Auteur : [[Martine Orange]] Zotero : [Local library](zotero://select/items/1_DBL2V6TH) URL : [https://www.mediapart.fr/journal/international/010123/1973-ce-choc-petrolier-qui-change-le-monde](https://www.mediapart.fr/journal/international/010123/1973-ce-choc-petrolier-qui-change-le-monde) Connexion : --- # Annotations (04/01/2023 à 14:54:27) > [!information] > « « Est-ce la fin de l’abondance ? », se demande alors Le Nouvel Observateur. « Face aux risques conjugués de l’inflation et de la récession (...) l’exécutif donne de la bande, patine, paraît bloqué », rajoute Le Point. « C’est tout l’avenir de notre mode de vie qui est en cause », insiste Entreprise, demandant d’accélérer « la lutte contre les gaspillages » et le « freinage de la demande privée ». Paris Match, lui, parie sur la technologie. « Pour remplacer le pétrole, l’hydrogène ! », écrit déjà son éditorialiste Raymond Cartier en enfonçant le clou : « La fameuse crise de l’énergie ne naît pas de l’insuffisance des ressources, mais découle d’une paresse de la prévoyance. » » (Orange, p. 1) > [!approfondir] > « En quelques jours, le monde paraît avoir chaviré. Le 17 octobre 1973, précisément, selon ce qu’en ont retenu nombre d’historiens et la mémoire collective. Ce jour-là, les membres de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP) décident de réduire de 5 % par mois leur production tant qu’Israël reste engagé dans la guerre du Kippour. Ils imposent aussi un embargo des livraisons pétrolières pour un certai » (Orange, p. 1) > [!approfondir] > « nombre de pays, considérés comme des soutiens d’Israël, et en premier chef les États-Unis. » (Orange, p. 2) 2:55 Raven_Krom: Sur la crise énergétique, et l'organisation du monde autour de la consommation d'énergie, il y a le très bon petit bouquin "Energie et équité" qui date justement de 1973 par [[Ivan Illich]], c'est assez visionnaire à relire aujourd'hui ^5cda1e > [!information] > « À partir du milieu des années 1960, la demande mondiale en pétrole augmente de 6 % par an. Personne ne s’en soucie : les réserves pétrolières semblent inépuisables. » (Orange, p. 2) > [!accord] > « « Parler de choc pétrolier a un aspect dérangeant. Car cela suppose de chercher un événement unique. Bien sûr, il y a l’embargo de l’OPEP. Mais celui-ci s’inscrit dans une histoire longue, marquée par une succession d’événements qui vont nourrir la crise de 1973 », dit Philippe Pétriat » (Orange, p. 3) > [!information] > « Géologue chez Shell, Marion King Hubbert avait bien prévenu, dès 1956, que l’industrie pétrolière américaine risquait de rencontrer de graves difficultés « dans un horizon de dix à quinze ans » en raison de l’épuisement des réserves. Sa mise en garde avait été accueillie par des haussements d’épaules. Pourtant, en ce début de 1971, il faut bien se rendre à l’évidence : lePeak Oil est bien là ! » (Orange, p. 4) > [!information] > « Entre 1970 et 1973, la part des importations dans la consommation pétrolière des États-Unis passe ainsi de 19 % à 35 %. » (Orange, p. 5) > [!information] > « De plus, comme le note l’universitaire italien Giuliano Garavini, auteur deThe Rise and Fall of OPEC (« L’Ascension et la Chute de l’OPEP » ; non traduit en français), les États-Unis ne « sont plus en mesure d’approvisionner leurs alliés en pétrole, si nécessaire ». » (Orange, p. 5) > [!approfondir] > « En juin 1971, Richard Nixon adresse un message présidentiel spécial au Congrès. Il est des plus alarmistes : « Durant toute son histoire, le peuple américain a considéré l’approvisionnement abondant en énergie comme un fait acquis (...) Mais la présomption selon laquelle une énergie suffisante sera toujours disponible a été brusquement remise en question au cours de l’année passée », insiste-t-il, avant de prévenir qu’à l’avenir les Américains vont payer leur pétrole plus cher et que le temps de la « sobriété énergétique » est venu. » (Orange, p. 5) > [!information] > « Les événements s’enchaînent : le 15 août 1971, les États-Unis annoncent la fin des accords de Bretton Woods, qui organisent le système monétaire international depuis 1944 : c’est la fin de l’étalon change-or. » (Orange, p. 5) > [!approfondir] > « Mille causes participent à l’éclatement de ce système monétaire de parité fixe, et de convertibilité du dollar en or : l’épuisement du modèle fordiste et la baisse tendancielle des profits ; la montée inexorable de l’inflation ; les coûts faramineux de la guerre du Viêtnam ; les besoins du gouvernement américain de retrouver des marges de manœuvre pour financer « la nouvelle frontière », programme de développement présenté par Kennedy et repris par ses successeurs ; sans parler de la contestation portée par des pays européens, en particulier l’Allemagne qui milite pour l’adoption d’un système de changes flottants. » (Orange, p. 6) 3:08 asparok: c'est toute