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Auteur : [[Jean-Paul Sartre]]
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[Calibre](calibre://view-book/Calibre/XXX/epub)
Temps de lecture : 11 minutes
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# Citation
> [!livre]+
> - [[Résonance (livre)#^745d09|Résonance]]
# Note
> [!accord] Page 112
Ce mouvement d’épaules, je n’ai pas pu le retenir… La chose, qui attendait, s’est alertée, elle a fondu sur moi, elle se coule en moi, j’en suis plein. – Ce n’est rien : la Chose, c’est moi. L’existence, libérée, dégagée, reflue sur moi. J’existe.
> [!accord] Page 135
Au fond il est aussi seul que moi ; personne ne se soucie de lui. Seulement il ne se rend pas compte de sa solitude
> [!accord] Page 126
La vie a un sens si l’on veut bien lui en donner un. Il faut d’abord agir, se jeter dans une entreprise. Si ensuite l’on réfléchit, le sort en est jeté, on est engagé. Je ne sais ce que vous en pensez, monsieur ? — Rien », dis-je. Ou plutôt je pense que c’est précisément l’espèce de mensonge que se font perpétuellement le commis voyageur, les deux jeunes gens et le monsieur aux cheveux blancs
> [!accord] Page 109
Pour moi le passé n’était qu’une mise à la retraite : c’était une autre manière d’exister, un état de vacances et d’inaction ; chaque événement, quand son rôle avait pris fin, se rangeait sagement, de lui-même, dans une boîte et devenait événement honoraire : tant on a de peine à imaginer le néant
> [!accord] Page 15
Autrefois – longtemps même après qu’elle m’ait quitté – j’ai pensé pour Anny. Maintenant, je ne pense plus pour personne ; je ne me soucie même pas de chercher des mots
> [!accord] Page 146
Mais quel pauvre mensonge : personne n’a le droit ; ils sont entièrement gratuits, comme les autres hommes, ils n’arrivent pas à ne pas se sentir de trop. Et en eux-mêmes, secrètement, ils sont trop, c’est-à-dire amorphes et vagues, tristes
> [!accord] Page 149
Tout existant naît sans raison, se prolonge par faiblesse et meurt par rencontre. Je me laissai aller en arrière et je fermai les paupières. Mais les images, aussitôt alertées, bondirent et vinrent remplir d’existences mes yeux clos : l’existence est un plein que l’homme ne peut quitter
> [!accord] Page 129
Tous les dimanches, j’allais à la messe. Monsieur, je n’ai jamais été croyant. Mais ne pourrait-on pas dire que le vrai mystère de la messe, c’est la communion entre les hommes !
> [!accord] Page 47
Il est parti enchanté et j’ai éteint la lumière. À présent, je suis seul. Pas tout à fait seul. Il y a encore cette idée, devant moi, qui attend. Elle s’est mise en boule, elle reste là comme un gros chat ; elle n’explique rien, elle ne bouge pas et se contente de dire non. Non, je n’ai pas eu d’aventures
> [!accord] Page 147
L’existence n’est pas quelque chose qui se laisse penser de loin : il faut que ça vous envahisse brusquement, que ça s’arrête sur vous, que ça pèse lourd sur votre cœur comme une grosse bête immobile – ou alors il n’y a plus rien du tout
> [!accord] Page 192
Et moi aussi j’ai voulu être. Je n’ai même voulu que cela ; voilà le fin mot de ma vie : au fond de toutes ces tentatives qui semblaient sans liens, je retrouve le même désir : chasser l’existence hors de moi, vider les instants de leur graisse, les tordre, les assécher, me purifier, me durcir, pour rendre enfin le son net et précis d’une note de saxophone
> [!accord] Page 113
Ma pensée, c’est moi : voilà pourquoi je ne peux pas m’arrêter. J’existe par ce que je pense… et je ne peux pas m’empêcher de penser. En ce moment même – c’est affreux – si j’existe, c’est parce que j’ai horreur d’exister. C’est moi, c’est moi qui me tire du néant auquel j’aspire : la haine, le dégoût d’exister, ce sont autant de manières de me faire exister, de m’enfoncer dans l’existence
> [!accord] Page 129
Oui, monsieur, en 1919. C’est l’année de ma libération. J’ai passé des mois très pénibles. Je ne savais que faire, je dépérissais. Partout où je voyais des hommes rassemblés je me glissais dans leur groupe. Il m’est arrivé, ajoute-t-il en souriant, de suivre l’enterrement d’un inconnu. Un jour, de désespoir, j’ai jeté ma collection de timbres dans le feu… Mais j’ai trouvé ma voie
> [!accord] Page 136
Les hommes. Il faut les aimer les hommes. Les hommes sont admirables. J’ai envie de vomir – et tout d’un coup ça y est : la Nausée
> [!accord] Page 99
Je n’étais pas un grand-père, ni un père, ni même un mari. Je ne votais pas, c’était à peine si je payais quelques impôts : je ne pouvais me targuer ni des droits du contribuable, ni de ceux de l’électeur, ni même de l’humble droit à l’honorabilité que vingt ans d’obéissance confèrent à l’employé. Mon existence commençait à m’étonner sérieusement. N’étais-je pas une simple apparence ?
