> [!info]+ Auteurs : [[Mickaël Correia]], [[Jean-Baptiste Comby]] Zotero : [Local library](zotero://select/items/1_DEYGA42B) Source : [https://www.mediapart.fr/journal/ecologie/250524/s-il-est-chic-de-parler-d-ecologie-populaire-c-est-bien-l-ecologie-bourgeoise-qui-existe-socialement](https://www.mediapart.fr/journal/ecologie/250524/s-il-est-chic-de-parler-d-ecologie-populaire-c-est-bien-l-ecologie-bourgeoise-qui-existe-socialement) Connexion : Temps de lecture : --- # Annotations (27/05/2024 à 19:25:24) > [!information] > « Un résultat inattendu et important des enquêtes exposées dans ce livre est que les classes sociales sont sincèrement préoccupées par le désastre environnemental, mais que cette préoccupation est limitée, voire contrecarrée par les manières conventionnelles de s’intégrer et de s’élever socialement. » > [!accord] > « Une sorte d’accord implicite s’est installé autour de l’urgence de transformer nos sociétés, mais sans que l’on explicite de quoi sont faites ces sociétés à transformer... C’est justement à cet endroit que les sciences du social me semblent devoir être au cœur du projet écologique, car elles aident à comprendre les mécanismes de modification ou de conservation des sociétés. » > [!accord] > « Or, ce qui est remarquable avec la question écologique, c’est qu’elle implique de renverser cette table des hiérarchies sociales : la vitesse, l’accumulation matérielle, la compétitivité, le mérite, l’hypermobilité, bref, toutes les valeurs cardinales de l’ordre établi devraient devenir marginales dans une société écologique. » > [!accord] > « Vous écrivez dans un premier temps que si « l’écologie non capitaliste »fait face à une criminalisation croissante, son impuissance est aussi due au fait que des fractions des classes bourgeoises se réapproprient cette écologie critique sans pour autant la légitimer... Vous parlez même à ce propos d’« équilibristes du capitalisme vert ». » > [!accord] > « J’ai utilisé cette expression pour décrire les militants écologistes qui postulent que l’écologisation peut être orchestrée par ceux qui détiennent le pouvoir, qu’elle peut être menée secteur par secteur et qu’elle doit être progressive. » > [!accord] > « Ceux-ci sont persuadés de bien faire et ils n’agissent pas dans le but de dépouiller la critique. Mais le fait est que toute leur histoire sociale les conduit à l’anesthésier en s’en saisissant. Je me suis demandé comment ces militants parvenaient à tenir ainsi en équilibre, un pied dans la critique écologique et l’autre dans le capitalisme vert. D’où cette expression. » > [!accord] > « Pourquoi ces « écologistes réformateurs », qui privilégient l’écologisation du quotidien, cherchent-ils autant à se démarquer de l’activisme radical ? Parce que tout ce qui les constitue socialement – leur éducation familiale, leur parcours scolaire, leur sociabilité amicale ou leur situation professionnelle – les empêche de se revendiquer de l’activisme. » > [!information] > « L’ethnographie menée auprès d’eux montre qu’ils font déjà tout ce qui leur est socialement possible. En particulier, beaucoup réorientent leur carrière professionnelle vers les nouvelles économies du capitalisme vert et les métiers qui participent à sa légitimation (communication, culture, finance verte, économie sociale et solidaire, etc.). » > [!accord] > « Si, depuis le mouvement des gilets jaunes, il est devenu chic de parler d’écologie populaire, le livre montre que c’est bien une écologie bourgeoise qui existe socialement. » > [!accord] > « Contrairement aux idées reçues, la bourgeoisie économique (par exemple les professions libérales, les cadres supérieurs du privé, etc.) se montre elle aussi écologiquement impliquée et appliquée. Elle fait aisément son beurre des écotaxes, des voitures hybrides, des écogîtes luxueux et autres offres du capitalisme vert. » > [!information] > « Au sein de ces milieux très favorisés, il convient de se comporter raisonnablement et de veiller à l’équilibre de ses propos comme de ses agissements. Modération, pondération et compensation sont trois principes qui structurent la manière dont les dominants se positionnent sur l’enjeu écologique. » > [!accord] > « Le capitalisme vert est ce qu’ils ont de mieux à proposer, et donc il me semble vain de les condamner moralement ou de chercher à les réorienter. La