> [!info]+ Auteur : [[Albert Camus]] Connexion : Tags : [Calibre](calibre://view-book/Calibre/XXX/epub) Temps de lecture : 13 minutes --- # Note ## PRÉFACE > [!accord] Page 15 Brice Parain prétend souvent que ce petit livre contient ce que j’ai écrit de meilleur. Parain se trompe. Je ne le dis pas, connaissant sa loyauté, à cause de cette impatience qui vient à tout artiste devant ceux qui ont l’impertinence de préférer ce qu’il a été à ce qu’il est. Non, il se trompe parce qu’à vingt-deux ans, sauf génie, on sait à peine écrire. Mais je comprends ce que Parain, savant ennemi de l’art et philosophe de la compassion, veut dire. Il veut dire, et il a raison, qu’il y a plus de véritable amour dans ces pages maladroites que dans toutes celles qui ont suivi. > [!accord] Page 16 La pauvreté, d’abord, n’a jamais été un malheur pour moi : la lumière y répandait ses richesses. Même mes révoltes en ont été éclairées. Elles furent presque toujours, je crois pouvoir le dire sans tricher, des révoltes pour tous, et pour que la vie de tous soit élevée dans la lumière. Il n’est pas sûr que mon cœur fût naturellement disposé à cette sorte d’amour. Mais les circonstances m’ont aidé. Pour corriger une indifférence naturelle, je fus placé à mi-distance de la misère et du soleil. La misère m’empêcha de croire que tout est bien sous le soleil et dans l’histoire ; le soleil m’apprit que l’histoire n’est pas tout. > [!accord] Page 16 Mais, après m’être interrogé, je puis témoigner que, parmi mes nombreuses faiblesses, n’a jamais figuré le défaut le plus répandu parmi nous, je veux dire l’envie, véritable cancer des sociétés et des doctrines. > [!accord] Page 16 Le mérite de cette heureuse immunité ne me revient pas. Je la dois aux miens, d’abord, qui manquaient de presque tout et n’enviaient à peu près rien. Par son seul silence, sa réserve, sa fierté naturelle et sobre, cette famille, qui ne savait même pas lire, m’a donné alors mes plus hautes leçons, qui durent toujours. Et puis, j’étais moi-même trop occupé à sentir pour rêver d’autre chose. Encore maintenant, quand je vois la vie d’une grande fortune à Paris, il y a de la compassion dans l’éloignement quelle m’inspire souvent. > [!accord] Page 16 On trouve dans le monde beaucoup d’injustices, mais il en est une dont on ne parle jamais, qui est celle du climat. De cette injustice-là, j’ai été longtemps, sans le savoir, un des profiteurs. J’entends d’ici les accusations de nos féroces philanthropes, s’ils me lisaient. Je veux faire passer les ouvriers pour riches et les bourgeois pour pauvres, afin de conserver plus longtemps l’heureuse servitude des uns et la puissance des autres. Non, ce n’est pas cela. Au contraire, lorsque la pauvreté se conjugue avec cette vie sans ciel ni espoir qu’en arrivant à l’âge d’homme j’ai découverte dans les horribles faubourgs de nos villes, alors l’injustice dernière, et la plus révoltante, est consommée : il faut tout faire, en effet, pour que ces hommes échappent à la double humiliation de la misère et de la laideur. Né pauvre, dans un quartier ouvrier, je ne savais pourtant pas ce qu’était le vrai malheur avant de connaître nos banlieues froides. Même l’extrême misère arabe ne peut s’y comparer, sous la différence des ciels. Mais une fois qu’on a connu les faubourgs industriels, on se sent à jamais souillé, je crois, et responsable de leur existence. > [!accord] Page 17 Mais je veux seulement souligner que la pauvreté ne suppose pas forcément l’envie. Même plus tard, quand une grave maladie m’ôta provisoirement la force de vie qui, en moi, transfigurait tout, malgré les infirmités invisibles et les nouvelles faiblesses que j’y trouvais, je pus connaître la peur et le découragement, jamais l’amertume. Cette