Page 106
> Il me semble qu'on peut en revanche l'appliquer à ceux des animaux dont on peut imaginer qu'ils font l’expérience d'une débossession de leur vie générique dans la production capitaliste. Or il n'est pas nécessaire d'être fin herméneute pour identifier les signes de cette privation de monde dans certaines formes de résistance animale. [[Karl Marx|Marx]] lui-même en parlait dans Le Capital à propos du cheval de fabrique, la plus mauvaise force de travail pour les capitalistes « parce qu'un cheval n’en fait qu'à sa tête[^25] ». S'il résiste à sa mise au travail, c'est qu'il ressent l'activité qu'on lui impose comme une contrainte qui le prive d'agir comme il le voudrait. Un élément important apparaît ici. L’aliénation suppose une expérience de la dépossession, c’est-à-dire une forme de conscience - même minimale — de la privation d'autonomie. L'un des signes de cette conscience cst la résistance que suscite la mise au travail. La littérature sur les révoltes animales témoigne de nombreux cas où des animaux ont refusé de se plier aux exigences d’une rationalité économique.[](zotero://open-pdf/library/items/VBTSMZDD?page=102&annotation=JSZJVPEI)
> ^JSZJVPEIaVBTSMZDDp102
> [!accord] Page 107
> Dans ce passage, [[Karl Marx|Marx]] raille Ludwig Feuerbach ct Max Stirner qui naturalisent les contradictions socialcs, mais on pourrait au contraire y trouver les fondements d'une théorie non anthropocentrique de la domination capitaliste de la nature. Si l’essence du poisson peut être définie par son milieu et par ses relations interspécifiques, il peut certainement être dépossédé des conditions de sa propre vie en tant qu'espèce lorsque son environnement est dégradé. C'est d'ailleurs l'expérience communc des vivants humains et autres qu'humains dans le capitalisme que d’être privés des conditions de leur subsistance en tant qu'individu, espèce et communauté. Vivre dans les environnements dégradés du capitalisme tardif provoque une expérience de la souffrance liée à la dégradation des conditions écologiques de la vie générique.[](zotero://open-pdf/library/items/VBTSMZDD?page=103&annotation=NRVDG4PV)
> ^NRVDG4PVaVBTSMZDDp103
> [!accord] Page 108
> Contrairement à l’idée - qui n'est sans doute pas complètement fausse — selon laquelle la modernité aurait réduit la nature à un pur ensemble d'objets passifs, on pourrait soutenir que l'histoire écologique du capitalisme est celle d'une intensification pathologique, perturbatrice, aliénée de la productivité de la nature au nom du profit. Les entités naturelles qui ne sont pas mises au travail apparaissent alors comme des êtres superflus, elles sont la surpopulation écologique relative à l'accumulation.[](zotero://open-pdf/library/items/VBTSMZDD?page=104&annotation=FP2L95QP)
> ^FP2L95QPaVBTSMZDDp104
> [!approfondir] Page 109
> Cependant, une telle extension du concept d'aliénation à la nature en général ferait perdre l'intérêt de son application à certains animaux : ce qui nous intéresse ici, c'est la possibilité de voir dans des formes de résistance à la mise au travail une expérience plus ou moins consciente et partagée de la domination.[](zotero://open-pdf/library/items/VBTSMZDD?page=105&annotation=FM3Z9L6V)
> ^FM3Z9L6VaVBTSMZDDp105
> [!information] Page 110
> Chez la philosophe féministe Kendra Coulter, l’une des spécialistes du travail animal, les animaux sauvages effectuent un travail de subsistance tout comme les humains eux-mêmes.
> > La subsistance est le type de travail animal qui implique le moins de contacts et d'interactions directes avec les êtres humains, et personne n'a demandé ou commandité ce travail. Peu d'éléments permettent d'affirmer que ces animaux devraient être explicitement qualifiés de « travailleurs » mais ce type de travail de subsistance devrait néanmoins être reconnu comme tel: nous identifions certainement Îc travail de subsistance des personnes humaines comme un travail. Si l'on cherche à identifier l'étendue du travail effectué par les animaux, le travail de subsistance dans le monde sauvage [in the wild] devrait être reconnu ct étudié dans une certaine mesure.[^26](zotero://open-pdf/library/items/VBTSMZDD?page=106&annotation=5ITJ27I8)
>
> > [!cite] Note
> Si on évoque la question des services écosystémiques alors il faut le penser en travail et relation de domination. De ce fait cela déplace la notion d'activité de subsistance du vivant ?
>
> >[!bibliographie] Page 110
> Kendra Coulter, Animals, Work, and the Promise of fntersperies Solidarty, New York, Palgrave Macmillan, 2016, p. 60.[](zotero://open-pdf/library/items/VBTSMZDD?page=106&annotation=XAMGRLEK)
> ^XAMGRLEKaVBTSMZDDp106
>
> ---
> #Note/Travail/TravailAnimal
> ^5ITJ27I8aVBTSMZDDp106
> [!accord] Page 110
> Il me semble contradictoire de parler d’un travail sans travailleur. Il faut ou bien reconnaître que certains animaux sauvages éravañllentà produire leurs moyens d'existence et sont donc parfois des ravailleurs, ou bien admettre au contraire qu'ils effectuent des activités de subsistance qui relèvent de la reproduction de leur vie générique et qu’ils ne travaillent donc pas à l’état sauvage. C'est la thèse que défend par exemple Jocelyne Porcher, pour qui on ne peut parler de travail animal que lorsque les animaux sont engagés dans des rapports de production humains. Dans ce cas, le travail des animaux est toujours le résultat d’une mise au travail plus ou moins contrainte par des êtres humains.[](zotero://open-pdf/library/items/VBTSMZDD?page=106&annotation=B2PYSE57)
> ^B2PYSE57aVBTSMZDDp106
> [!approfondir] Page 112
> Or, si l'on peut bien trouver une répartition des tâches dans des collectifs non humains (dans la fourmilière ou dans la meute, par exemple}, celle-ci ne conduit pas à l'émergence de sphères sociales distinctes. Tandis que la division du travail est un concept critique fondé sur l'appropriation des moyens ou des fruits du travail, le partage des tâches peut être démocratique et au service de tous-tes.[](zotero://open-pdf/library/items/VBTSMZDD?page=108&annotation=PTQUZEYG)
> ^PTQUZEYGaVBTSMZDDp108
> [!accord] Page 112
> Dans la mesure où mon but est de clarifier les termes d’une critique de la mise au travail des mondes vivants par le capital, je crois qu'il vaut mieux réserver le terme de travail à l’embrigadement plus ou moins violent des animaux dans la production humaine et parler d'activités de subsistance pour les animaux des mondes sauvages.[](zotero://open-pdf/library/items/VBTSMZDD?page=108&annotation=XIISKJUJ)
> ^XIISKJUJaVBTSMZDDp108
> [!approfondir] Page 113
> La deuxième finalité de ce travail d'élucidation conceptuelle est de permettre un retour sur le travail spécifiquement humain, notamment quand il est pris dans des logiques biocapitalistes d’aliénation de ta vie générique, L'enjeu est alors de montrer la caducité de la différence anthropologique pour penser le travail. Plutôt qu'une différence anthropologique absolue, il vaut sans doute mieux étudier des différences relationnelles interspécifiques, c'està-dire des discontinuités prises dans des rapports historiques particuliers et qui émergent des relations elles-mêmes. L'animalité ou l'humanité n’appellent pas les mêmes définitions selon les relations à partir desquelles on les étudie.[](zotero://open-pdf/library/items/VBTSMZDD?page=109&annotation=Y6UJ7XDD)
> ^Y6UJ7XDDaVBTSMZDDp109
> [!accord] Page 114
> Enfin, ce programme philosophique vise à inventer de nouveaux imaginaires politiques et à éviter deux écueils des pensées contemporaines du vivant. Le premier renvoie aux théories de la libération animale qui formulent le problème de l'exploitation dans les termes d’une éthique, c'est-à-dire du type de comportement conforme à ce qui est abstraitement défini comme bien où mal#. Dans la plupart de ces travaux, les animaux apparaissent seulement comme des êtres souffrants, des victimes de l'exploitation humaine. Mais leur agentivité -- leur capacité à entrer en relation ou 6# résistance, à collaborer ou à refuser le travail - est complètement niée. Les animaux ne peuvent rien nous apprendre.[](zotero://open-pdf/library/items/VBTSMZDD?page=110&annotation=SARG985Z)
>
>
> ---
> #Note/Vivant/Animaux
> ^SARG985ZaVBTSMZDDp110
> [!approfondir] Page 115
> Le second écueil est celui que peuvent rencontrer certaines « philosophies du vivant », qui occupent une place importante dans la réflexion écologique contemporaine, notamment en contexte francophone. Celles-ci étudient souvent des vivants autres qu'humains sans étudier les causes sociales de la destruction de leur mode de vie. S'il faut évidemment favoriser la compréhension et l’épanouissement des mondes sauvages, ces approches peuvent conduire à considérer que les rapports de force politiques s'ajoutent au fondement écologique de la vie comme une superstructure contingente. Accorder une priorité épistémologique au vivant sur le politique, c'est oublier l'ensemble des forces sociales qui conditionnent nos rapports à ces vies sauvages et les menaces qui pèsent sur elles.[](zotero://open-pdf/library/items/VBTSMZDD?page=111&annotation=YH6JFBA3)
> ^YH6JFBA3aVBTSMZDDp111
> [!accord] Page 117
> D'un côté, on serait tenté de refuser l'usage du concept de travail dans la mesure où ces activités ne supposent pas l’intentionnalité des agents ni n'existent comme des moments séparés de leur existence. D’un autre côté, il paraît difficile de nier l’importance de ces activités dans la production humaine et les différences évidentes entre l'activité d’un vivant à l’état sauvage et celle d’un vivant dont les activités de subsistance sont utilisées à des fins humaines. Les lombrics et les champignons décomposeurs, les insectes pollinisateurs ou les végétaux autotrophes semblent appartenir à une même catégorie de ce point de vue-là : ce ne sont pas des travailleurs individuels mais ils peuvent être mis au travail.[](zotero://open-pdf/library/items/VBTSMZDD?page=113&annotation=D3LQV2FX)
>
>
> ---
> #Note/Travail #Note/Vivant/Animaux
> ^D3LQV2FXaVBTSMZDDp113
> [!exemple] Page 117
