Auteur : [[Frantz Fanon]]
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# Note
> [!accord] Page 29
C’est le blanc qui crée le nègre. Mais c’est le nègre qui crée la négritude. À l’offensive colonialiste autour du voile, le colonisé oppose le culte du voile.
> [!accord] Page 133
Dans leurs voitures, les Européens ne se contentent pas de transporter des médicaments et des hommes. Ils transportent aussi des armes. Pistolet-mitrailleur, caisses de grenades peuvent ainsi franchir tous les barrages, les Européens n’étant jamais fouillés. Il est même arrivé que des voitures d’Européens soient fouillées et que l’Européen, pour éviter d’être inquiété, motive la présence de ces armes par un désir d’être prêt « à casser les reins aux Arabes ». Une telle position enthousiasme le « service d’ordre » chargé du contrôle routier et très souvent le bistrot le plus proche accueille cette fraternité « anti indigène ».
> [!accord] Page 97
Le sanatorium de Tizi-Ouzou, les blocs opératoires de l’hôpital Mustapha à Alger, quand ils sont présentés par les autorités françaises aux visiteurs, veulent dire à la fois : « Voilà ce que nous avons fait pour les hommes de ce pays ; ce pays nous doit tout ; sans nous, il n’y aurait pas de pays. » Il y a une véritable restriction mentale chez l’indigène, une difficulté de situation à être objectif, à séparer le bon grain de l’ivraie.
> [!accord] Page 143
Nous eûmes droit à un discours de bonne sœur. Il nous expliqua longuement qu’il fallait protéger la population civile innocente mais s’opposa formellement à ce qu’on fasse une quête en faveur des familles innocentes des emprisonnés politiques. Dans la salle nous étions atterrés. Dehors la foule des fascistes scandait : « Algérie française » et hurlait : «[[Albert Camus|Camus]] au poteau».
> > [!cite] Note
> Non pas comme ça camus...
^54ac76
> [!accord] Page 35
Ou bien c’est avec vingt, trente, quarante mil-lions que la femme algérienne se déplace, portant l’argent de la Révolu-tion dans son sac on dans une petite valise, cet argent qui servira à subvenir aux besoins des familles de prisonniers ou à acheter des mé- dicaments et des vivres à l’intention des maquis.
> [!accord] Page 100
On ne saurait donc trouver aberrant, sur le plan du processus mental, que des individus, habitués à pratiquer cer-tains gestes devant une maladie donnée, à adopter certaines conduites en présence de la maladie conçue comme désordre, refusent de les abandonner parce que d’autres gestes leur sont imposés, c’est-à-dire que la nouvelle technique s’installe en force et ne tolère la persistance d’aucun lambeau traditionnel.
> [!accord] Page 120
L’U.D.M.A. 33 également, dans ses tex-tes doctrinaux, rappelle constamment à ses militants la nécessité stratégique et politique de ne pas rejeter tous les Européens du côté colonialiste. Signalons d’ailleurs que plusieurs Européens sont à cette époque membre de l’U.D.M.A.
> > [!cite] Note
> Bah oui tu peux avoir des alliés même chez l'adversaire, il faut de la dialectique et surtout pas cancel
> [!accord] Page 10
Cet homme qui doit être jugé, sans code, sans loi, par la seule conscience que chacun a de ce qui doit se faire et de ce qui doit être interdit, n’est pas un homme nouveau dans le groupe de combat. Il a donné depuis plusieurs mois des preuves irrécusables d’abnégation, de patriotisme, de courage. Pourtant il faut le juger
> [!accord] Page 16
Ce peuple, perdu pour l’histoire, qui retrouve un drapeau, un gou-vernement, reconnu déjà par de nombreux Etats, ne peut plus reculer maintenant. Ce \[14\] peuple analphabète qui écrit les pages les plus bel-les et les plus émouvantes de la lutte pour la liberté ne peut pas recu-ler ni se taire
> [!accord] Page 144
Fin décembre 1956, je quittai Blida pour Paris. Un faisceau d’arguments expliquait ce départ ou cette fuite déguisée. En dehors des raisons familiales, j’avais surtout besoin de recul. Ne travaillant pas pour le Front, je me rendais compte de mon inutilité. En outre la naissance du terrorisme urbain reposa des problèmes de cons-cience que, dans l’ambiance surchauffée d’Algérie, je ne pouvais abor-der la tête froide. Enfin la crainte (peu fondée) de ma femme de me voir arrêté (mais les arrestations arbitraires étaient monnaie couran-te) fut sans doute l’argument décisif
> > [!cite] Note
> La question du terrorisme est encore une fois à réfléchir pour les actions futures en terme d'écologie. Je pense que c'est une pistes de réflexions qui peut amener à des actes et choix politique déterminant. Cependant avec la monte de l'ED, ces questions doivent être absolument étudier. Il faut réfléchir au questions de violence pour le future
> [!accord] Page 33
La ville européenne n’est pas le prolongement de la ville autochtone. Les colonisateurs ne se sont pas installés au milieu des indigènes. Ils ont cerné la ville autochtone, ils ont organisé le siège. Toute sortie de la Kasbah d’Alger débouche chez l’ennemi. De même à Constantine, à Oran, à Blida, à Bône.