maladie sans doute ajoutait d’autres entraves, et les plus dures, à celles qui étaient déjà les miennes. Elle favorisait finalement cette liberté du cœur, cette légère distance à l’égard des intérêts humains qui m’a toujours préservé du ressentiment. > [!accord] Page 17 même, mes passions d’homme n’ont jamais été « contre ». Les êtres que j’ai aimés ont toujours été meilleurs et plus grands que moi. La pauvreté telle que je l’ai vécue ne m’a donc pas enseigné le ressentiment, mais une certaine fidélité, au contraire, et la ténacité muette. S’il m’est arrivé de l’oublier, moi seul ou mes défauts en sommes responsables, et non le monde où je suis né. > [!accord] Page 18 N’est-ce pas le souvenir des vérités entrevues dans L’Envers et l’Endroit qui m’a toujours empêché d’être à l’aise dans l’exercice public de mon métier et qui m’a conduit à tant de refus qui ne m’ont pas toujours fait des amis ? À ignorer le compliment ou l’hommage, en effet, on laisse croire au complimenteur qu’on le dédaigne alors qu’on ne doute que de soi. De même, si j’avais montré ce mélange d’âpreté et de complaisance qui se rencontre dans la carrière littéraire, si même j’avais exagéré ma parade, comme tant d’autres, j’aurais reçu plus de sympathies car, enfin, j’aurais joué le jeu. Mais qu’y faire, ce jeu ne m’amuse pas ! L > [!accord] Page 19 « Il n’y a pas d’amour de vivre sans désespoir de vivre », ai-je écrit, non sans emphase, dans ces pages. Je ne savais pas à l’époque à quel point je disais vrai ; je n’avais pas encore traversé les temps du vrai désespoir. Ces temps sont venus et ils ont pu tout détruire en moi, sauf justement l’appétit désordonné de vivre. Je souffre encore de cette passion à la fois féconde et destructrice qui éclate jusque dans les pages les plus sombres de L’Envers et l’Endroit. Nous ne vivons vraiment que quelques heures de notre vie, a-t-on dit. Cela est vrai dans un, sens, faux dans un autre. > [!accord] Page 19 Comme tout le monde, j’ai essayé, tant bien que mal, de corriger ma nature par la morale. C’est, hélas ! ce qui m’a coûté le plus cher. Avec de l’énergie, et j’en ai, on arrive parfois à se conduire selon la morale, non à être. Et rêver de morale quand on est un homme de passion, c’est se vouer à l’injustice, dans le temps même où l’on parle de justice. L’homme m’apparaît parfois comme une injustice en marche : je pense à moi. > [!accord] Page 19 Qu’importe ! Je voulais seulement marquer que, si j’ai beaucoup marché depuis ce livre, je n’ai pas tellement progressé. Souvent, croyant avancer, je reculais. Mais, à la fin, mes fautes, mes ignorances et mes fidélités m’ont toujours ramené sur cet ancien chemin que j’ai commencé d’ouvrir avec L’Envers et l’Endroit, dont on voit les traces dans tout ce que j’ai fait ensuite et sur lequel, certains matins d’Alger, par exemple, je marche toujours avec la même légère ivresse. ## L’RONIE > [!accord] Page 23 contait ses pauvres aventures : des niaiseries mises très haut, des lassitudes qu’il célébrait comme des victoires. Il ne ménageait pas de silences dans son récit, et, pressé de tout dire avant d’être quitté, il retenait de son passé ce qu’il pensait propre à toucher ses auditeurs. Se faire écouter était son seul vice : il se refusait à voir l’ironie des regards et la brusquerie moqueuse dont on l’accablait. Il était pour eux le vieillard dont on sait que tout allait bien de son temps, quand il croyait être l’aïeul respecté dont l’expérience fait poids > [!accord] Page 23 Il fut bientôt seul, malgré ses efforts et ses mensonges pour rendre son récit plus attrayant. Sans égards, les jeunes étaient partis. De nouveau seul. N’être plus écouté : c’est cela qui est terrible lorsqu’on est vieux. On le condamnait au silence et à la