> A cet égard, [[Léna Balaud]] et [[Antoine Chopot]] ont raison d'affirmer dans [[Nous ne sommes pas seuls]] que les relations elles-mêmes peuvent être mises au travail. Je reprendrai un de leurs nombreux exemples, tout à fait parlant de ce point de vue : l'invention de la gamme de produits nommée Acceleron© par Monsanto Bayer. Ce sont des biostimulants, des amendements minéraux ou microbiens qui s#imulent les défenses immunitaires des plantes et augmentent leurs capacités à entrer en symbiose mycorhizienne avec les champignons du sol. Comme l’écrivent Balaud et Chopot, il s’agit donc d’une < mise au travail des interdépendances, par l'intégration des savoirs écologiques et microbiologiques qui peuvent éclairer la compréhension des conditions de la productivité ». Le capital sait utiliser des savoirs écologiques sur les relations d’engendrement du monde et les utiliser pour augmenter la productivité de la nature dans le but de faire des profits : d'un champ d'agriculture industrielle jusqu’à une centrale nucléaire, le capital met au travail la productivité des relations naturelles pour contribuer à l'accumulation de valeur.[](zotero://open-pdf/library/items/VBTSMZDD?page=113&annotation=4PNYK46Q)
> ^4PNYK46QaVBTSMZDDp113
> [!accord] Page 118
> On peut donc mettre au travail des relations et des processus, des écosystèmes et des milieux sans qu'on puisse dire qu'ils « travaillent » comme le peuvent des corps vivants doués d’une individualité et d’une intentionnalité propres. En un sens général, l’idée de « mise au travail » du vivant désignerait donc /e#rôlement de processus d'engendrement de naturalités au service d'intérêts bumains, par leur insertion dans des rapports sociaux de production. Cette définition permet de distinguer la mise au travail de la nature et les « services » innombrables que fournissent les écosystèmes sur lesquels repose la vie terrestre. Les conditions d’habitabilité de la planète sont engendrées et reproduites par de très nombreuses activités des plantes et des animaux, par des interactions bio-géophysiques. Elles assurent la possibilité de la vie et, par voie de conséquence, de toutes les formes de subsistance, humaines ct autres qu’humaines. En revanche, on peut classer les usages productifs de la nature selon deux catégories distinctes : l'appropriation de forces naturelles et la mise au travail des vivants et des écologies.[](zotero://open-pdf/library/items/VBTSMZDD?page=114&annotation=S4628L4S)
> ^S4628L4SaVBTSMZDDp114
> [!approfondir] Page 119
> L'appropriation saisit le déjà-B. Elle ne prélève pas un produit du travail mais le résultat d’un processus antérieur de la nature ou l'effet présent d'un ensemble de relations de coévolution passées. Les forces appropriées ne sont pas posées par la logique productive dans son propre procès de développement mais « trouvées » au moment où les croyances, les sciences ou les techniques constituent certaines forces naturelles en entités appropriables. À ce compte, les déforestations dans les forêts primaires amazoniennes ou l'extraction de ressources fossiles passent pour des exernples paradigmatiques du mode capitaliste d’appropriation de la nature, l'extractivisme.[](zotero://open-pdf/library/items/VBTSMZDD?page=115&annotation=VJS6BIEE)
> ^VJS6BIEEaVBTSMZDDp115
> [!information] Page 119
> La chercheuse argentine Maristeila Svampa le définit ainsi : « Dans le contexte actuel, lextractivisme doit être compris comme un modèle d'accumulation fondé sur la surexploitation de ressources naturelles en grande partie non renouvelables et sur le déplacement des frontières des territoires jusqu'alors considérés comme “improductifs”35. »[](zotero://open-pdf/library/items/VBTSMZDD?page=115&annotation=AE4GSG57)
>
>
> ---
> #Note/Extractivisme
> ^AE4GSG57aVBTSMZDDp115
> [!accord] Page 120
> L'extractivisme désigne le mode d'appropriation de la nature typiquement capitaliste. Fondé sur la rente que procure l'exploitation d’une surface ou d'un sous-sol, il se caractérise par un taux d'extraction des ressources naturelles supérieur à leur taux écologique de renouvellement. Appropriation gratuite de forces naturelles accumulées dans la biosphère par les activités d’entités non humaines ou par une histoire de coévolution (dans le cas des forêts amazoniennes par exemple), lextractivisme déplace les frontières productives. Animé par la logique infinie de la valorisation capitaliste, il ne connaît aucune limite absolue puisque tout épuisement d’une ressource dans un territoire appelle la recherche d'un nouveau milieu à exploiter. De Madère à l'Indonésie, la logique de l'extractivisme colonial a ruiné les écologies des mondes non européens, nous rappelant sans cesse que les frontières du capital ne sont pas des limites à son expansion.[](zotero://open-pdf/library/items/VBTSMZDD?page=116&annotation=VFK95MLV)
>
>
> ---
> #Note/Extractivisme
> ^VFK95MLVaVBTSMZDDp116
> [!information] Page 121
> Les « frontières-marchandises » comme les appelle [[Jason Moore|Jason W. Moore]] sont donc à la fois historiques, géographiques et écologiques. Historiques, parce que la possibilité de l'extraction est toujours relative à unc certaine situation dans des rapports de pouvoir impérialistes et capitalistes ; géographiques, parce qu’elles peuvent se déplacer d’un territoire à un autre : écologiques, enfin, car les ressources appropriées peuvent elles-mêmes varier en fonction des technologies employées à un moment donné. Avec l'extractivisme, la nature apparaît comme un stock de ressources fnertes à approprier plutôt que comme un ensemble de processus, de puissances et de relations à préserver ou à exploiter. L'appropriation humaine marque la fin des activités non humaines de coproduction de la naturalité. Mais toute appropriation de la nature n'est pas nécessairement extractiviste.[](zotero://open-pdf/library/items/VBTSMZDD?page=117&annotation=GTXNTX3A)
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>
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> #Note/Nature
> ^GTXNTX3AaVBTSMZDDp117
> [!approfondir] Page 122
> Elles le deviennent lorsqu'elles conduisent à l'épuisement systématique des ressources dont l'extractivisme capitaliste a fait sa vocation. La logique capitaliste explique pourquoi l'appropriation sociale des naturalités devient déprédatrice : son besoin de valorisation ne connaît pas de limites, elle à « la planète pour théâtres ». L'appropriation — qu'elle soit déprédatrice ou non se distingue de la fe au travail de la nature.[](zotero://open-pdf/library/items/VBTSMZDD?page=118&annotation=EFHEMRFW)
> ^EFHEMRFWaVBTSMZDDp118
> [!accord] Page 122
> Mettre la nature au travail consiste à enrôler des activités autres qu'hbumaîines ou des relations processuelles d'engendrement de naturalités dans des rapports sociaux de production humains. Cet cnrôlement de la nature dans la production humaine est l'agencement tendanciellement dominant de l'holocène depuis la révolution néolithique. L'agriculture et l'élevage en sont les formes principales, elles qui imposent aux travailleurs humains d'être d'abord des reproducteurs des conditions d'engendrement de la vie des plantes et des animaux. C'est la raison pour laquelle elles supposent et développent des capacités de soin autant que de domestication et de réphication.[](zotero://open-pdf/library/items/VBTSMZDD?page=118&annotation=QJNYCLUL)
> ^QJNYCLULaVBTSMZDDp118
> [!approfondir] Page 123
> De même que l’appropriation sociale de la nature peut être déprédatrice ou non selon qu’elle respecte les conditions de « reproduction écosociale » de la vie, de même la mise au travail peut être holocénique ou anthropocénique, soutenable ou aliénée. Je reprends à [[Anna Tsing]] l’idée qu'il existe différents modes d'existence de la nature selon le type de relation que les sociétés humaines entretiennent avec elle.[](zotero://open-pdf/library/items/VBTSMZDD?page=119&annotation=ALVRCKGS)
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> #Note/Nature
> ^ALVRCKGSaVBTSMZDDp119
> [!information] Page 124
> Je me fonde ici sur la distinction élaborée par [[Karl Marx|Marx]] dans un chapitre inédit du Capital concernant les « modes de subsomption du travail par le capital ». La subsomption formelle désigne l'intégration d’un procès de travail préexistant à la sphère de la valorisation marchande. On peut dire de cette forme de subsomption du travail qu'elle est capitaliste dans la mesure où elle intègre le produit du travail à un marché orienté vers le profit. Mais cette insertion dans le marché capitaliste ne modifie pas le procès de travail lui-même. L'exemple privilégié de [[Karl Marx|Marx]] est le puiting-out system des entreprises cotonnières anglaises : les capitalistes confiaient du coton à filer à des travailicuses à domicile dispersées sans rien changer à leur pratique de travail, bien que le coton filé soit destiné à être vendu sur le marché mondial et non plus consommé dans la maisonnée ou par la communauté. La subsomption réelle du travail par le capital implique une transformation du procès de travait lui-même par les capitalistes, qui organisent la production soit en réunissant tous les ouvriers et ouvrières dans la même usine soit en mobilisant des forces productives (machine à vapeur) ou une division technique du travail (taylorisme). Pour [[Karl Marx|Marx]], la subsomption réelle est la forme spécifiquement capitaliste de l'organisation du procès de production.[](zotero://open-pdf/library/items/VBTSMZDD?page=120&annotation=QY7KB8CT)
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> #Note/Marxisme
> ^QY7KB8CTaVBTSMZDDp120
> [!approfondir] Page 125
> Suivant une intuition de l'historien de l'environnement [[Andreas Malm]], je propose d'appliquer cette théorie de la subsomption du travail à la nature ellemême pour penser les modes spécifiquement capitalistes de domination écologique. À propos de la déforestation coloniale de la Dominique, Malm fait le constat suivant : « Mais la subsomption n’est peutêtre pas la catégorie appropriée ici. La terre de la Dominique n'a pas réellement été subsumée par le capital - elle n'a pas été intégrée au processus d'accumulation, comme la plantation l'a été; elle n'a pas vu ses ressources détournées et réorganisées pour le profit; elle n'a pas été domestiquée : elle a tout simplement été détruites. » L'appropriation et la mise au travail n'épuisent pas les relations capitalistes à la nature. Le capital procède aussi par la destruction brutale, la politique du choc écologique. Cette politique de la nature par la guerre n'est pas propre au capitalisme, on la retrouve dans les pratiques de la terre brûlée ou l'extermination de certains animaux nécessaires à la subsistance de communautés ennemies en des périodes très éloignées du capitalisme. C’est un mode politique de domination sociale par la médiation d’une domination de la nature. La subsomption de la nature par le capital renvoie quant à elle à l'idée que les écologies sont « détournées et réorganisées pour le profit ».[](zotero://open-pdf/library/items/VBTSMZDD?page=121&annotation=G6K5J56Q)
> >[!cite] Note
> Cf l'exemple du charançon de Ferdinand ?
