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Auteur : [[Céline Pessis]]
[Zotero](zotero://select/library/items/GWWBMGG8)
[attachment](<file:///C:/Users/kevin/zotero/storage/N7A83TPK/Pessis%20-%202021%20-%20De%20la%E2%80%9C%20croisade%20pour%20l'humus%20%E2%80%9D%20%C3%A0%20l'%20%E2%80%9C%20agriculture%20biologique%20%E2%80%9D.%20Alertes%20savantes%20et%20mouvements%20paysa.pdf>)
Source: https://hal.science/hal-03582156
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# Annotations
> [!information] Page 2
> Confronté aux limites de la fertilisation chimique qu’il est chargé de scientificiser, l’influent Inspecteur général des stations agronomiques et laboratoires du ministère de l’agriculture, Albert Demolon, le « père » de la science du sol française, prône une approche globale et multidisciplinaire du sol et de sa fertilité[](zotero://open-pdf/library/items/N7A83TPK?page=2&annotation=FCSJ8884)
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> #Note/Agriculture/Sol
> ^FCSJ8884aN7A83TPKp2
> [!accord] Page 2
> Mais dans la geste moderniste d’après 1945, le sol est davantage conçu comme un facteur de production interchangeable (avec le remembrement) et comme un support neutre de culture par lequel transiteraient des intrants minéraux (les engrais, dont le plan planifie le doublement entre 1946 et 1950). L'entretien de sa fertilité semble alors pouvoir être assuré par la chimie et de puissants moyens mécaniques.[](zotero://open-pdf/library/items/N7A83TPK?page=2&annotation=76ZLYFWQ)
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> #Note/Agriculture #Note/Agriculture/Sol
> ^76ZLYFWQaN7A83TPKp2
> [!information] Page 2
> Durant ces années 1940 et 1950, « Parler d'humus, c'était faire de la métaphysique, se muer en défenseur ridicule de l'obscurantisme des temps révolus et en détracteur du Progrès3 », rappelle le Docteur Jacques-William Bas[](zotero://open-pdf/library/items/N7A83TPK?page=2&annotation=FTWBH245)
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> #Note/Agriculture/SolVivant
> ^FTWBH245aN7A83TPKp2
> [!approfondir] Page 4
> L'étude se clôt avec la création des premières structures d’agriculture biologique (le GABO en 1958, puis la méthode Lemaire-Boucher et l’association Nature & Progrès en 1964). Elle couvre ainsi une période charnière d’ouverture puis de verrouillage de choix socio-techniques fondamentaux, soit de structuration des politiques agricoles « modernes », période pourtant peu documentée en terme d’alternatives scientifiques et agricoles au modèle dominant de modernisation.[](zotero://open-pdf/library/items/N7A83TPK?page=4&annotation=7BXYBAKD)
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> #Note/Agriculture/SolVivant
> ^7BXYBAKDaN7A83TPKp4
> [!accord] Page 5
> Également microbiologiste, conseiller de l’AFRAN et professeur à l’Institut National Agronomique (chaire des Industries Agricoles), Jean Keilling avance un élément d’explication à cet « oubli » agronomique. Selon lui, l’humus est une : « notion qui ne peut pas être exprimée simplement par des chiffres d'origine analytique, car l'humus comporte, par les vies qu'il abrite et qui le modifient sans cesse, une dynamique. C'est même le principal facteur de la dynamique du sol et c'est le facteur vivant de cette dynamique10».[](zotero://open-pdf/library/items/N7A83TPK?page=5&annotation=WQWIWHIN)
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> #Note/Agriculture/SolVivant
> ^WQWIWHINaN7A83TPKp5
> [!accord] Page 6
> Appliquée au fumier, une telle approche (qui conquiert les cénacles agronomiques puis la profession agricole) invite à considérer ce dernier exclusivement comme « amendement humique », justifiant son remplacement par des substituts humiques, tels la paille, le fumier artificiel, ou les engrais verts, tandis que sa fonction « nutritive » traditionnelle est déléguée aux engrais chimiques. Une telle opération contribue à rendre acceptable et « rationnelle » la séparation de l’agriculture et de l’élevage, à commencer par la disparition des animaux dans les régions qui se spécialisent en grandes cultures.[](zotero://open-pdf/library/items/N7A83TPK?page=6&annotation=IXEVWGPT)
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> #Note/Agriculture #Note/Agriculture/SolVivant
> ^IXEVWGPTaN7A83TPKp6
> [!information] Page 7
> Surtout, ces modernisateurs assument ouvertement que pour nourrir la France et générer des devises, il faut puiser dans le capital humus hérité du passé, tirer profit de « l’humus accumulé en excès et pratiquement stérilisé dans le vieux pré17 ». La « révolution fourragère », dont René Dumont se fait l’ardent propagandiste, préconise ainsi le retournement des prairies afin de faire bénéficier les céréales amenées à leur succéder de l’« humus pas cher18 » légué par l’agriculture « traditionnelle » d’hier[](zotero://open-pdf/library/items/N7A83TPK?page=7&annotation=I8VVDM8J)
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> #Note/Agriculture
> ^I8VVDM8JaN7A83TPKp7
> [!accord] Page 7
> Dans l’ordre des savoirs, mais également en termes de flux de matière sur le terrain, la nutrition minérale des plantes semble gagner du terrain : moins sollicités ou directement bloqués par l’apport croissant d’engrais solubles conçus pour être assimilés directement par la plante, les processus biologiques et microbiens du sol sont appauvris (symbioses contrariées, fixation d’azote ralentie, assimilation de certains nutriments bloquée, etc.). La vie du sol se réduit également suite à la baisse des superficies de légumineuses, l’usage de biocides et un travail du sol de plus en plus brutal[](zotero://open-pdf/library/items/N7A83TPK?page=7&annotation=SEXPENZ4)