solitude. On lui signifiait qu’il allait bientôt mourir. Et un vieil homme qui va mourir est inutile, même gênant et insidieux. Qu’il s’en aille. À défaut, qu’il se taise : c’est le moindre des égards. Et lui souffre parce qu’il ne peut se taire sans penser qu’il est vieux. > [!accord] Page 24 Quand il a longtemps regardé le vieil homme du même regard lourd de tristesse, il s’en va, silencieusement. Derrière lui, un bruit sec tombe du loquet et le vieux reste là, horrifié, avec, dans le ventre, sa peur acide et douloureuse. Tandis que dans la rue, il n’est pas seul, si peu de monde qu’on rencontre. Sa fièvre chante. Son petit pas se presse : demain tout changera, demain. Soudain il découvre ceci que demain sera semblable, et après-demain, tous les autres jours. Et cette irrémédiable découverte l’écrase. Ce sont de pareilles idées qui vous font mourir. Pour ne pouvoir les supporter, on se tue - ou si l’on est jeune, on en fait des phrases. > [!accord] Page 24 Mais une fois enfoncés dans l’âge, ils savent bien que c’est faux. Ils ont besoin des autres hommes pour se protéger. Et pour lui, il fallait qu’on l’écoutât pour qu’il crût à sa vie. Maintenant, les rues étaient plus noires et moins peuplées. Des voix passaient encore. Dans l’étrange apaisement du soir, elles devenaient plus solennelles. Derrière les collines qui encerclaient la ville, il y avait encore des lueurs de jour. Une fumée, imposante, on ne sait d’où venue, apparut derrière les crêtes boisées. Lente, elle s’éleva et s’étagea comme un sapin. Le vieux ferma les yeux. Devant la vie qui emportait les grondements de la ville et le sourire niais indifférent du ciel, il était seul, désemparé, nu, mort déjà. > [!accord] Page 25 Tout ça ne se concilie pas ? La belle vérité. Une femme qu’on abandonne pour aller au cinéma, un vieil homme qu’on n’écoute plus, une mort qui ne rachète rien et puis, de l’autre côté, toute la lumière du monde. Qu’est-ce que ça fait, si on accepte tout ? Il s’agit de trois destins semblables et pourtant différents. La mort pour tous, mais à chacun sa mort. Après tout, le soleil nous chauffe quand même les os. ## ENTRE OUI ET NON > [!approfondir] Page 27 Les soirs d’été, les ouvriers se mettent au balcon. Chez lui, il n’y avait qu’une toute petite fenêtre. On descendait alors des chaises sur le devant de la maison et l’on goûtait le soir. Il y avait la rue, les marchands de glaces à côté, les cafés en face, et des bruits d’enfants courant de porte en porte. Mais surtout, entre les grands ficus, il y avait le ciel. Il y a une solitude dans la pauvreté, mais une solitude qui rend son prix à chaque chose. A un certain degré de richesse, le ciel lui-même et la nuit pleine d’étoiles semblent des biens naturels. Mais au bas de l’échelle, le ciel reprend tout son sens : une grâce sans prix. Nuits d’été, mystères où crépitaient des étoiles ! Il y avait derrière l’enfant un couloir puant et sa petite chaise, crevée, s’enfonçait un peu sous lui. Mais les yeux levés, il buvait à même la nuit pure. Parfois passait un tramway, vaste et rapide. Un ivrogne enfin chantonnait au coin d’une rue sans parvenir à troubler le silence. > [!accord] Page 28 La mère a sursauté. Elle a eu peur. Il a l’air idiot à la regarder ainsi. Qu’il aille faire ses devoirs. L’enfant a fait ses devoirs. Il est aujourd’hui dans un café sordide. Il est maintenant un homme. N’est-ce pas cela qui compte ? Il faut bien croire que non, puisque faire ses devoirs et accepter d’être un homme conduit seulement à être vieux. > [!accord] Page 29 On l’estime. Et puis, un soir, rien : il rencontre un ami qu’il a beaucoup aimé. Celui-ci lui parle distraitement. En rentrant, l’homme se tue. On parle ensuite de chagrins intimes et de drame secret. Non. Et