> ^G6K5J56QaVBTSMZDDp121
> [!exemple] Page 126
> La subsomption formelle de la nature par le capital désigne l'enrôlement direct de la productivité des relations non humaines sans modification de leur processus naturel. Pour reprendre encore un exemple à Balaud et Chopot*, lorsqu'un agriculteur épand des déjections animales riches en nitrates qui polluent les cours d’eau, il intègre les zones humides et leurs habitants à son économie et transforme ainsi tout un écosystème en une « usine de recyclage ». En d'autres termes, il utilise des relations écologiques pour se débarrasser d’externalités négatives qui seront traitées par des écosystèmes. Le prélèvement ponctuel de ressources forestières dans des forêts qui ne sont pas entièrement dédiées à l'exploitation pourrait fournir un autre exemple de cette mise au travail du vivant.[](zotero://open-pdf/library/items/VBTSMZDD?page=122&annotation=3VGHV6BI)
> ^3VGHV6BIaVBTSMZDDp122
> [!exemple] Page 127
> La subsomption réelle de la nature par le capital désigne la transformation des processus d’engendrement de la naturalité eux-mêmes. Les plantations coloniales dont j'ai déjà parlé dans le premier chapitre relèveraient de cette forme-là. La réplication à l'identique des mêmes plants et des mêmes semences, reproduits partout sur la planète, hors des écosystèmes qui les ont vus naître témoigne de cette subsomption réelle. Les processus naturels sont eux-mêmes modifiés. On voit bien qu'une plantation de canne à sucre qui s'accompagne de gigantesques déforestations ou une usine de production de viande implique une transformation profonde des processus naturels eux-mêmes. Une vache à laquelle on donne à manger des graines pour produire du lait en permanence grâce à des injections hormonales ou des poules dont on attend qu'elles pondent tous les jours sont soumises à cette subsomption réelle de la vie par le capital.[](zotero://open-pdf/library/items/VBTSMZDD?page=123&annotation=XCN5HTM2)
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> #Note/Marxisme
> ^XCN5HTM2aVBTSMZDDp123
> [!approfondir] Page 127
> Je propose d'utiliser la catégorie de suhsomption totale de la vie pour désigner l'étape caractéristique du biocapitalisme contemporain. La modification génétique du vivant ouvre une nouvelle ère dans la subsomption de la nature. À certains égards, il ne s'agit que d’une accentuation des formes anciennes. Mais la modification de la vie à l'échelle de l'ADN pour la rendre plus productive marque aussi une rupture historique dans les formes de l’appropriation. Bien que la subsomption totale façonne aussi les paysages, elle échappe à la perception sensible.[](zotero://open-pdf/library/items/VBTSMZDD?page=123&annotation=DBV2PQNN)
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> #Note/Marxisme
> ^DBV2PQNNaVBTSMZDDp123
> [!accord] Page 128
> Mais les modifications ont eu lieu à une échelle microscopique avant d'être généralisées à l'échelle du paysage. Or, ce devenir infinitésimal de la subsomption des processus de vie a deux implications importantes. La première, c’est qu'elle suppose des appareillages techniques et des savoirs scientifiques extrêmement poussés, une division sociale et technique du travaïl dont seuls de gigantesques entreprises biotechnologiques ont désormais les moyens. La seconde, c’est que le développement des biotechnologies végétales et animales n’a d’intérêt économique qu'à condition de rapporter une rente aux entreprises qui les ont « inventées ». C’est donc en grande partie parce qu'il existe des droits de la propriété intellectuelle qui garantissent des brevets ou des certifications que le capital se lance dans leur développement.[](zotero://open-pdf/library/items/VBTSMZDD?page=124&annotation=SFFEJ84I)
> ^SFFEJ84IaVBTSMZDDp124
> [!approfondir] Page 129
> Je reprends aux chercheuses féministes Kendra Coulter et Stefania Barca# l'idée que la « reproduction écosociale » de la vie est le critère pertinent pour distinguer les pratiques écocidaires et les pratiques soutenables. Les relations qui assurent la régénération des écosystèmes et des corps sont soutenables tandis que celles qui ne la permettent pas sont écocidaires. Les pratiques qui favorisent l'entretien des communautés deviennent ainsi plus importantes que les activités purement productives. Cette idée m'a permis de développer une classification des usages productifs qui distingue des modes de socialisation capitalistes et non capitalistes de la nature. Mode spécifiquement capitaliste d’appropriation, l’extractivisme fournit les ressources nécessaires à la production. Par-delà l'accaparement de la nature, le capital met les natures au travail sclon différentes modalités de subsomption.[](zotero://open-pdf/library/items/VBTSMZDD?page=125&annotation=P4E6ISSA)
>
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> ---
> #Note/Nature #Note/TravailReproductif
> ^P4E6ISSAaVBTSMZDDp125
> [!accord] Page 131
> Le capital s'approprie des ressources qui privent les milieux de leur capacité de régénération et de subsistance. Mais seuls quelques êtres vivants peuvent faire l'expérience d’un travail aliéné. Le travail — toujours déterminé par une organisation sociale — désigne un type d'activité qui nécessite unc certaine forme d'individualité, individualité qui commence avec un corps propre disposant d’une intentionnalité suffisante pour refuser sa mise au travail, à des degrés divers. La mise au travail de la nature en général correspond davantage à une logique d'appropriation où d'exploitation capitaliste qu'à une véritable afénation. Élaborer une théorie écologique du capitalisme à partir de la mise au travail répondait donc à un double objectif : clarifier les concepts employés pour penser nos rapports aux mondes vivants et cartographier les résistances autres qu'humaines à la domination du capital,[](zotero://open-pdf/library/items/VBTSMZDD?page=127&annotation=HU7RPK4P)
> ^HU7RPK4PaVBTSMZDDp127
# Prolétariat des vivants et contre-pouvoirs écologiques
Gréve, communs et décroissance
> [!accord] Page 135
> Produire des marchandises pour accumuler du profit, telle est la cause fondamentale de la crise écologique contemporaine. C'est par la vente de marchandises que peut être réalisée la finalité ultime de ce système économique : Faccumulation d’une plus grande quantité de capital par les détenteurs de capitaux.[](zotero://open-pdf/library/items/VBTSMZDD?page=131&annotation=5L8TYCU9)
>
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> #Note/Capitalisme
> ^5L8TYCU9aVBTSMZDDp131
> [!information] Page 136
> Dans « l’antre secret de la production! », Les travailleur-ses activent leur puissance vitale cn dépensant une énergic physique, des capacités psychologiques et cognitives qui produisent des réalités nouvelles adaptées à des besoins sociaux. Le travail concret engage des habiletés, des savoir-faire et une force propre aux types de biens qu'il entend produire. Cette capacité du travail à engendrer des réalités nouvelles est la condition de possibilité de l'accumulation capitaliste.[](zotero://open-pdf/library/items/VBTSMZDD?page=132&annotation=U594P84X)
>
>
> ---
> #Note/Capitalisme #Note/Travail
> ^U594P84XaVBTSMZDDp132
> [!information] Page 136
> Mais, pour que du profif se dégage, encore faut-il que la valeur produite par les travailleur.ses ne soit pas intégralement rémunérée par le capital. Pour les uns, l'exploitation passe par la vente de la force de travail contre un salaire. Pour les autres (femmes, esclaves, natures), elle passe par une appropriation gratuite de travail non payé. Pas de profit sans exploitation du travail salarié ni sans dépossession des produits des activités humaines et autres qu'humaines d'engendrement du monde.[](zotero://open-pdf/library/items/VBTSMZDD?page=132&annotation=ZMMU2KU4)
>
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> #Note/Capitalisme
> ^ZMMU2KU4aVBTSMZDDp132
> [!approfondir] Page 137
> Comme l'écrit [[Andreas Malm]], « pour chaque circuit consécutif de production, le capital devra s'approprier de plus grandes parts de la nature, toutes choses restant égales par ailleurs ». À chaque période de production, la reproduction élargie du capital suppose donc que soient « retirées plus de ressources biophysiques? » que dans la période précédente. Pour produire plus de bâtiments, par exemple, il faut utiliser de nouvelles matières premières qui supposent une extraction toujours plus massive de ressources naturelles. Mais il en va de même pour la plupart des productions, qu'elles soient matérielles ou « immatérielles ».[](zotero://open-pdf/library/items/VBTSMZDD?page=133&annotation=7C4YT9PS)
>
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> #Note/Capitalisme
> ^7C4YT9PSaVBTSMZDDp133
> [!information] Page 138
> Cela est vrai pour la production industrielle mais aussi pour ta production agricole capitaliste, qui consomme une quantité importante d'énergies fossiles. L'agriculture intensive consomme plus d'énergie qu'elle n’en produits,[](zotero://open-pdf/library/items/VBTSMZDD?page=134&annotation=GSXKR2J2)
>
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> #Note/Capitalisme #Note/Agriculture
> ^GSXKR2J2aVBTSMZDDp134
> [!bibliographie] Page 138
> [[Joan Martinez Alier|Joan Martinez-Alier]], « The EROI of Agriculture and its Use by the Via Campesina », The Fournal of Peasant Studies, vol. 38,n° 1, 2011, P. 145-160,[](zotero://open-pdf/library/items/VBTSMZDD?page=134&annotation=MGMPT6JN)
> ^MGMPT6JNaVBTSMZDDp134
> [!bibliographie] Page 139
> Stefania Barcaet Emanuele Leonardi, « Écologie ouvrière et politique syndicale », Les Mondes du travail, n° 29, 2023, p.167.[](zotero://open-pdf/library/items/VBTSMZDD?page=135&annotation=7ZZNPHM5)