l'économie américaine qui se serait effondrée, en l'absence de monnaie étalon, la seule valeur qui maintient le dollar était l'obligation pour tous les états du monde de devoir acheter du dollar pour acheter du pétrole, jusqu'a tout récemment > [!information] > « La fin de Bretton Woods a en tout cas un effet immédiat : le dollar dévalue par rapport à toutes les autres devises internationales dans des proportions allant de 8 % à 16 % selon les monnaies. Les États-Unis, qui importent désormais du pétrole, le paient moins cher. Et la balance commerciale, mécaniquement, se redresse. » (Orange, p. 6) > [!information] > « Depuis des années, le prix du pétrole, fixé jusqu’alors par les grandes majors pétrolières occidentales (Exxon, Mobil, Chevron, issus de l’éclatement de Standard Oil, Gulf et Texaco pour les ÉtatsUnis, BP et Shell côté britannique, Elf et la compagnie française des pétroles, devenue Total par la suite). » (Orange, p. 6) > [!information] > « Ces victoires s’inscrivent dans le mouvement beaucoup plus large de décolonisation et de reconquête des ressources pétrolières par les pays producteurs. En février 1971, l’Algérie décide la nationalisation de tous les actifs pétroliers du pays. Cette initiative sera bientôt imitée par la quasi-totalité des pays producteurs : en 1972, le Venezuela nationalise à son tour ses réserves, imité dans la foulée par l’Irak, le Koweït, le Qatar et la Libye en 1973. Même l’Arabie saoudite négocie et obtient de reprendre le contrôle de la puissante Aramco, la plus riche compagnie pétrolière en réserves du monde, où elle n’avait jusque-là qu’un strapontin face aux majors occidentales. » (Orange, p. 7) > [!approfondir] > « Celles-ci sont persuadées que les pays producteurs ne tarderont pas à nouveau à leur demander leur aide. Il n’en sera rien.« Les pays producteurs se sont dotés d’une génération d’experts, ingénieurs, chercheurs, directeurs financiers travaillant dans l’industrie pétrolière qui comprennent les mécanismes, savent les expliquer. Ils sont tous là au moment des nationalisations et de la montée en puissance de l’OPEP. C’est pour cela que cela marche », souligne Philippe Pétriat. » (Orange, p. 7) > [!information] > « En février 1971, un accord est signé à Téhéran avec les majors pétrolières. Les pays producteurs obtiennent une augmentation de 35 cents le prix de l’Arabian Light pour le porter à 2,15 dollars. Cela paraît dérisoire comparé à l’inflation généralisée. Mais pour l’OPEP, c’est un pas de géant : avant cette hausse, le cours du baril, inchangé pendant plus de quinze ans, était inférieur à son prix de 1957, en dollars constants. » (Orange, p. 7) > [!accord] > « Bien que mesurée, cette hausse déclenche la colère des Européens et du Japon, importateurs de toutes leurs énergies, rappelle Giuliano Garavini. Ces derniers accusent les États-Unis d’avoir privilégié l’intérêt de leurs groupes pétroliers et de leurs multinationales au détriment de ceux du reste de l’Occident. Les alliés des États-Unis n’ont peut-être pas tout à fait tort. » (Orange, p. 8) > [!information] > « Mais l’administration Nixon est une des plus attentives à leurs souhaits : l’industrie pétrolière y bénéficie de nombreux relais. Elle a notamment l’attention d’Henry Kissinger, un protégé de Nelson Rockefeller, petit-fils du fondateur de la Standard Oil et personnage central du lobby pétrolier américain » (Orange, p. 9) > [!approfondir] > « Tous partagent la même vision sur la façon d’assurer la sécurité énergétique des États-Unis : pour remplacer les gisements traditionnels, il faut développer d’autres champs pétroliers. « Les majors pétrolières connaissent de longue date l’existence des réserves offshore de l’Alaska, de la mer du Nord, et du golfe du Mexique »,rappelle Michel Lepetit. Même si elles en connaissent déjà toutes les dégradations écologiques induites, elles rêvent aussi de reprendre la fracturation hydraulique, interdite depuis 1929, ou d’exploiter les sables bitumineux. » (Orange, p. 9) > [!information] > « L’administration Nixon travaille alors sur un projet à 5 dollars le baril à la fin de la décennie 1970. Dès l’été de 1972, le prix du pétrole aux États-Unis est à 4,20 dollars le baril, deux fois plus que les cours mondiaux des pétroles en provenance du MoyenOrient. Il ne cessera de monter pour atteindre 5,20 dollars le baril en septembre 1973. » (Orange, p. 10) > [!information] > « Lorsque les États membres de l’OPEP se retrouvent à Vienne le 8 octobre 1973, la guerre du Kippour lancée contre Israël par l’Égypte et la Syrie a éclaté depuis deux jours. Le cartel ne s’est pas réuni pour étudier une riposte en appui aux pays arabes, mais pour obtenir une augmentation des prix du baril, demandée de longue date. Compte tenu de la hausse de la demande, de la baisse du dollar, de l’inflation, les États veulent que