s’il faut absolument une cause, il s’est tué parce qu’un ami lui a parlé distraitement. Ainsi, chaque fois qu’il m’a semblé éprouver le sens profond du monde, c’est sa simplicité qui m’a toujours bouleversé. > [!accord] Page 29 « Alors, maman. - Alors, voilà. - Tu t’ennuies ? Je ne parle pas beaucoup ? - Oh, tu n’as jamais beaucoup parlé. » Et un beau sourire sans lèvres se fond sur son visage. C’est vrai, il ne lui a jamais parlé. Mais quel besoin, en vérité ? À se taire, la situation s’éclaircit. Il est son fils, elle est sa mère. Elle peut lui dire : « Tu sais. » Elle est assise au pied du divan, les pieds joints, les mains jointes sur ses genoux. Lui, sur sa chaise, la regarde à peine et fume sans arrêt Un silence. « Tu ne devrais pas tant fumer. - C’est vrai. » Toute > [!accord] Page 30 ’est sans conviction qu’il a parlé de son père. Aucun souvenir, aucune émotion. Sans doute, un homme comme tant d’autres. D’ailleurs, il était parti très enthousiaste. À la Marne, le crâne ouvert. Aveugle et agonisant pendant une semaine : inscrit sur le monument aux morts de sa commune ## LA MORT DANS L’ÂME > [!accord] Page 31 Autour de moi, un million d’êtres qui avaient vécu jusque-là et de leur existence rien n’avait transpiré pour moi. Ils vivaient. J’étais à des milliers de kilomètres du pays familier. Je ne comprenais pas leur langage. Tous marchaient vite. Et me dépassant, tous se détachaient de moi. Je perdis pied > [!accord] Page 32 Tout pays où je ne m’ennuie pas est un pays qui ne m’apprend rien. C’est avec de telles phrases que j’essayais de me remonter. > [!accord] Page 33 Églises, or et encens, tout me rejette dans une vie quotidienne où mon angoisse donne son prix à chaque chose. Et voici que le rideau des habitudes, le tissage confortable des gestes et des paroles où le cœur s’assoupit, se relève lentement et dévoile enfin la face blême de l’inquiétude. > [!approfondir] Page 33 L’homme est face à face avec lui-même : je le défie d’être heureux... Et c’est pourtant par là que le voyage l’illumine. Un grand désaccord se fait entre lui et les choses. Dans ce cœur moins solide, la musique du monde entre plus aisément. Dans ce grand dénuement enfin, le moindre arbre isolé devient la plus tendre et la plus fragile des images. Oeuvres d’art et sourires de femmes, races d’hommes plantées dans leur terre et monuments où les siècles se résument, c’est un émouvant et sensible paysage que le voyage compose. Et puis, au bout du jour, cette chambre d’hôtel où quelque chose à nouveau se creuse en moi comme une faim de l’âme. » > [!accord] Page 35 Ce silence intérieur qui m’accompagne, il naît de la course lente qui mène la journée à cette autre journée. Qu’ai-je à souhaiter d’autre que cette chambre ouverte sur la plaine, avec ses meubles antiques et ses dentelles au crochet. J’ai tout le ciel sur la face et ce tournoiement des journées, il me semble que je pourrais le suivre sans cesse, immobile, tournoyant avec elles. Je respire le seul bonheur dont je sois capable - une conscience attentive et amicale. Je me promène tout le jour : de la colline, je descends vers Vicence ou bien je vais plus avant dans la campagne. Chaque être rencontré, chaque odeur de cette rue, tout m’est prétexte pour aimer sans mesure. > [!accord] Page 35 Un peu avant midi, je sortais et me dirigeais vers un point que je connaissais et qui dominait l’immense plaine de Vicence. Le soleil était presque au zénith, le ciel d’un bleu intense et aéré. Toute la lumière qui en tombait dévalait la pente des collines, habillait les cyprès et les oliviers, les maisons blanches et les toits rouges, de la plus chaleureuse des robes, puis allait se perdre dans la plaine qui fumait au soleil. Et chaque fois, c’était le