> ^7ZZNPHM5aVBTSMZDDp135
> [!information] Page 141
> Tarente est une ville de 200000 habitant-es possédant unc gigantesque usine sidérurgique s'étendant sur 1 500 hectares et employant plus de 10 000 salariées. Cette activité industrielle, source de nombreuses pollutions (dioxyde d'azote, dioxyde de soufre, benzène), affecte la santé des travailleur-ses et des communautés habitantes. Comme le remarquent Barca et Leonardi, « Tarente représente un type spécifique d'“écologic ouvrière”t ».[](zotero://open-pdf/library/items/VBTSMZDD?page=137&annotation=96T2548H)
> ^96T2548HaVBTSMZDDp137
> [!information] Page 141
> Suivant une distinction courante en anglais, ils distinguent « l'écologie ouvrière » de « l'environnementalisme de la classe ouvrière ». La première renvoie au type d'interaction entre les corps des travailleur-ses et les milieux au sein desquels ils évoluent. Les circulations de substances polluantes entre les licux de production et les organismes des communautés ouvrières au sens large constituent la trame des relations entre les humains et leur environnement dans des contextes de travail. Ces échanges témoignent de la porosité du corps humain et de son inscription dans un cnvironnement productif global. Le terme « écologie ouvrière » n'a donc pas un sens politique mais un sens descriptif, consistant à penser les interactions entre des organismes vivants et des environnements sociaux et naturels. L'écologie ouvrière se déploie dans un écosystème industrialisé. Les travailleur-ses productif.ves et reproductif.ves sont au cœur du métabolisme social, c'est-à-dire des relations de matières et d'énergie entre les sociétés et les milieux naturels. L’« environnementalisme de la classe ouvrière » désigne quant à lui l'agenda politique des communautés de travail qui luttent pour vivre dans des environnements moins pollués, plus adéquats à la santé des vivants qui les peuplent.[](zotero://open-pdf/library/items/VBTSMZDD?page=137&annotation=QJNCSXXT)
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> #Note/ÉcologieOuvrière
> ^QJNCSXXTaVBTSMZDDp137
> [!information] Page 143
> S'est ajoutée à cela une division sexuelle du travail, où les ouvriers, principalement des hommes, devaient fournir les moyens financiers de la reproduction sociale de la famille dont les tâches domestiques étaient principalement cffectuées par des femmes. Le coût social et écologique d’une production industrielle très polluante devait être compensé par les emplois fournis, donc par le salaire qu'ils offraient. La classe ouvrière faisait face à une situation que les chercheur-ses en exvironmental labour studies ont depuis longtemps étudié comme un « chantage à l'emploi’ ».[](zotero://open-pdf/library/items/VBTSMZDD?page=139&annotation=4DKRWEYS)
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> #Note/EnvironmentalLabourStudies
> ^4DKRWEYSaVBTSMZDDp139
> [!information] Page 144
> a abouti à la condamnation de l'entreprise ILVA en 2072, le tribunal déclarant que la direction de l’entreprise s'était rendue « coupable de catastrophe environnementale et de santé publique et ordonnant la fermeturc de la plupart des fours de Faciéric? ». La décision n'a pas été intégralement appliquée mais elle a modifié les rapports de force au sein de la ville. Tandis que les confédérations syndicales sont largement restées sur la ligne d'une défense de l'emploi en développant des activités plus vertes, un syndicalisme de base et un syndicalisme communautaire ont émergé qui ont fait alliance avec les communautés habitantes et déferdu unc revalorisation du travail reproductif nécessaire à un métabolisme social non aliéné, Cette lutte est donc caractéristique de l’environnementalisme des travailleur-ses : elle lie les combats pour de meïlleures conditions de travail à des revendications de justice environnementale. L'alliance des travailleur-ses et des communautés habitantes compose une lutte contre les pollutions et les inégalités d'exposition. Enfin, elle accorde une place essentielle au travail reproductif des femmes qui assurent la subsistance de la communauté ouvrière.[](zotero://open-pdf/library/items/VBTSMZDD?page=140&annotation=HRF9CBK4)
>
>
> ---
> #Note/ÉcologiePolitique #Note/Syndicalisme
> ^HRF9CBK4aVBTSMZDDp140
> [!information] Page 145
> Le syndicalisme social ou communautaire incarné à Tarente par le Comité de citoyen-nes et de travailleur.ses libres et réfléchi-es (Comitato Cittadini e Lavoratori Liberi e Pensanti [CCLLP]} touche une population plus large que les confédérations traditionnelles. D'une part, il intègre les précaires, les étudiantes, les intérimaires, des citoyen-nes engagé-es et les communautés qui dépendent du travail rémunéré à l'usine. D'autre part, il établit des ponts entre les luttes ouvrières centrées sur les lieux de production ct les combats pour de meilleures conditions de vie touchant à la reproduction.[](zotero://open-pdf/library/items/VBTSMZDD?page=141&annotation=KILK3FQH)
> ^KILK3FQHaVBTSMZDDp141
> [!accord] Page 146
> Jusqu'ici, les mouvements environnementalistes ont rarement pris en compte les conditions de travail, pourtant au cœur du métabolisme social et des destructions environnementales. Cela tient sans doute aux contradictions socioécologiques inhérentes aux mondes du travail dans le capitalisme.[](zotero://open-pdf/library/items/VBTSMZDD?page=142&annotation=QNL7APZR)
> ^QNL7APZRaVBTSMZDDp142
> [!information] Page 147
> Dans les forêts du nord-ouest des États-Unis, les syndicats de bûcherons et de forestiers commencèrent à réclamer des politiques environnementales et sociales dès le début du XXe siècle. À partir de 1907, les forestiers se syndiquèrent au sein de l’Industrial Workers of the World et menèrent une série de grèves pour l'amélioration des conditions de travail et de la gestion des forêts. Dans les camps de bûcherons, la vie était réduite à l'exécution d’un travail intense dans des situations sanitaires déplorables : une nourriture infecte et la moins chère possible, de nombreux accidents du travail, des maladies liées à la présence de vermine et aux activités effectuées sans protection contre le bruit ou le froid. Visités par les responsables fédéraux de l'hygiène, les camps étaient jugés insalubres. La constitution du syndicat International Woodworkers of America, en 1935, marqua un tournant dans les luttes des forestiers pour l’environnement.[](zotero://open-pdf/library/items/VBTSMZDD?page=143&annotation=8DRWSWJK)
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> #Note/ÉcologieProlétaire #Note/Syndicalisme
> ^8DRWSWJKaVBTSMZDDp143
> [!accord] Page 148
> Dès son origine, l'organisation inscrivit la planification des ressources naturelles à son agenda politique. En 1938, Don Hamerquist, un bücheron syndiqué, écrivait dans le journal du syndicat, 7he Timber Workers, que « les travailleurs doivent se battre durement pour la conservation et la reforestation avant que l’État ne ressemble au désert de Gobi ». Il concluait que les capitalistes du bois devraient être poursuivis pour « conspiration contre la postérité! ». Le syndicat combattait ainsi l'exploitation conjointe de la nature et des travailleur-ses : la lutte pour une conservation réelle des forêts, pour des récoltes durables, des reforestations, la prévention des feux et la gestion des ressources en eau se combinait chez lui avec une défense du syndicalisme, une augmentation des salaires et de meilleures conditions de travail.[](zotero://open-pdf/library/items/VBTSMZDD?page=144&annotation=IER9QM3F)
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>
> ---
> #Note/ÉcologieProlétaire #Note/Syndicalisme
> ^IER9QM3FaVBTSMZDDp144
> [!accord] Page 148
> I] n'est pas anodin que des préoccupations environnementales au sein du monde du travail soient apparues dans des contextes forestiers, en relation étroite avec des écosystèmes complexes. Mais elles témoignent aussi du fait qu'il existe depuis longtemps une compréhension globale des rapports entre des conditions de travail dégradées et des environnements saccagés. Cependant, les luttes des travailleurs des forêts expriment une contradiction entre la croissance de l’emploi et la préservation de la biosphère, contradiction structurante pour une écologie du prolétariat.[](zotero://open-pdf/library/items/VBTSMZDD?page=144&annotation=B6A9IADA)
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> #Note/ÉcologieProlétaire
> ^B6A9IADAaVBTSMZDDp144
> [!accord] Page 149
> Les travailleur-ses et les personnes qui dépendent de leur revenu font face à un dilemme : défendre la réduction de la production ou bien défendre leur salaire. Idéologie du capital, cette alternative entre protection de la planète et préservation des conditions salariales ne relève pourtant pas d’une simple stratégie de diversion. Elle vise à constituer un bloc hégémonique transclasse où les travailieur-ses et les capitalistes font face à un mouvement écologiste décroissant qui s’opposerait à leur intérêt commun, la poursuite illimitée de la production. Idéologique, elle l'est encore puisqu'elle nie la possibilité d'une diminution de la production sans réduction du salaire ou du nombre d'emplois. Or, on peut très bien réduire le temps de travail et donc le volume de la production (toutes choses restant égales par ailleurs) sans toucher aux salaires ou aux emplois. Ce sont les profits qui en seraient réduits, non les revenus du travail. Pourtant, ce chantage à l'emploi dévoile également la position structurellement contradictoire des travailleur-ses dans les luttes écologistes.[](zotero://open-pdf/library/items/VBTSMZDD?page=145&annotation=KFN43T88)
>
>