> [!accord] Page 28
C’est ainsi que le viol de la femme algérienne dans un rêve d’Européen est toujours précédé de la déchirure du voile. On assiste là à une double défloration. De même la conduite de la femme n’est ja-mais d’adhésion ou d’acceptation, mais de prosternation.
> [!accord] Page 99
En territoire colonial, de telles situations se trouvent multipliées. Les morts subites d’Algériens dans les hôpitaux, chose courante dans n’importe quelle formation sanitaire, sont interprétées comme les ef-fets d’une décision meurtrière et consciente, comme le résultat de manœuvres criminelles du médecin européen. Le refus de l’hospitalisation par l’Algérien admet toujours cette frange de doute sur l’humanité foncière du médecin dominateur
> > [!cite] Note
> Forme de complotisme. Le rapport avec la défiance des français envers leur gouv rapproche à de même comportement
> [!accord] Page 54
En 1952-1953, le Maroc entreprend sa guerre de libération et, le 1er novembre 1954, l’Algérie rejoint le Front Maghré- bin anticolonialiste
> [!accord] Page 122
En Algérie, les forces de gauche n’existent pas. Il est impensable que des démocrates européens militent réellement en Algérie en de-hors du Parti Communiste algérien. On sait que même le P.C.A., pendant longtemps s’est cantonné dans un réformisme type Union Française, et que de longs mois après le 1er novembre 1954 les communistes algé- riens ont dénoncé les « terroristes provocateurs », en d’autres termes le F.L.N.
> [!accord] Page 88
La femme algérienne, assez fré- quemment, par allusions ou de façon explicite reproche à son mari l’inactivité, le non-engagement, le non-militantisme. C’est la période au cours de laquelle les jeunes filles, entre elles, juraient de ne pas se laisser marier à un homme qui n’appartiendrait pas au F.L.N. La femme algérienne, en perdant toute prudence \[98\] perd aussi tout instinct de conservation du foyer
> [!accord] Page 97
Quand l’indigène, après un gros effort en direction de la vérité, parce que supposant les dé- fenses surmontées, dit : « Cela c’est bien. Je vous le dis parce que je le pense », le colonisateur transforme et traduit : « Ne partez pas, car que ferions-nous sans vous ? »
> [!accord] Page 114
Or, les pharmaciens ont été catégoriques : la vente du vaccin antitétanique est interdite. Des di-zaines et \[130\] des dizaines d’Algériens peuvent aujourd’hui nous dé- crire la mort lente, effroyable, d’un blessé, progressivement paralysé, puis tordu, puis de nouveau paralysé par la toxine tétanique. Personne ne reste jusqu’à la fin dans la chambre, disent-ils en conclusion
> > [!cite] Note
> À vérifier mais il s'est passé une chose similaire avec le covid
> [!approfondir] Page 27
Dans une consultation médicale par exemple, à la fin de la matinée, il est fréquent d’entendre les médecins européens exprimer leur dé- ception. Les femmes qui se dévoilent devant eux sont banales ..., vul-gaires..., il n’y a vraiment pas de quoi faire un mystère... On se deman-de ce qu’elles cachent
> [!information] Page 124
Mascara, avant la fin du règne colonial qu’ils sentent proche, font cou-ler le plus possible de sang d’homme colonisé. Ceux-là ne \[142\] sont de nulle part. Maintenant que l’empire colonial français est agité par ses derniers soubresauts, les Français gagneraient à les identifier. S’ils retournent en France, ces hommes devront être surveillés. Les chacals ne se nourrissent pas de lait du jour au lendemain. Le goût du sang et du crime est tenacement installé au centre même de ces créatures qui, il faut tout de même le dire, relèvent exclusivement des aliénistes
> [!accord] Page 76