même dénuement. En moi, l’ombre horizontale du petit homme gros et court. Et dans ces plaines tourbillonnantes au soleil et dans la poussière, dans ces collines rasées et toutes croûteuses d’herbes brûlées, ce que je touchais du doigt, c’était une forme dépouillée et sans attraits de ce goût du néant que je portais en moi. > [!accord] Page 36 Parfois, seulement, une odeur aigre de concombre et de vinaigre vient réveiller mon inquiétude. Il faut alors que je pense à Vicence. Mais les deux me sont chères et je sépare mal mon amour de la lumière et de la vie d’avec mon secret attachement pour l’expérience désespérée que j’ai voulu décrire. On l’a compris déjà, et moi, je ne veux pas me résoudre à choisir. Dans la banlieue d’Alger, il y a un petit cimetière aux portes de fer noir. Si l’on va jusqu’au bout, c’est la vallée que l’on découvre avec la baie au fond. On peut longtemps rêver devant cette offrande qui soupire avec la mer. Mais quand on revient sur ses pas, on trouve une plaque « Regrets éternels », dans une tombe abandonnée. Heureusement, il y a les idéalistes pour arranger les choses. ## AMOUR DE VIVRE > [!accord] Page 39 Seuls, mon silence et mon immobilité rendaient plausible ce qui ressemblait si fort à une illusion. J’entrais dans le jeu. Sans être dupe, je me prêtais aux apparences, Un beau soleil doré chauffait doucement les pierres jaunes du cloître. Une femme puisait de l’eau au puits. Dans une heure, une minute, une seconde, maintenant peut-être, tout pouvait crouler. Et pourtant le miracle se poursuivait. Le monde durait, pudique, ironique et discret (comme certaines formes douces et retenues de l’amitié des femmes). Un équilibre se poursuivait, coloré pourtant par toute l’appréhension de sa propre fin. > [!accord] Page 39 Non, si le langage de ces pays s’accordait à ce qui résonnait profondément en moi, ce n’est pas parce qu’il répondait à mes questions, mais parce qu’il les rendait inutiles. Ce n’était pas des actions de grâces qui pouvaient me monter aux lèvres, mais ce Nada qui n’a pu naître que devant des paysages écrasés de soleil. Il n’y a pas d’amour de vivre sans désespoir de vivre. ## Retour à la table des matières > [!accord] Page 41 Une brise, et les ombres s’animent sur le rideau. Qu’un nuage couvre puis découvre le soleil, et de l’ombre émerge le jaune éclatant de ce vase de mimosas. Il suffit : une seule lueur naissante, me voilà rempli d’une joie confuse et étourdissante. C’est un après-midi de janvier qui me met ainsi en face de l’envers du monde. Mais le froid reste au fond de l’air. Partout une pellicule de soleil qui craquerait sous l’ongle, mais qui revêt toutes choses d’un éternel sourire. > [!accord] Page 41 Moi aussi, je me promène, mais c’est un dieu qui me caresse. La vie est courte et c’est péché de perdre son temps. Je suis actif, dit-on. Mais être actif, c’est encore perdre son temps, dans la mesure où l’on se perd. > [!accord] Page 42 Mais parce que je n’aime pas qu’on triche. Le grand courage, c’est encore de tenir les yeux ouverts sur la lumière comme sur la mort. Au reste, comment dire le lien qui mène de cet amour dévorant de la vie à ce désespoir secret. Si j’écoute l’ironie [7], tapie au fond des choses, elle se découvre lentement. Clignant son œil petit et clair : « Vivez comme si... », dit-elle. Malgré bien des recherches, c’est là toute ma science. Après tout, je ne suis pas sûr d’avoir raison. Mais ce n’est pas l’important si je pense à cette femme dont on me racontait l’histoire. Elle allait mourir et sa fille l’habilla pour la tombe pendant qu’elle était vivante. Il paraît en effet que la chose est plus facile quand les membres ne sont pas raides. Mais c’est curieux tout de même comme nous vivons parmi des gens pressés.