> [!accord] Page 173
Les malades aussi ont d’heureuses faiblesses qui leur ôtent, quelques heures, la conscience de leur mal. Je m’ennuie, c’est tout. De temps en temps je bâille si fort que les larmes me roulent sur les joues
> [!accord] Page 130
Je veux dire que je ne me sens plus seul. Mais naturellement, monsieur, il n’est pas nécessaire que je sois avec quelqu’un
> [!accord] Page 75
Et puis, quand Anny m’a quitté, d’un seul coup, d’une seule pièce, les trois ans se sont écroulés dans le passé. Je n’ai même pas souffert, je me sentais vide. Ensuite le temps s’est remis à couler et le vide s’est agrandi
> [!accord] Page 27
Les gens qui vivent en société ont appris à se voir, dans les glaces, tels qu’ils apparaissent à leurs amis. Je n’ai pas d’amis : est-ce pour cela que ma chair est si nue ? On dirait – oui, on dirait la nature sans les hommes
> [!accord] Page 148
Il y avait des imbéciles qui venaient vous parler de volonté de puissance et de lutte pour la vie. Ils n’avaient donc jamais regardé une bête ni un arbre ?
> [!accord] Page 97
Et c’était vrai, je m’en étais toujours rendu compte : je n’avais pas le droit d’exister. J’étais apparu par hasard, j’existais comme une pierre, une plante, un microbe. Ma vie poussait au petit bonheur et dans tous les sens. Elle m’envoyait parfois des signaux vagues ; d’autres fois je ne sentais rien qu’un bourdonnement sans conséquence
> [!accord] Page 160
Je le sais. Je sais que je ne rencontrerai plus jamais rien ni personne qui m’inspire de la passion. Tu sais, pour se mettre à aimer quelqu’un, c’est une entreprise. Il faut avoir une énergie, une curiosité, un aveuglement… Il y a même un moment, tout au début, où il faut sauter par-dessus un précipice : si on réfléchit, on ne le fait pas. Je sais que je ne sauterai plus jamais
> [!accord] Page 119
Je suis tout oreilles : je ne demande qu’à m’apitoyer sur les ennuis des autres, cela me changera. Je n’ai pas d’ennuis, j’ai de l’argent comme un rentier, pas de chef, pas de femmes ni d’enfants ; j’existe, c’est tout. Et c’est si vague, si métaphysique, cet ennui-là, que j’en ai honte
> [!accord] Page 47
Ce qui m’étonne, c’est de me sentir si triste et si las. Même si c’était vrai que je n’ai jamais eu d’aventures, qu’est-ce que ça pourrait bien me faire ?
> [!accord] Page 125
C’est que je pense, lui dis-je en riant, que nous voilà, tous tant que nous sommes, à manger et à boire pour conserver notre précieuse existence et qu’il n’y a rien, rien, aucune raison d’exister.
> [!accord] Page 15
Quand on vit seul, on ne sait même plus ce que c’est que raconter : le vraisemblable disparaît en même temps que les amis
> [!accord] Page 14
Ce n’est pas qu’elle soit riche, ma vie, ni lourde, ni précieuse. Mais j’ai peur de ce qui va naître, s’emparer de moi – et m’entraîner où ? Va-t-il falloir encore que je m’en aille, que je laisse tout en plan, mes recherches, mon livre ? Me réveillerai-je dans quelques mois, dans quelques années, éreinté, déçu, au milieu de nouvelles ruines ? Je voudrais voir clair en moi avant qu’il ne soit trop tard
> [!accord] Page 129
Vous allez pouvoir en juger, monsieur. Avant d’avoir pris cette décision, je me sentais dans une solitude si affreuse que j’ai songé au suicide. Ce qui m’a retenu, c’est l’idée que personne, absolument personne, ne serait ému de ma mort, que je serais encore plus seul dans la mort que dans la vie
> [!accord] Page 125
Non, ils ne mangent pas : ils réparent leurs forces pour mener à bien la tâche qui leur incombe
> [!accord] Page 135
Je contemple l’Autodidacte avec un peu de remords : il s’est complu toute la semaine à imaginer ce déjeuner, où il pourrait faire part à un autre homme de son amour des hommes. Il a si rarement l’occasion de parler. Et voilà : je lui ai gâché son plaisir
> [!accord] Page 107
Je n’écris plus mon livre sur Rollebon ; c’est fini, je ne peux plus l’écrire. Qu’est-ce que je vais faire de ma vie ?