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> #Note/Agriculture #Note/Agriculture/Sol
> ^SEXPENZ4aN7A83TPKp7
> [!information] Page 8
> Le 2 mars 1950, à la Société Nationale d'Horticulture à Paris, plus de 150 personnes se pressent pour assister à la journée d'études sur « les conditions de la santé profonde pour le sol et les animaux » organisée par André Birre22, le secrétaire général de l'association L’homme et le sol. S'inspirant des expérimentations menées en Angleterre par la jeune Soil Association et des groupements de producteurs biodynamiques suisses, cette rencontre vient donner corps à la croisade pour l’humus. Elle vise à coordonner et étendre les expériences de « régénération des sols » entreprises en France par quelques dizaines d'agriculteurs : « grouper des paysans, les assister (...) créer pour leur service un corps de savants, de conseillers23 ».[](zotero://open-pdf/library/items/N7A83TPK?page=8&annotation=733K9UN6)
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> #Note/Agriculture #Note/Agriculture/Sol
> ^733K9UN6aN7A83TPKp8
> [!accord] Page 12
> Les 30 novembre et 1er décembre 1953, ces diverses associations organisent ainsi les « Journées de la qualité dans la production agricole » à la Société des Agriculteurs de France. L’humus leur semble menacé par l’administration d’engrais, de biocides et d’antibiotiques en agriculture et en élevage : « Ce forçage artificiel des moyens de culture et ces médicamentations radicales ne risquent-ils pas, en vertu des lois immuables d'équilibre de la Nature, de provoquer des réactions tendant à altérer la santé biologique des sols et, par voie de conséquence, à diminuer la qualité alimentaire des produits animaux et végétaux servant à la nutrition de l’homme40» ?[](zotero://open-pdf/library/items/N7A83TPK?page=12&annotation=VUXUZM6S)
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> #Note/Agriculture #Note/Agriculture/SolVivant
> ^VUXUZM6SaN7A83TPKp12
> [!information] Page 13
> Dans les services du ministère de l’Agriculture, les ingénieurs agronomes André Louis et Jean Boucher font valoir l’importance de la vie du sol et le rôle sanitaire du compostage (réduction de la sensibilité des plantes aux maladies). Mais ils sont rapidement marginalisés. Préfacier en 1949 du second livre de Pfeiffer traduit en français (Le Visage de la terre. Le paysage, expression de la santé du sol)44, membre actif de la croisade pour l’humus, et revendiquant en arboriculture une telle approche d’ « hygiène végétale45 », Louis démissionne de la direction des services agricoles de Charente dès 1950 pour se consacrer à l’enseignement dans un lycée agricole et à son exploitation familiale.[](zotero://open-pdf/library/items/N7A83TPK?page=13&annotation=D7RNUFQ3)
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> #Note/Agriculture #Note/Agriculture/SolVivant
> ^D7RNUFQ3aN7A83TPKp13
> [!information] Page 13
> Face à l'extension du parasitisme, il se lance, sur les conseils d’André Birre, et avec quelques gros maraîchers et le service des plantations de la ville de Nantes, dans le compostage de fumiers.[](zotero://open-pdf/library/items/N7A83TPK?page=13&annotation=57NV6HI7)
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> #Note/Agriculture #Note/Agriculture/Composte
> ^57NV6HI7aN7A83TPKp13
> [!information] Page 14
> La fabrique travaille à partir du fumier des haras, de déchets des champignonnières locales et, pour activer la fermentation, de farines de pépins de raisins (résidu des huileries) et de purin de prêles et d'ortie50. Le bénéfice qui se dégage de la vente des fumiers en poudre ainsi obtenus permet à Descrambe de compléter ses revenus aléatoires de viticulteur. Quant à Michel Binder, il en tire l’occasion d’un véritable plaidoyer pour la prise en compte du caractère vivant du « Complexe-Sol », de la nutrition organique des plantes et du biodynamisme aux « effets d’ordre catalytique51 » (lequel s’appuierait sur les auxines ou les hormones végétales aux effets encore mal connus). Aux tabaculteurs et maraîchers qui apprécient ses fumiers, il explique que l’usage inconsidéré d’engrais a entraîné une « rupture des équilibres biologiques » et une « baisse de la qualité, [soit] une plus grande réceptivité aux maladies et parasites52 ».[](zotero://open-pdf/library/items/N7A83TPK?page=14&annotation=SJUJSRW4)
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> #Note/Agriculture #Note/Agriculture/Composte
> ^SJUJSRW4aN7A83TPKp14
> [!information] Page 19
> Aux origines de l’agriculture biologique – que Keilling et Birre nommaient également « agriculture fermentaire » – la valorisation du dynamisme microbien s’oppose à la marginalisation de la (micro)biologie des sols dans la recherche agronomique établie. Son émergence résulte du travail pratique et discursif d’acteurs hétérogènes qui établissent des connexions entre des pans du réel (sol-alimentation-santé) que les institutions scientifiques et les savoirs spécialisés dominants travaillent à déconnecter.[](zotero://open-pdf/library/items/N7A83TPK?page=19&annotation=DRKGPBUM)
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> #Note/AgricultureBiologique
> ^DRKGPBUMaN7A83TPKp19