seule issue est de les mettre hors d’état de nuire en leur ôtant le pouvoir considérable qui est le leur : celui d’éteindre non pas la lumière, mais la vie sur Terre. » > [!information] > « Souvent qualifiés de « néoruraux », ils sont d’ailleurs très visibles médiatiquement parce que leurs parcours atypiques intriguent et parce qu’ils savent se mettre publiquement en avant. Mais cet éclairage médiatique masque leur faible surface sociale. Ils sont statistiquement peu nombreux et peu probables. » > [!information] > « Leur examen sociologique n’en reste pas moins très instructif. Ces individus montrent que l’emprise du capitalisme sur nos vies n’est pas une fatalité. Ils préfigurent des manières écologiques de faire société. Les travaux de Geneviève Pruvost signalent d’ailleurs que les cheminements vers l’alternative écologique radicale sont lents, longs et collectifs. » > [!accord] > « Concernant les classes populaires, vous dites qu’elles se sont fait « déposséder » de leur rapport à l’environnement. Pourquoi ? Avec le capitalisme vert, les dominants font carton plein, mais pour les dominés, c’est la double peine au carré. Ils polluent globalement moins mais souffrent généralement plus, car ils sont plus exposés aux nuisances environnementales et exclus des espaces naturels convoités. » > [!accord] > « Vous dites que les écologistes s’évertuent à prêcher une sorte de « catéchisme vert », exerçant par là même un rapport de domination... À ce stade, je repère au moins deux modes de domination sur le terrain environnemental. Le premier est assez élémentaire : il s’agit de disqualifier les manières d’être au monde qui ne se montreraient pas assez « écovertueuses », mais aussi celles qui le seraien » > [!accord] > « excessivement. Le second est plus complexe : il s’agit de garder la main sur les formes et les rythmes d’écologisation. » > [!accord] > « Plutôt que d’aider les classes populaires à réparer ellesmêmes leurs ustensiles ou à cuisiner des graines, ce qu’en général elles savent déjà très bien faire, ne faudrait-il pas mener un travail politique animé par le souci d’une reprise en main par les dominés eux-mêmes de leurs conditions de travail, de logement, d’éducation ou d’accès aux soins ? » > [!information] > « Une partie des classes populaires, celle qui mise sur la culture pour s’élever socialement (comme les employés de la fonction publique ou des services à la personne), peut faire valoir une forme d’« écocitoyennisme du pauvre » et ainsi se démarquer d’une frange de cette catégorie sociale qui privilégie la réussite consumériste (par exemple les employés de commerce, les petits artisans ou les agents de police). » > [!information] > « Finalement, plus on descend l’échelle sociale, plus l’écologie divise. Le premier à avoir décrit cette logique a été Joseph Cacciari, qui a montré comment la reconversion des mines de Gardanne, dans les Bouches-du-Rhône, avait eu pour effet la dévalorisation professionnelle et politique des mineurs au profit d’une autre fraction des classes populaires, celle de petits artisans boostés par l’arrivée des énergies renouvelables ou des nouveaux matériaux d’isolation. » > [!accord] > « Il faut considérer l’écologie comme une question de pouvoir : qui a le pouvoir de faire quoi ? Comment prendre le pouvoir aux élites qui le détiennent ? Probablement en s’organisant pour élaborer une alliance de classe ayant l’écologie comme levier et comme boussole. » > [!approfondir] > « Une conséquence politique qui peut être tirée des enquêtes exposées dans le livre, c’est qu’une alliance entre le versant culturel de la petite bourgeoisie et une large partie des classes populaires est possible. Du côté des mondes populaires, cette alliance de classe suppose de combattre les fractures qui les plombent en leur redonnant, à partir d’autres batailles écologiques, du pouvoir collectif et une fierté de classe. Du côté de la petite bourgeoisie culturelle, un travail militant pour politiser et détourner sa frange majoritaire des sirènes du capitalisme vert doit être entrepris. » > [!accord] > « Si toutes les personnes convaincues de l’urgence écologique passaient plus de temps à s’engager contre toutes les logiques concurrentielles au fondement de l’ordre établi, on peut imaginer que le rapport de force prendrait une tournure différente. »