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> #Note/Capitalisme #Note/Croissance
> ^KFN43T88aVBTSMZDDp145
> [!accord] Page 150
> L'exploitation du travail et l'écocide sont tous les deux liés à la logique capitaliste d'accumulation de valeur, qui cherche à augmenter les profits par l’accroissement de la production de marchandises. À cet égard, une politique de transition doit nécessairement s'attaquer aux deux faces du Janus que constitue le productivisme capitaliste. La production ne doit donc pas seulement être décarbonée mais clle doit décroître. Aucune transition écologique n’est possible sans décroissance. Prélever moins de ressources, émettre moins de pollution et de déchets n'est pas compatible avec une augmentation de la production, Contrairement à ce que pose le programme officiel de « transition juste » portée par des syndicats et des organisations internationales, il ne suffit pas de créer des « emplois verts », c'est-à-dire des emplois dans des secteurs d'activité moins émetteurs de CO: pour amorcer une bifurcation écologique. Construire des voitures électriques avec des batteries au lithium suppose toujours d'exploiter le travail salarié et de saccager des environnements naturels pour prélever des ressources.[](zotero://open-pdf/library/items/VBTSMZDD?page=146&annotation=ZHSWETFG)
>
>
> ---
> #Note/Décroissance #Note/Productivisme
> ^ZHSWETFGaVBTSMZDDp146
> [!information] Page 151
> L'expression apparaît pour la première fois en 1995 lorsque deux syndicalistes américains, Les Leopold et Brian Kohler, demandent la constitution d'un fonds économique pour les travailleur:ses des secteurs qui doivent être démantelés pour assurer la transition: Nous proposons qu'un fonds spécial soit établi; un fonds spécial pour la transition juste que nous avons appelé dans le passé un superfonpdousr les travailleurs. Pour l'essentiel, ce fonds fournira les prestations suivantes : un salaire complet ct des avantages sociaux jusqu'à ce que le travailleur prenne sa retraite ou qu'il trouve un emploi comparable ; deuxièmement, des allocations pour frais de scolarité pendant quatre ans au maximum pour fréquenter des écoles professionnelles ou des établissements d’enscignement supérieur, ainsi qu'un revenu complet pendant les études ; troisièmement, des allocations ou des subventions post-éducation si aucun emploi à un salaire compatable n'est disponible après l'obtention du diplôme : et quatrièmement, une aide à la réinstallation”.[](zotero://open-pdf/library/items/VBTSMZDD?page=147&annotation=L8A2NDV2)
> >[!cite] Note
> Transition Juste
>
>
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> #Note/Syndicalisme
> ^L8A2NDV2aVBTSMZDDp147
> [!information] Page 153
> Ils envisagent la création d'un fonds fédéral pour leur assurer des conditions de vie au moins équivalentes à celles qu'ils avaient lorsqu'ils occupaient leur emploi. Ce fonds monétaire devrait aussi leur permettre d'acquérir de nouveaux savoir-faire. L'idée est d’autant plus remarquable que Kohler et Leopold l'ont simplement « transposée » de la protection de l’environnement à la protection du travail. En effet, au début des années 1990, le gouvernement fédéral américain a constitué un fonds pour la dépollution environnementale des sites industriels. S'il cst nécessaire de financer la dépollution des écosystèmes industriels, il l'est tout autant d'assurer aux travailleur-ses des moyens de vivre, Cettc analogie entre dépollution environnementale et transition écologique s'enracine dans les luttes des années 1970.[](zotero://open-pdf/library/items/VBTSMZDD?page=149&annotation=R9KC33PJ)
>
>
> ---
> #Note/Syndicalisme #Note/TransitionÉcologique
> ^R9KC33PJaVBTSMZDDp149
> [!information] Page 153
> En 1973, Mazzocchi avait participé à l'organisation des premières grèves pour l'environnement et la santé au travail dans les raffineries Shell. L'un des slogans du mouvement, « Our lives are af stake. Workers fight for bealth and safety » (« Nos vies sont en jeu. Les travailleurs luttent pour la santé et la sécurité »), indiquait la tentative d'articuler santé et sécurité au travail, conditions salariales et durée de travail, préservation de l'environnement par la reconversion des filières toxiques.[](zotero://open-pdf/library/items/VBTSMZDD?page=149&annotation=H8UMFV4X)
>
>
> ---
> #Note/Environment #Note/Grève
> ^H8UMFV4XaVBTSMZDDp149
> [!accord] Page 154
> Dans un contexte de décroissance économique, qui est le seul compatible avec une véritable transition, on voit mal comment résoudre ce dilemme entre l'emploi salarié comme condition de subsistance (fondé sur la croissance économique) et la préservation des conditions d’habitabilité de la planète. Une écologie de classe impose au contraire une décroissance de la production globale ct une augmentation des läches liées à la reproduction écosociale des mondes vivants.[](zotero://open-pdf/library/items/VBTSMZDD?page=150&annotation=J7JRXVTM)
> ^J7JRXVTMaVBTSMZDDp150
> [!accord] Page 154
> Du point de vuc d’une écologie de classe, la principale contradiction à laquelle font face les travailleur-ses provient de leur dépendance au salaire, condition de leur subsistance. La dépendance salariale est immédiatement double : d’un côté, elle s'exprime dans la nécessité d'obtenir un emploi rémunéré; d'un autre côté, la subsistance dépend de la capacité à acheter des marchandises. Vonder la subsistance sur le salaire implique donc une dépendance au marché de l'emploi et au marché de la consommation. Vendre sa force de travail et acheter des moyens de consommation apparaissent comme les conditions fondamentales de la reproduction individuelle en régime capitaliste,[](zotero://open-pdf/library/items/VBTSMZDD?page=150&annotation=26WUQVMS)
>
>
> ---
> #Note/Capitalisme #Note/Subsistance
> ^26WUQVMSaVBTSMZDDp150
> [!accord] Page 155
> Unc écologie des travailleur.ses doit donc arracher la subsistance au salaire, c’est-à-dire arracher la reproduction sociale à la production capitaliste responsable de l'exploitation et de l'écocide.[](zotero://open-pdf/library/items/VBTSMZDD?page=151&annotation=GVCSEVDW)
> >[!cite] Note
> Important
>
>
> ---
> #Note/Subsistance
> ^GVCSEVDWaVBTSMZDDp151
> [!accord] Page 155
> D'un point de vue économique, cette stratégie implique une décroissance de la production et la transformation radicale de l'organisation du travail. C’est pour penser ce double objectif que le philosophe Kôhei Saitô défend le projet d’un « communisme de la décroissance ». Dans [[Karl Marx|Marx]] in tbe Anthropocene, il montre qu'une répartition plus égalitaire des moyens de production ne suffit pas à éviter des catastrophes environnementales. Dans la mesure où la vitalité de la biosphère répond à des équilibres précaires, elle est menacée par l'augmentation illimitée de la demande sociale”. Selon lui, un communisme de la décroissance augmente les chances de « réparer » le métabolisme socio-écologique.[](zotero://open-pdf/library/items/VBTSMZDD?page=151&annotation=V26IQ3ID)
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> #Note/Décroissance
> ^V26IQ3IDaVBTSMZDDp151
> [!information] Page 156
> Tandis que le capitalisme ne produit des valeurs d'usage que pour vendre des marchandises, le communisme de la décroissance cherche à se concentrer sur les biens nécessaires à la reproduction sociale. Dans le mode de production actuel, des marchandises ayant une forte valeur d'échange — les voitures de luxe, la mode éphémère et l’industrie de la viande par exemple - sont produites en masse quelies que soient leurs conséquences sur les vies humaines et les milieux naturels. En revanche, des secteurs utiles mais générant peu de profit, comme l'éducation, la santé, la culture ou les transports publics, sont délaissés. Un communisme de la décroissance conduit donc à une réallocation des ressources vers les travaux écosocialement utiles plutôt que vers la production de marchandises à forte valeur d'échange. Les tâches liées à ces secteurs essentiels sont intensifs en main-d'œuvre car le travail de subsistance n'est pas complètement réalisable par des machines, qui, lorsqu'elles sont introduites, n'augmentent la productivité que dans une certaine mesure.[](zotero://open-pdf/library/items/VBTSMZDD?page=152&annotation=VCFTTE4M)
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> #Note/Décroissance
> ^VCFTTE4MaVBTSMZDDp152
> [!accord] Page 158
> Mais comme le note Saitô, cette « manière de réduire les heures de travail est incompatible avec les principes de la recherche du profit et de la croissance économique ». Le communisme de la décroissance défend en réalité une politique de réappropriation collective des moyens de subsistance, à commencer par la terre, fondée sur une critique en acte du productivisme. Cela suppose de développer de nouvelles formes de propriété de l'appareil productif (les coopératives, par exemple) et de nouveaux usages de la nature (par le développement des communs). L'abolition de la propriété privée est aussi la condition d’une extension des politiques de préservation des mondes sauvages ct des vivants qui les habitent. Sans quoi tous les milieux auront à subir l'injonction capitaliste à la rentabilité.[](zotero://open-pdf/library/items/VBTSMZDD?page=154&annotation=X5JYFLEN)
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> #Note/Communs #Note/Décroissance
> ^X5JYFLENaVBTSMZDDp154
> [!accord] Page 158
> l'émancipation du travail ne passerait pas par le développement de l’automatisation et la poursuite de la croissance mais par la suppression de la division du travail. Celle-ci conduit à la séparation de l’activité en tâches aliénantes qui perdent tout intérêt pour les travailleur.ses qui les réalisent, La rotation des activités pénibles ou désagréables de manière égalitaire au sein de la société conduirait au contraire à un ralentissement tout à fait bienvenu de la production.[](zotero://open-pdf/library/items/VBTSMZDD?page=154&annotation=DT9JA6H5)