L’existence de la lutte de Libération nationale, le caractère pro-gressivement total de la répression infligent des traumatismes graves au groupe familial : père raflé dans la rue en compagnie de ses enfants, dénudé en même temps qu’eux, torturé sous leurs yeux, fraternité vé- cue et aiguë d’hommes aux épaules nues, meurtries, ensanglantées ; mari arrêté, interné, emprisonné ; ce sont les femmes qui doivent alors trouver les moyens d’empêcher les enfants de mourir de faim
> [!accord] Page 99
C’est toujours à la dernière minute, quand il n’y a presque plus d’espoir que l’accord est donné. Même alors, l’homme qui prend la déci-sion, la prend contre le groupe ; et comme le cas est désespéré, comme la décision a été trop retardée, la mort survient la plupart du temps
> [!accord] Page 43
Répondant à la classique excuse de l’immaturité des peuples coloniaux et de leur incapacité à se bien administrer, cet homme réclamait pour les peuples sous-développés « le droit de se mal gouverner »
> [!accord] Page 123
Les Européennes et les Européens arrêtés et torturés par les ser-vices de police et les parachutistes français, par leur attitude sous les sévices, ont précisément montré la justesse de cette position du F.L.N. Pas un Français vraiment qui ait révélé aux policiers colonialistes des choses capitales pour la Révolution. Au contraire, les Européens arrêtés résistaient suffisamment pour permettre aux autres membres du réseau de disparaître. Le torturé européen s’est comporté comme un authentique militant dans le combat national pour l’indépendance
> [!accord] Page 111
Sur le plan strictement technique, le médecin européen collabore activement avec les forces coloniales dans ce qu’elles ont de plus épou-vantable et de plus dégradant. Nous voudrions citer ici quelques-unes des pratiques exercées en Algérie par le corps médical européen et qui éclairent certains « assassinats » de médecins
> [!accord] Page 89
Evidemment, ils ne sont jamais formulés, mais nulle révolution ne fait table rase défi-nitivement et sans séquelles de mécanismes presque instinctifs. « Il n’y a rien de tel que d’entendre quelqu’un demander ta femme au télé- phone. Tu appelles ta femme, tu lui passes l’écouteur, et tu t’entends inviter à quitter la chambre... puis ta femme s’en va et revient quel-quefois quatre heures ou quatre jours plus tard. Aucune explication ne t’est donnée, mais tu ne peux pas ignorer l’action dans laquelle elle est engagée puisque c’est toi qui l’as mobilisée. C’est toi qui lui as inculqué les règles strictes de la clandestinité. »
> [!accord] Page 45
. La vérité est que l’étude d’un peuple occupé, soumis militairement à une domi-nation implacable, requiert des garanties difficilement réunies. Ce n’est pas le sol qui est occupé. Ce ne sont pas les ports ni les aérodromes. Le colonialisme français s’est installé au centre même de l’individu algérien et y a entrepris un travail soutenu de ratissage, d’expulsion de soi-même, de mutilation rationnelle-ment poursuivie.
> [!accord] Page 30
Il fallait compliquer la machine, c’est-à-dire augmenter ses réseaux sans altérer son efficacité. Les femmes ne pouvaient pas être conçues comme produit de remplacement, mais comme élément capable de ré- pondre adéquatement aux nouvelles tâches
> [!accord] Page 66
En fin de soirée, n’entendant pas la Voix, il arrive à l’auditeur d’abandonner l’aiguille sur une bande de brouillage ou de simples parasites, et de décréter que là se trouve la voix des combattants. Pendant une heure, la salle s’emplit du bruit lancinant et pénible du brouillage. L’Algérien, derrière chaque modulation, chaque grésillement actif, devine non seulement des paro-les, mais des batailles concrètes
> [!accord] Page 25
Les forces occupantes, en portant sur le voile de la femme algé- rienne le maximum de leur action psychologique, devaient évidemment récolter quelques résultats. Çà et là il arrive donc que l’on « sauve » une femme qui, symboliquement, est dévoilée.