> [!accord] Page 94
Elle me recevra comme si je l’avais quittée hier. Pourvu que je ne fasse pas la bête, que je ne l’indispose pas, pour commencer. Bien me rappeler de ne pas lui tendre la main, en arrivant : elle déteste ça.
> [!accord] Page 113
Je me lève en sursaut : si seulement je pouvais m’arrêter de penser, ça irait déjà mieux.
> [!accord] Page 113
Par exemple, cette espèce de rumination douloureuse : j’existe, c’est moi qui l’entretiens. Moi. Le corps, ça vit tout seul, une fois que ça a commencé
> [!accord] Page 50
Il n’y a pas de fin non plus : on ne quitte jamais une femme, un ami, une ville en une fois
> [!accord] Page 77
On ne met pas son passé dans sa poche ; il faut avoir une maison pour l’y ranger. Je ne possède que mon corps ; un homme tout seul, avec son seul corps, ne peut pas arrêter les souvenirs ; ils lui passent au travers. Je ne devrais pas me plaindre : je n’ai voulu qu’être libre
> [!accord] Page 132
Mais c’est un misanthrope scientifique, qui a su doser sa haine, qui ne hait d’abord les hommes que pour mieux pouvoir ensuite les aimer
> [!accord] Page 164
Écoute, lui dis-je spontanément, moi aussi je vais reconnaître mes torts. Je ne t’ai jamais bien comprise, je n’ai jamais essayé sincèrement de t’aider. Si j’avais su
> [!accord] Page 77
Ils ont des armoires pleines de bouteilles, d’étoffes, de vieux vêtements, de journaux ; ils ont tout gardé. Le passé, c’est un luxe de propriétaire
> [!accord] Page 14
Moi je vis seul, entièrement seul. Je ne parle à personne, jamais ; je ne reçois rien, je ne donne rien. L’Autodidacte ne compte pas
> [!accord] Page 50
Erna est revenue, elle s’est assise à côté de moi, elle m’a entouré le cou de ses bras et je l’ai détestée sans trop savoir pourquoi. Je comprends, à présent : c’est qu’il fallait recommencer de vivre et que l’impression d’aventure venait de s’évanouir
> [!accord] Page 177
Je regrette de ne pas l’avoir accompagné, mais il ne l’a pas voulu ; c’est lui qui m’a supplié de le laisser seul : il commençait l’apprentissage de la solitude
> [!accord] Page 65
Mais il n’y a pour moi ni lundi ni dimanche : il y a des jours qui se poussent en désordre, et puis, tout d’un coup, des éclairs comme celui-ci
> [!accord] Page 142
Je compris qu’il n’y avait pas de milieu entre l’inexistence et cette abondance pâmée. Si l’on existait, il fallait exister jusque-là, jusqu’à la moisissure, à la boursouflure, à l’obscénité
> [!accord] Page 89
j’étais là, debout devant une fenêtre dont les carreaux avaient un indice de réfraction déterminé. Mais quelles faibles barrières ! C’est par paresse, je suppose, que le monde se ressemble d’un jour à l’autre
> [!accord] Page 117
L’Autodidacte me regarde de côté avec des yeux rieurs. Il halète un peu, la bouche ouverte, comme un chien hors d’haleine. Je l’avoue : ce matin j’étais presque heureux de le revoir, j’avais besoin de parler
> [!accord] Page 61
Tout à l’heure comme chaque dimanche, elles allaient être déçues : le film serait idiot, leur voisin fumerait la pipe et cracherait entre ses genoux ou bien Lucien serait si désagréable, il n’aurait pas un mot gentil ou bien, comme par un fait exprès, justement aujourd’hui, pour une fois qu’on allait au cinéma, leur douleur intercostale allait renaître
> [!accord] Page 154
Elle semble parler d’aujourd’hui, tout au plus d’hier ; elle a conservé en pleine vie ses opinions, ses entêtements, ses rancunes d’autrefois. Pour moi, au contraire, tout est noyé dans un vague poétique ; je suis prêt à toutes les concessions
> [!accord] Page 132
« Qu’on me dise : j’écris pour une certaine catégorie sociale, pour un groupe d’amis. À la bonne heure. Peut-être écrivez-vous pour la postérité… Mais, monsieur, en dépit de vous-même, vous écrivez pour quelqu’un. »
> [!accord] Page 156
C’est absurde. C’est tout à fait le genre d’imaginations naturalistes que tu me reprochais autrefois. Tu sais : quand je t’imaginais veuve et mère de deux garçons. Et toutes ces histoires que je te racontais sur ce que nous deviendrons. Tu détestais ça.