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> #Note/Travail
> ^DT9JA6H5aVBTSMZDDp154
> [!accord] Page 158
> Dans des secteurs où il est souhaitable de limiter au minimum l'emploi des machines, comme dans l'agriculture, la fin de la division du travail pourrait correspondre avec une augmentation très forte du nombre de paysan-nes où de personnes travaillant provisoirement aux activités agricoles. En France, l'[[Atelier paysan]] et le Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement s'accordent sur l’idée qu'un million de paysannes seraient nécessaires à la mise en place d'une agriculture écologique et durable - c'est-à-dire sans intrants chimiques et sans machines".[](zotero://open-pdf/library/items/VBTSMZDD?page=154&annotation=F99AVCLY)
>
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> #Note/Travail #Note/Agriculture
> ^F99AVCLYaVBTSMZDDp154
> [!accord] Page 160
> le communisme de la décroissance exige l'abolition de la division entre travail intellectuel et travail manuel, c’est-à-dire entre le commandement et l'exécution. Cette séparation structurelle du capitalisme empêche toute forme de démocratie au travail”? et toute décision collective sur l'orientation de la production. "Tant que l’organisation du travail sera aux mains de ceux qui accumulent des profits, une planification de la décroissance paraîtra impossible. À l'inverse, l'abolition de la division entre travail intellectuel et travail manuel, c’est-à-dire entre dirigeants ct exécutants, est un objectif démocratique qui ouvre la possibilité d’une réorientation de lappareil productif.[](zotero://open-pdf/library/items/VBTSMZDD?page=156&annotation=XKHET3LX)
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> #Note/Décroissance #Note/TravailIntellectuel #Note/TravailManuel
> ^XKHET3LXaVBTSMZDDp156
> [!accord] Page 161
> Cependant, il ne faut pas idéaliser ces formes d'alternatives coopérativistes qui, lorsqu'elles sont dépendantes du marché, sont toujours menacées de développer des pratiques capitalistes pour résister à la concurrence.[](zotero://open-pdf/library/items/VBTSMZDD?page=157&annotation=8E92W56P)
> ^8E92W56PaVBTSMZDDp157
> [!approfondir] Page 162
> Dans Climate Change as Class War, le géographe Matt Huber étudie le rapport entre lutte des classes et changement climatique. Il propose une analyse tout à fait convaincante de la centralité du travail dans la crise écologique maïs une analyse plus contestable des thèses de la décroissance. Selon lui, une écologie de classe embraye sur les intérêts matériels des travailleur-ses plutôt que sur l'expérience subie du changement climatique. En d’autres termes, il n'est pas nécessaire d’éprouver les effets de la crise environnementale pour développer une conscience écologique de classe. La politisation écologique des travailleur.ses passe par une compréhension claire de leur dépendance à la monnaie et au marché. Pour le plus grand nombre, la précarité et l'insécurité sociales sont d'abord l'effet de cette dépendance. Or, cette marchandisation de la vie est l'effet d'une séparation d'avec les conditions naturelles et sociales de la subsistance. Huber suit donc la thèse marxienne de l'accumulation primitive, selon laquelle le prolétariat se constitue historiquement par une dépossession des conditions matérielles de la reproduction sociale.[](zotero://open-pdf/library/items/VBTSMZDD?page=158&annotation=S867SFFA)
> ^S867SFFAaVBTSMZDDp158
> [!accord] Page 163
> Le salariat reproduit en permanence cet acte inaugural en privant les individus des moyens socio-écologiques de satisfaire leurs besoins sans passer par le marché?, Il redéfinit donc le prolétariat comme le groupe de celles et ceux qui sont privés de leurs moyens de subsistance. Les travailleur-ses en composent la majorité, non la totalité. L'ensemble des personnes dépossédées de leurs conditions de reproduction en font aussi partie, allocataires, intermittent-es, précaires et peuples privés de leur terre.[](zotero://open-pdf/library/items/VBTSMZDD?page=159&annotation=S75U69T2)
>
>
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> #Note/Prolétaire #Note/Subsistance
> ^S75U69T2aVBTSMZDDp159
> [!approfondir] Page 163
> Voilà donc in fine la thèse de Huber : la politisation des intérêts matériels de classe est le fondement d'une écologie prolétarienne. Elle passe par une lutte contre la dépendance au salaire et confère aux travailleur-ses une position stratégique dans la transition écologique, dans la mesure où seul le blocage de la production, c'est-à-dire des lieux de travail, peut permettre de construire un rapport de force en faveur du prolétariat et de la biosphère.[](zotero://open-pdf/library/items/VBTSMZDD?page=159&annotation=JFM7TSYU)
>
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> #Note/ÉcologieProlétaire
> ^JFM7TSYUaVBTSMZDDp159
> [!accord] Page 164
> Ce dernier regroupe les tendances d'une classe urbaine éduquée, dotée d’une conscience aiguë du changement climatique et d'une certaine culpabilité environnementale, à changer ses comportements individuels. Cette politique du style de vie nécessite un fort pouvoir d'achat, c'est-à-dire une dépendance supportable au marché. Modification individuelle des habitudes de consommation, elle s'étend parfois à une critique abstraite du « système » sans remettre en cause la structure de classe de la production capitaliste. Elle est le fait d'une « classe professionnelle » qui « possède des diplômes, des compétences autorisées et des qualifications sur le marché du travail: » et qui constituerait, selon Iluber, la masse des militants écologistes des villes des Nords. Scientifiques, journalistes et étudiant-es en composeraient le corps principal. L'accumulation de compétences leur donne un avantage pour s'assurer des conditions de vie décentes et donc soulager la précarité que provoque la dépendance au marché.[](zotero://open-pdf/library/items/VBTSMZDD?page=160&annotation=ZBGLJT3D)
>
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> #Note/ÉcologiePolitique #Note/Militantisme
> ^ZBGLJT3DaVBTSMZDDp160
> [!accord] Page 165
> Cette « classe » est composée de prolétaires au sens où il a défini ce terme : le groupe de ceux qui font l'expérience de la dépossession des conditions de subsistance et donc d’une dépendance au marché. Ilme paraît plus intéressant de montrer que la dépendance varie graduellement en fonction du salaire et des places sociales, et qu'elle indique donc les franges a priori les plus radicales d’un mouvement écologiste. Cela explique aussi pourquoi la « classe professionnelle » est une catégorie trop floue, qui englobe des personnes précaires (étudiant-es, par exemple) et des bourgeois. Si l'on ne peut qu'adhérer à la critique de l'environnementalisme du style de vie, la composition de ce « mouvement » ne peut se penser comme une classe au sens où le prolétariat ou la bourgeoisie en sont une. [l s’agit sans doute d’une définition sociologique de la classe, mais certainement pas de la classe au sens où l'entend la critique de l'économie politique du Manifeste où du Capital, et Huber lui-même.[](zotero://open-pdf/library/items/VBTSMZDD?page=161&annotation=EEP5AWZR)
> ^EEP5AWZRaVBTSMZDDp161
> [!accord] Page 167
> Cette appréciation globale - et très classique - de la décroissance fait peu de cas de la variété des positions que recouvre ce champ. Il est évident que la position communiste défendue par Saitô, par exemple, ne tombe pas sous ces critiques. Par ailleurs, il commet ici un paralogisme puisque les théories de la décroissance ne proposent pas une diminution de la richesse globale mais une abolition de la production pour le profit et une meilleure répartition de la richesse sociale. Huber joue sur les mots. Affirmer que certaines choses doivent « croître », comme les systèmes de santé ou d'éducation, l'agriculture ou les technologies vertes, n'implique pas que ces améliorations soient mesurées par la monnaie et quantifiées par la valeur d'échange. Or, c’est précisément cela qu'on entend quand on parle de croissance. Comme le dit Saito, on comprend mieux cette « croissance » des activités de reproduction écosociale quand on la pense en termes d’« amélioration » ou, pourrait-on ajouter, de progrès. Cela témoigne en réalité de la présence d'un trope écomoderniste dans la pensée du géographe américain.[](zotero://open-pdf/library/items/VBTSMZDD?page=163&annotation=DYV92Y7E)
> >[!cite] Note
> Critique
>
>
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> #Note/Décroissance #Note/Écomodernisme
> ^DYV92Y7EaVBTSMZDDp163
> [!approfondir] Page 168
> Selon lui, le développement des forces productives, notamment l'électrification du monde entier, est la condition d’une émancipation des travailleur-ses. L'automatisation doit permettre de soulager la misère sociale. C’est la raison pour laquelle sa conception de la crise écologique est strictement climatique : à le lire, une transition dans les modes de production énergétiques semblerait suffisante pour nous sortir de la catastrophe. L'épuisement des ressources (notamment hydriques), les pollutions industrielles, les intrants chimiques de l'agriculture intensive, l'effondrement de la biodiversité apparaissent comme des questions secondaires, quand elles sont seulement évoquées. Un écomodernisme socialiste pourrait peut-être résoudre la crise climatique, mais jamais il ne sera en capacité de limiter le désastre écologique dans toutes ses dimensions, de la destruction de Ha biosphère aux intrants chimiques dans les sols.[](zotero://open-pdf/library/items/VBTSMZDD?page=164&annotation=AFP5UMT2)