> > [!cite] Note
> Le fameux il faut sauver la femme indigène... Pathétique
> [!accord] Page 138
Une litanie d’injures faisait vite place aux arguments : « un traître, salaud, pro-arabe, communiste, anti-français » et surtout l’injure suprême « mendessiste ». (Je n’avais jamais vu d’homme aussi haï, que Mendès-France sauf Soustelle, mendessite et Juif notoire qui trahissait la France en voulant donner l’Algérie aux Arabes.)
> [!accord] Page 85
L’attitude du père à l’égard des autres filles restées à la maison ou de toute autre femme rencontrée dans la rue se modifie de façon ra-dicale. Et la fille qui n’est pas montée au maquis, qui ne milite pas, connaît la place capitale des femmes dans la lutte révolutionnaire. Les hommes cessent d’avoir raison. Les femmes cessent d’être silencieu-ses. La société algérienne dans le combat libérateur, dans les sacrifi-ces qu’elle consent pour se libérer du colonialisme se renouvelle et fait exister des valeurs inédites de nouveaux rapports intersexuels
> > [!cite] Note
> Oui c'est ce que je disais hier... Les société évolue quand les dominations tombent
> [!accord] Page 117
La chasse aux eaux stagnantes est en-treprise et la lutte contre les ophtalmies néo-natales obtient des ré- sultats spectaculaires. Ce ne sont plus les mères qui négligent leurs enfants, mais l’auréomycine qui arrive à manquer. Le peuple veut gué- rir, veut se soigner et désire comprendre les explications des frères médecins ou infirmiers 30. Des écoles d’infirmiers et d’infirmières sont ouvertes et l’illettré, en quelques jours, arrive à pratiquer les in-jections intra-veineuses.
> [!accord] Page 84
Le femme-pour-le-mariage disparaît progressive-ment et cède la place à la femme-pour-l’action. La jeune fille fait place à la militante, la femme indifférenciée à la sœur.
> [!accord] Page 88
Militant de toujours, le mari disparaît fréquemment et parfois elle trouve sous l’oreiller un revolver. Au moment où les fouilles se suc-cèdent, la femme demande de plus en plus au mari de la mettre au cou-rant. Elle exige d’être renseignée sur certains noms et adresses de militants à prévenir en cas d’arrestation du mari
> [!accord] Page 114
Pourtant l’Algérien, en confiant quelquefois ses achats à un Euro-péen, le voit sans difficultés revenir avec les médicaments attendus. Cet Algérien avait auparavant supplié tous les pharmaciens de la locali-té, et il avait finalement abandonné, ayant senti le regard dur et inqui-siteur du dernier pharmacien. L’Européen revient, les mains remplies de médicaments, détendu, innocent. Ces expériences n’ont pas facilité à l’Algérien des jugements nuancés sur la minorité européenne. La science dépolitisée, la science mise au service de l’homme est souvent un non-sens aux colonies. Pour cet Algérien qui, pendant des heures a mendié sans succès, l’argent à la main, cent grammes de coton stérile, le monde colonialiste constitue un bloc monolithique
> [!accord] Page 131
Il arrive également que des colons acceptent les armes qui leur sont délivrées par l’armée française — sous le couvert d’auto-protection — et cèdent à l’A.L.N. celles qu’ils avaient antérieurement. Enfin, depuis le début de la Révolution, il est constant qu’un grand nombre d’agriculteurs européens aident financièrement la Révolution algérienne
> [!accord] Page 106
Il existe une ambivalence manifeste du groupe colonisé à l’égard de tout membre qui acquiert une technique ou les manières du conquérant. Pour le groupe, en effet, le technicien in-digène est comme la preuve vivante que n’importe lequel de ses mem-bres est capable d’être ingénieur, avocat ou médecin.