le prix du baril de l’Arabian Light soit fixé à 5,12 dollars. » (Orange, p. 10) > [!information] > « Un cessez-le-feu sera signé trois jours plus tard. Mais l’embargo, lui, durera jusqu’en avril 1974. Ce sera toutefois un embargo à trous : l’Arabie saoudite veillera ainsi à ce que l’armée américaine au Viêtnam soit toujours approvisionnée en brut, en la livrant à partir de Singapour. » (Orange, p. 10) > [!information] > « « Le vrai choc pétrolier, ce n’est pas l’embargo de l’OPEP en octobre mais l’augmentation spectaculaire du baril décidée par le shah d’Iran fin décembre », dit Matthieu Auzanneau. La position de l’Iran, lors de cette nouvelle réunion de l’OPEP le 22 décembre, surprend tout le monde : le ministre iranien demande un prix du baril à 15 dollars » (Orange, p. 10) > [!approfondir] > « . Les queues s’allongent devant les stations-service, donnant lieu à de quasi-scènes d’émeutes, alors que les pénuries d’essence menacent, comme le raconte un article du New York Timesdu 30 décembre 1973. La presse américaine a trouvé un nom pour désigner ce moment : « le massacre de la veille de Noël ». » (Orange, p. 11) > [!approfondir] > « Considéré alors comme un des alliés les plus sûrs des États-Unis, aurait-il osé lancer prendre une position susceptible de bousculer l’économie mondiale, sans avoir reçu l’aval au moins implicite de l’administration américaine ? » (Orange, p. 11) > [!accord] > « « Cela semble relever de la théorie du complot. Mais de nombreux éléments posent, malgré tout, question », note Matthieu Auzanneau.« Ce n’est pas parce que cela paraît complotiste que ce n’est pas vrai », ajoute Philippe Pétriat. » (Orange, p. 11) > [!approfondir] > « « L’Iran a pris la tête d’une demande qui convient alors à beaucoup de monde. Fixer le prix du baril à 11,65 dollars revient à obtenir 7 dollars par baril pour le gouvernement iranien, qui a de grandes ambitions pour moderniser le pays,relève ce dernier. Par la suite, le shah a très bien défendu sa position. Il a adopté une vision très environnementaliste, expliquant que le pétrole avait une valeur intrinsèque, qu » (Orange, p. 11) > [!approfondir] > « justifiait de le préserver. Qu’il fallait le vendre très cher, car le temps du pétrole n’allait pas durer longtemps. » » (Orange, p. 12) > [!information] > « Plus troublant, par deux fois, le tout-puissant ministre saoudien de l’énergie, Ahmed Zaki Yamani, qui a dirigé la politique pétrolière du pays de 1962 à 1986, pointera le poids des États-Unis derrière la décision iranienne » (Orange, p. 12) > [!information] > « Dès le 25 décembre, des majors annoncent qu’en raison de la hausse des prix du pétrole elles vont accélérer leurs investissements pour lancer le développement de forages offshore. C’est le début du pétrole de la mer du Nord, qui constituera un puissant pilier à la révolution néolibérale thatchérienne. Viendront ensuite le pétrole de l’Alaska et celui du golfe du Mexique. » (Orange, p. 12) > [!information] > « L’huile et le gaz de schiste cependant ne connaîtront leur plein essor qu’après la découverte de nouvelles technologies permettant le forage horizontal et surtout après 2008, quand la politique monétaire permettra de subventionner à fonds perdus une activité qui, jusqu’à la crise énergétique de 2021-2022, n’a jamais gagné d’argent. » (Orange, p. 12) > [!approfondir] > « Trois mois après la fin de l’embargo, un émissaire spécial américain est envoyé en juillet 1974 à Riyad pour négocier avec le régime saoudien, comme le raconteun long article de Bloomberg à partir d’archives auxquelles il a eu accès. Il a une mission précise : faire en sorte que le pétrole ne devienne pas une arme économique et obtenir que le royaume accepte de financer le déficit américain avec les nouvelles richesses obtenues grâce à la hausse du pétrole. Celui-ci doit aussi s’assurer que les contrats pétroliers resteront toujours libellés en dollars, afin de consolider le statut de seule monnaie de réserve internationale de celui-ci. » (Orange, p. 12) > [!approfondir] > « Le nouvel ordre pétrolier durera plus de 40 ans. « Le paradoxe est qu’au moment où le pétrole aurait pu devenir politique, les compagnies nationales du Moyen-Orient vont devenir libérales, voire néolibérales. L’OPEP n’aura plus jamais un rôle politique comme en 1973, se contentant d’un discours économique et d’assurer l’équilibre du marché »,analyse Philippe Pétriat. » (Orange, p. 13) > [!accord] > « La crise financière de 2008 a à nouveau rebattu les cartes. Elle marque en réalité, selon Matthieu Auzanneau, « la première crise globale des limites physiques de la croissance ». Elle conduit à la crise énergétique d’aujourd’hui, nous renvoyant à des questions existentielles encore plus emmêlées, faute d’avoir imaginé d’autres solutions, en dehors du pétrole, il y a cinquante ans » (Orange, p. 13)