>
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> #Note/Écomodernisme
> ^AFP5UMT2aVBTSMZDDp164
> [!accord] Page 169
> Dans les sociétés modernes, la richesse se présente en effet comme une « gigantesque collection de marchandises” », Pourtant, la propriété privée des moyens de production et l’inégale répartition de la richesse sociale provoque une rareté artificielle dans l'accès aux moyens de vivre. Pour le plus grand nombre, accéder à l'alimentation, aux soins, à la culture et à l'éducation mais aussi à toutes les marchandises désirables que le capitalisme multiplie (baskets, consoles de jeux, voitures, etc.), c'est faire l'expérience d’une rareté provoquée par le capitalisme. Dépasser « la rareté artificielle des richesses privées » suppose « l'abondance de la richesse commune ». Cette abondance des communs, ou ce « luxe communal” », comme l'appelle [[Kristin Ross]], est radicalement « différente de la richesse bourgeoise qui est inévitablement basée sur un accroissement permanent de la productivité et une consommation de masse de marchandises ».[](zotero://open-pdf/library/items/VBTSMZDD?page=165&annotation=HJQQIAL9)
>
>
> ---
> #Note/Communs #Note/Décroissance
> ^HJQQIAL9aVBTSMZDDp165
> [!approfondir] Page 170
> Matt Huber considère que les ouvrier-es du secteur énergétique devraient composer l'avant-garde des luttes écologistes. Puisqu'ils occupent une place centrale dans l'économie du capital, ils possèdent un fort pouvoir de blocage de l’économie.[](zotero://open-pdf/library/items/VBTSMZDD?page=166&annotation=FSZEML5R)
> ^FSZEML5RaVBTSMZDDp166
> [!accord] Page 171
> D’une part, contrairement à la plupart des penseurs de l'écologie politique contemporaine - y compris marxiste -, Huber cherche à identifier les forces sociales capables de transformer le rapport de force écologique. D'autre part, attribuer au secteur énergétique une puissance particulière dans les luttes politiques à venir relève du bon sens au vu de la centralité des énergies dans la production capitaliste. Cependant, il commet l'erreur d'attribuer à un secteur particulier, défini 4 priori, une puissance politique seulement liée à sa place dans les rapports de production.[](zotero://open-pdf/library/items/VBTSMZDD?page=167&annotation=8IH9363X)
> ^8IH9363XaVBTSMZDDp167
> [!information] Page 171
> Pour reprendre le vocabulaire classique de l'opéraïsme italien, la « composition politique » de la classe ne dérive pas de manière mécanique de sa « composition technique ». La composition technique renvoie à l’organisation matérielle de la force de travail en une classe exploitée par l'intermédiaire d'un ensemble de relations de travail. La « composition politique » de la classe désigne quant à elle la subjectivité et le comportement ouvriers, les formes de résistance, d'insubordination et d'auto-organisation dont la classe ouvrière témoigne.[](zotero://open-pdf/library/items/VBTSMZDD?page=167&annotation=6SC9LR36)
>
>
> ---
> #Note/Opéraïsme
> ^6SC9LR36aVBTSMZDDp167
> [!information] Page 172
> Le passage de la composition technique à la composition politique, de la « classe en soi » à la « classe pour soi », n'est pas automatique et suppose le développement d’une culture où les formes d'exploitation du travail sont pensées à partir des formes de résistance. D'où l'importance de l'enquête ouvrière pour comprendre et favoriser la constitution des travailleur-ses en force politique.[](zotero://open-pdf/library/items/VBTSMZDD?page=168&annotation=P6TDK5WL)
>
>
> ---
> #Note/Opéraïsme
> ^P6TDK5WLaVBTSMZDDp168
> [!information] Page 172
> Ainsi [[Léna Balaud]] propose-t-elle de repenser la « composition écologique de la classe ouvrière® », c'est-à-dire de partir de la tension entre une classe techniquement composée de tous les vivants exploités et une composition politique qui prenne en compte les différences relationnelles interspécifiques au sein de la classe ouvrière, comme condition d’une politique d’alliances. En somme, cette nouvelle classe politique, ce prolétariat écologique ou ce « biotariat », sclon le terme de [[Jason Moore]], se constitue à partir des résistances animales à la mise au travail.[](zotero://open-pdf/library/items/VBTSMZDD?page=168&annotation=34S88C5W)
> ^34S88C5WaVBTSMZDDp168
> [!accord] Page 174
> Elle impose l'extension de la grève climatique et de l'action directe comme tactiques contre le productivisme. Il n’est pas anodin que [[Greta Thunberg]], alors collégienne, ait mobilisé le vocabulaire de la grève, issu du mouvement ouvrier, pour caractériser sa lutte : c'est que la grève provoque un blocage de la production qui seul peut arrêter la machine capitaliste. Évidemment, d’autres tactiques seront aussi nécessaires, la préservation des communs naturels par des formes de résistance ou de sabotage, la multiplication des conflits juridiques pour peser sur les appareils idéologiques d’État ou les tentatives de prise de pouvoir pour planifier la décroissance de l’économie. La grève écologique n'aura de puissance que si elle est couplée à l'extension de contre-pouvoirs, fondés sur des communs muitispécifiques et qui élargiront le champ d'autonomie des travailleur-ses.[](zotero://open-pdf/library/items/VBTSMZDD?page=170&annotation=3Z352ZSD)
>
>
> ---
> #Note/Grève
> ^3Z352ZSDaVBTSMZDDp170
> [!accord] Page 178
> La planification écologique suppose donc d'étendre les communs contre l'appropriation privée, « d'exproprier les expropriateurs ». Pourtant, comme le note Nick Dyer-Whiteford, l'extension des communs par capillarité n'est pas suffisante. D'une part, parce que le capital peut s'en accommoder voire en profiter lorsqu'il s'agit de socialiser les coûts des « communs négatifs ». D'autre part, parce que les luttes pour les communs progressent toujours moins vite que l'appropriation privée.[](zotero://open-pdf/library/items/VBTSMZDD?page=174&annotation=MYEQHQQ7)
>
>
> ---
> #Note/Communs
> ^MYEQHQQ7aVBTSMZDDp174
## Conclusion
> [!information] Page 184
> Ce gouvernement bfopolitique façonne les subjectivités. D'unc force brutale qui s'impose, le pouvoir devient une force sournoise qui constitue les individus sur lesquels il s'exerce, à tel point qu'il est parfois difficile de distinguer le sujet du pouvoir et son objet. La gouvernementalité désigne chez [[Michel Foucault|Foucault]] la forme contemporaine du gouvernement qui n’exerce plus son pouvoir par la souveraineté sur un territoire ou la discipline des corps, mais par un contrôle probabiliste de l'évaluation des risques pour unc population située dans un milieu particulier’.[](zotero://open-pdf/library/items/VBTSMZDD?page=180&annotation=6VA3LFF8)
>
>
> ---
> #Note/Biopolitique #Note/Gouvernementalité
> ^6VA3LFF8aVBTSMZDDp180
> [!accord] Page 184
> La première tient au fait que le régime de vérité de la biopolitique est impensable sans l’autre logique de la gouvernementalité moderne, la #écropolitique coloniale?. Prendre en charge la vie mais aussi donner la mort : dans les colonies, aux frontières (qu'elles soient internationales où domestiques), dans les zones de guerre. L'histoire coloniale-raciale de la gouvernementalité ne se résume pas à la constitution d'un pouvoir diffus sur la vie, c’est aussi un régime général de mort pour les corps racisés. Dans les deux cas, il s’agit d'une politique de gestion de masse qui peut passer par des techniques et des dispositifs très variés.[](zotero://open-pdf/library/items/VBTSMZDD?page=180&annotation=FHFQ2GYJ)
>
>
> ---
> #Note/Biopolitique #Note/Nécropolitique
> ^FHFQ2GYJaVBTSMZDDp180
> [!accord] Page 186
> Le premier, que peut résumer la formule « l'écologie commence à la maison », nous interpelle en tant que citoyen-nes-consommateur-rices. Elle fonctionne pour les classes moyennes et supérieures occidentales qui considèrent la domesticité familiale comme le lieu privilégié de la reproduction sociale et qui ont les moyens de financer une transformation partielle de leurs habitudes de consommation. Ce processus idéologique d’assujettissement à « la » morale écologiste-consumériste conduit à un scénario de rupture populaire avec l'écologie et à 'élaboration d'un récit dominant d'une écologie réservée aux riches et aux citadin-es aisé-es. Dans ce récit, on trouve d'une part de riches « terrestres » conscients et fiers, soucieux de préserver les conditions d’habitabilité de la planète et qui peuvent prendre le TGV pour partir en vacances et, d'autre part, de pauvres « modernisateur-rices » simplement intéressées par leurs baskets et leurs consoles, et qui prennent la voiture pour aller au boulot.[](zotero://open-pdf/library/items/VBTSMZDD?page=182&annotation=7ND9YW7Z)
> ^7ND9YW7ZaVBTSMZDDp182
> [!accord] Page 188
> Le second made d’interpellation de subjectivités écologistes, que pourrait résumer la formule « l'écologie commence avec la nation », nous constitue en tant que blancs (ou en tant qu'autochtones, tant que chacun reste « chez soi ») pour défendre les paysages éternels d’un peuple racialement homogène. Préserver nos milieux, ce serait préserver des modes de vie qui ont produit les paysages européens et qui seraient menacées par la surpopulation et par Pimmigration. Le suprémacisme blanc défend ses campagnes, défendre la terre, c'est lutter contre le « grand remplacement ». Cet attachement au sol comme garant de la subsistance mais aussi comme condition de l'appartenance de l'individu à un groupe qui se définit par « sa » terre est le point d’hérésie de l'écologie. Soit l'écologie radicale parvient à problématiser son rapport à la terre, à la souveraineté et à la blanchité, soit elle abandonneràa, une fois de plus, le besoin d'enracinement à l'« État racial intégral ». [[Houria Bouteldja]] utilise ce concept pour désigner les États qui font du racisme un dispositif structurel de leur manière de gouverner, une technique de pouvoir. Le racisme permet ainsi de « protéger l’espace français, ne serait-ce que pour rendre efficace le pacte social/racial entre les classes dominantes et dirigeantes et les classes subalternes blanches ». Cet État a notamment pour fonction de déterminer qui « serait bénéficiaire du partage des richesses et qui en serait privés ».[](zotero://open-pdf/library/items/VBTSMZDD?page=184&annotation=QCDC3DVA)