> [!accord] Page 50
On a l’air de débuter par le commencement : « C’était par un beau soir de l’automne de 1922. J’étais clerc de notaire à Marommes. » Et en réalité c’est par la fin qu’on a commencé
> [!accord] Page 126
« Les hommes, lui dis-je, les hommes… en tout cas vous n’avez pas l’air de vous en soucier beaucoup : vous êtes toujours seul, toujours le nez dans un livre. »
> [!accord] Page 13
Ma passion était morte. Elle m’avait submergé et roulé pendant des années ; à présent, je me sentais vide
> [!accord] Page 15
Si on leur demande ce qu’ils ont fait hier, ils ne se troublent pas : ils vous mettent au courant en deux mots. À leur place, je bafouillerais. Il est vrai que personne, depuis bien longtemps, ne se soucie plus de l’emploi de mon temps
> [!accord] Page 87
Travailler ? Je savais bien que je n’écrirais pas une ligne. Encore une journée fichue. En traversant le jardin public je vis, sur le banc où je m’assieds d’ordinaire, une grande pèlerine bleue immobile. En voilà un qui n’a pas froid
> [!accord] Page 100
Les socialistes ? Eh bien, moi, je vais plus loin qu’eux ! » Lorsqu’on le suivait sur ce chemin périlleux on devait bientôt abandonner, en frissonnant, la famille, la patrie, le droit de propriété, les valeurs les plus sacrées
> [!accord] Page 151
Les choses, on aurait dit des pensées qui s’arrêtaient en route, qui s’oubliaient, qui oubliaient ce qu’elles avaient voulu penser et qui restaient comme ça, ballotantes, avec un drôle de petit sens qui les dépassait. Ça m’agaçait ce petit sens : je ne pouvais pas le comprendre, quand bien même je serais resté cent sept ans appuyé à la grille ; j’avais appris sur l’existence tout ce que je pouvais savoir. Je suis parti, je suis rentré à l’hôtel, et voilà, j’ai écrit
> [!accord] Page 67
Tout s’est arrêté ; ma vie s’est arrêtée : cette grande vitre, cet air lourd, bleu comme de l’eau, cette plante grasse et blanche au fond de l’eau, et moi-même, nous formons un tout immobile et plein : je suis heureux
> [!accord] Page 141
La Nausée ne m’a pas quitté et je ne crois pas qu’elle me quittera de sitôt ; mais je ne la subis plus, ce n’est plus une maladie ni une quinte passagère : c’est moi
> [!accord] Page 143
Je rêvais vaguement de me supprimer, pour anéantir au moins une de ces existences superflues. Mais ma mort même eût été de trop. De trop, mon cadavre, mon sang sur ces cailloux, entre ces plantes, au fond de ce jardin souriant. Et la chair rongée eût été de trop dans la terre qui l’eût reçue et mes os, enfin, nettoyés, écorcés, propres et nets comme des dents eussent encore été de trop : j’étais de trop pour l’éternité.
> [!accord] Page 88
J’avais envie de déjeuner avec lui comme de me pendre
> [!accord] Page 118
ils iront à leur travail. Moi, je n’irai nulle part, je n’ai pas de travail
> [!accord] Page 50
Quand on vit, il n’arrive rien. Les décors changent, les gens entrent et sortent, voilà tout. Il n’y a jamais de commencements. Les jours s’ajoutent aux jours sans rime ni raison, c’est une addition interminable et monotone
> [!accord] Page 87
En le voyant, j’eus un moment d’espoir : à deux, peut-être serait-il plus facile de traverser cette journée. Mais, avec l’Autodidacte, on n’est jamais deux qu’en apparence.
> [!accord] Page 135
« Au fond, vous les aimez, monsieur, vous les aimez comme moi : nous sommes séparés par des mots. »
> [!accord] Page 127
je vivais avec mes parents, qui étaient de bonnes gens, mais je ne m’entendais pas avec eux. Quand je pense à ces années-là… Mais comment ai-je pu vivre ainsi ? J’étais mort, monsieur, et je ne m’en doutais pas ; j’avais une collection de timbres-poste
> [!accord] Page 28
Alors la Nausée m’a saisi, je me suis laissé tomber sur la banquette, je ne savais même plus où j’étais ; je voyais tourner lentement les couleurs autour de moi, j’avais envie de vomir. Et voilà : depuis, la Nausée ne m’a pas quitté, elle me tient