> ^QCDC3DVAaVBTSMZDDp184
> [!accord] Page 189
> Le pacte social/racial reposait sur la possibilité d'une participation aux richesses coloniales puis d'une redistribution des bénéfices de la croissance dans le cadre du compromis fordiste. Désormais, le spectre de la pénurie (d'énergie, de ressources, de moyens de vivre) dessine un pacte fondé sur la protection et le partage de l'existant, plutôt que sur la redistribution de nouvelles richesses.[](zotero://open-pdf/library/items/VBTSMZDD?page=185&annotation=AJ733FJX)
> ^AJ733FJXaVBTSMZDDp185
> [!information] Page 190
> Mais en disant cela, Bardella manifeste une compréhension tactique relativement pertinente des luttes écologistes : l'écologie a des territoires, défend parfois lenracinement, constitue des limites. L'écofasciste islamophobe Brenton Tarrant, assassin de cinquante-et-une personnes de confession musulmane en Nouvelle-Zélande en 2019, répond à cette interpellation. En tant que suprémaciste blanc, il défendait les natures occidentales contre l'invasion étrangère.[](zotero://open-pdf/library/items/VBTSMZDD?page=186&annotation=AKF262RT)
>
>
> ---
> #Note/Islamophobie
> ^AKF262RTaVBTSMZDDp186
> [!accord] Page 191
> Plutôt qu'une idéologie de l’austérité ou le spectre des pénuries et des effondrements, il me paraît plus utile de mobiliser un nouvel imaginaire de l'abondance. L'ibondance ne doit pas s'entendre comme un antonyme de la sobriété mais comme la multiplication des relations humaines et autres qu'humaines qui garantissent une satisfaction plus complète des besoins socio-naturels.[](zotero://open-pdf/library/items/VBTSMZDD?page=187&annotation=AXWXK695)
>
>
> ---
> #Note/Décroissance #Note/Abondance
> ^AXWXK695aVBTSMZDDp187
> [!accord] Page 191
> Concernant Îles écologies du commun, elles peinent pour l'instant à affronter le fait que, commun, le monde ne l’a jamais été. Fragmentée par la propriété privée, la terre appartient à quelquesunes. La tâche de l'écologie progressiste serait alors de comprendre « que les fruits sont à tous, et que la terre n’est à personne ». Reprendre la terre aux machines, instituer des communs environnementaux : mots d'ordre légitimes des luttes écologistes. Mais cet horizon présuppose souvent que les communs attendent d'être institués par une communauté adéquate, dont il n'est pas sûr qu'elle puisse se constituer tel un eus ex machina (à l'instar du législateur de [[Jean-Jacques Rousseau|Rousseau]]), ni par un processus d’institutionnalisation de la propriété commune. Car, en-deçà de la propriété privée contre laquelle la défense des communs cherche à lutter, se terre l’##perium de la modernité, la souveraineté des Étatsnations qui organisent la répartition de la propriété. Depuis 1492, l'ordre territorial est fondé sur la colonisation du monde par quelques puissances occidentales.[](zotero://open-pdf/library/items/VBTSMZDD?page=187&annotation=PZZUQD5W)
>
>
> ---
> #Note/Communs
> ^PZZUQD5WaVBTSMZDDp187
> [!accord] Page 193
> Les historien-nes ont montré que les communs se constituent avec des règles d'exclusion forte : exclusion de ceux qui n’ont pas un bon usage des ressources (version fonctionnelle), ou bien exclusion de ceux qui n'appartiennent pas à une communauté prédéfinie (version substantielle). On protège un territoire et ses ressources en le protégeant de ses agresseurs, la question est de savoir comment les définir, « eux », les accapareurs, et comment définir le « nous » des défenseurs de la nature.[](zotero://open-pdf/library/items/VBTSMZDD?page=189&annotation=ZMRQY6XW)
>
>
> ---
> #Note/Communs
> ^ZMRQY6XWaVBTSMZDDp189
> [!accord] Page 196
> Dans le même temps et à l'inverse, la répression violente des Soulèvements de la terre a suscité une légitime vague d'adhésion et un soutien sans précédent pour une organisation de résistance mobilisant un large répertoire d'actions. À Mayotte comme à Sainte-Soline, il en va de la gestion du territoire, de ses ressources et de ses habitant-es par l'État. La souveraineté préserve l'État racial dans le premier cas et, dans le second, l'accaparement privé des ressources naturelles. L'absence de solidarité contre l'opération Wuambushu dans un contexte de radicalisation écologiste et de forte mobilisation sociale est le signe de cette incapacité structurelle à penser la reproduction raciale et territoriale des rapports de classe par l'État.[](zotero://open-pdf/library/items/VBTSMZDD?page=192&annotation=QTM9RJAP)
> ^QTM9RJAPaVBTSMZDDp192
> [!approfondir] Page 198
> Dans Le Loup et le Musuiman, l'anthropologue [[Ghassan Hage]] décrit ainsi la mondanéité du capital : La division entre biopolitique ct nécropolitique n'est pas la même que la division entre monde vécu de l'exploitant ct monde vécu de l'exploité. C'est la division entre des espaces où les personnes etles animaux sont exploités dans des limites prescrites, et des espaces aù les personnes et les animaux sont exploités à loisir, sans aucunc restriction formelle, au point d'en perdre la capacité à se régénérer ou (c'est une autre manière de l'exprimer) d'être exploités jusqu'à ce que mort s’ensuive. ILest ici utile de parler de modes et d'intensités différentiels de gouvernementalité extractive®. [[Ghassan Hage|Hage]] conclut que la « théorie marxiste de l'exploitation peut nous aider à comprendre le mécanisme générateur commun » à la domination raciale et à la destruction du vivant.[](zotero://open-pdf/library/items/VBTSMZDD?page=194&annotation=LMIJEVKN)
> ^LMIJEVKNaVBTSMZDDp194
[^1]: FE. Fischbach et E. Renault (dir.), Philosophie du travail, Activité, technicité, normatinité, Paris, Vrin, 2022.
[^2]: Andreas Malm, Joss Capital: The Rise of Steam Poser and the Roots of Global Warming, Londres et New York, Verso, 2016.
[^3]: Alexandre Monnin, « Les “communs négatifs”. Entre déchets et ruines », Étedes,2021/9, p.59-68.
[^4]: Karl Marx, Le Capital, Hvure troisième, trad. fr. C. Cohen-Solal et G. Badia, Paris, Éditions sociales, 1976, p.739.
[^5]: Voir par exemple Murray Bookchin, Une soriété & refaire. Vers une écologie de la liberté, vrad. fr. C. Barret, Montréal, Écosociété, 2010 : Aurélien Berlan, 7ërre et Liberté. La quête d'autonomie contre le fantasme de délivrance, Saint-Michel-de-Vax, La Lenteur, 202 ; Jean-Baptiste Eressoz, L'Apocalypse joyeuse, Une histoire du risque technologique, Paris, Le Seuil, 2002 ; James O'Connor, « La seconde contradiction du capitalisme : causes et conséquences », Actuel Marx, n°12, 1992, p. 30-40.
[^6]: Andreas Malm, os Capital: The Rise of Steam Powers and the Roots ef Global Warming, Londres et New York, Verso, 2016, p. 123.
[^7]: Ibid, p.185
[^8]: Timothy Mitchell, Carbon Demorracy Le pouvoir politique à l'ère dus pétrole, wrad fr. Chr. Jaquer, Paris, La Découverte, 2017.
[^9]: Eric Williams. Capétalism and Slavery, Chapel Hill, University of North Carolina Press, 1944, p. 61.
[^10]: Sophie Chao, « Plantation », Environmental Humanities, vol, 14, n°2,2022, p.362.
[^11]: Donna Haraway, « Anthropocène, Capitalocène, Plantationocène, Chthulucène. Faire des parents », trad. fr. Fr. Neyrat, Muiritudes, n° 65, 2016, D. 75-81.
[^12]: Arturo Escobar, « After Nature: Steps to an Antiessentialist Political Ecology », Current Anthropology, 40, n° 1, 1999, p. 6.
[^13]: Jean-Baptiste Fressozet Fabien Locher, Les Révoltes du cielo.p. cit, P. 21-29.
[^14]: Brett Clarket John Bellamy Foster, « Ecological Impertalism and the Global Metabolic Rift: Unequal Exchange and the Guano/Nitrates Trade », International Journal of Comparative Soriolegy, vol. 50, n° 3-4, 2009, P. 317.
[^15]: Jason W. Moore, Le Capitalisme dans la toile de la vie. Érologie et accumulation du capital, trad. fr. R. Ferro, Toulouse, L'Asymétrie, 2020, p.223.
[^16]: Silvia Federici, Caffban ef le sorcière. Femmes, corps et 4ccumadation primitive, trad, fr. J. Guazzini et colleccif Senonevero, Genève, Entremond2e01,4, p.196.
[^17]: Silvia Federici, Cæhban et la sorcière, op. cif., p. 182.
[^18]: Ariel Salleh, « Sustainabilitanyd Meta-Industrial Labour: Building a Synergistic Politics », The Commoner,n° 9,2004, p. 8.
[^19]: Voir Frédéric Monferrand, £a Nature du capital, Paris, Amsterdam, 2023.
[^20]: Donna Elaraway, Quand les espèces se rencontrent, trad. fr. F. Courtois-lleureux, Paris, La Découverte, 2021, p. 97 (tes italiques sont de moi).
[^21]: Voir Kari Marx,Le Capital. Livre I, trad.fr. dirigée par J.-P. Lefebvre, Paris, Puf, 1993, p. 200 sq.
[^22]: Karl Marx, Manuscrits économico-philosophiques de 1844, éd. et trad. fr. F. Fischbach, Paris, Vrin, 2007, p. 123-125.
[^23]: Stéphane Haber, « Du néolibéralisme au néocapitalisme? Quelques réflexions à partir de Foucault », Actee! Marx, n° 55, 2012, p.71.
[^24]: Barbara Noske, Humans and Other Animals: Beyond the Boundarres of Anthropology, Londres, Pluto, 1989.
[^25]: Karl Marx, Le Capital, op. cit. p. 422.
[^26]: Kendra Coulter, Animals, Work, and the Promise of fntersperies Solidarty, New York, Palgrave Macmillan, 2016, p. 60.