> [!information] Page 36
Mais c’est à partir de 1956 que son activité prend des dimensions véritablement gigantesques. Devant \[38\] répondre coup sur coup au massacre des civils algériens dans les montagnes et dans les villes, la direction de la Révolution se voit acculée, si elle ne veut pas voir la terreur prendre au ventre le peuple, à adopter des formes de lutte jusque-là écartées. On n’a pas suffisamment analysé ce phénomène, on n’a pas suffisamment insisté sur les raisons qui amènent un mouvement révolutionnaire à choisir cette arme qui s’appelle le terrorisme
> [!accord] Page 60
Pour l’Algérien, réclamer L’Express, L’Humanité ou Le Monde, c’est avouer publiquement et le plus souvent à un indicateur de police, son allégeance à la Révolution ; c’est, en tout cas, indiquer sans précaution, qu’on prend ses distances par rapport aux informations officielles donc « colonialistes » ; c’est manifester sa volonté de se singulariser ; c’est, pour le tenancier du kiosque, l’affirmation sans am-biguïté par cet Algérien, d’une solidarité avec la Révolution. L’achat de tel journal est ainsi assimilé à un acte nationaliste. \[65\] Donc, c’est très rapidement un acte dangereux
> [!accord] Page 23
Chaque Algérien est appelé au bureau directorial et nommément convié à venir avec « sa petite famille ». L’entreprise étant une grande famille, il serait mal vu que certains viennent sans leurs épouses, vous comprenez, n’est-ce pas ?... Devant cette mise en demeure, l’Algérien connaît quelquefois des moments difficiles. Venir avec \[22\] sa femme, c’est s’avouer vain-cu, c’est « prostituer sa femme », l’exhiber, abandonner une modalité de résistance. Par contre, y aller seul, c’est refuser de donner satis-faction au patron, c’est rendre possible le chômage
> [!accord] Page 9
Dans une guerre de Libération, le peuple colonisé doit gagner, mais il doit le faire pro-prement sans « barbarie ». Le peuple européen qui torture est un peu-ple déchu, traître à son histoire. Le peuple sous-développé qui torture assure sa nature, fait son travail de peuple sous-développé. Le peuple sous-développé est obligé, s’il ne veut pas être moralement condamné par les « Nations Occidentales », de pratiquer le fair-play, tandis que son adversaire s’aventure, la conscience en paix, dans la découverte illimitée de nouveaux moyens de terreur
> [!accord] Page 36
Les responsables Algériens qui, compte tenu de l’intensité de la ré- pression et du caractère forcené de l’oppression, supposaient pouvoir répondre sans problèmes de conscience graves, aux coups, décou-vraient que les crimes les plus horribles ne constituent pas une excuse suffisante à certaines décisions.
> [!accord] Page 34
Porteuses de messages, d’ordres verbaux compliqués, appris par coeur quelquefois par des femmes sans aucune instruction, telles sont quelques-unes des missions qui sont confiées à la femme algérienne.
> [!accord] Page 38
Le Fidaï algérien, à l’inverse des déséquilibrés anarchistes rendus célèbres par la littérature, ne se \[41\] drogue pas. Le Fidaï n’a pas be-soin d’ignorer le danger, d’obscurcir sa conscience ou d’oublier. Le « terroriste » dès qu’il accepte une mission, laisse entrer la mort dans son âme. C’est avec la mort qu’il a désormais rendez-vous. Le Fidaï, lui, a rendez-vous avec la vie de la Révolution, et sa propre vie. Le Fidaï n’est pas un sacrifié. Certes, il ne recule pas devant la possibilité de perdre sa vie pour l’indépendance de la Patrie, mais à aucun moment il ne choisit la mort
> [!accord] Page 151
La Révolution en profondeur, la vraie, parce que précisément elle change l’homme et renouvelle la société, est très avancée. Cet oxygène qui invente et dispose une nouvelle humanité, c’est cela aussi la Révolu-tion Algérienne.
> [!accord] Page 98
C’est que la colonisation, après s’être appuyée sur la conquête mili-taire et le système policier, va trouver la justification de son existen-ce et la légitimation de sa persistance dans ses œuvres.
> [!accord] Page 90
Et d’abord le fait de courir ensemble des dangers, \[100\] de se retourner dans le lit cha-cun de son côté, chacun avec son morceau de secret. C’est aussi la conscience de collaborer à l’immense travail de destruction du monde de l’oppression. Le couple n’est plus fermé sur lui-même. Il ne trouve plus sa fin en lui-même. Il n’est plus le résultat de l’instinct naturel de perpétuation de l’espèce, ni le moyen institutionnalisé de satisfaire sa sexualité. Le couple devient la cellule de base de la cité, le noyau fé- cond de la Nation. Le couple algérien, en devenant un maillon de l’organisation révolutionnaire, se transforme en unité d’existence
> [!accord] Page 84
Cette femme qui, dans les avenues d’Alger ou de Constantine transporte les grenades ou les chargeurs de fusil-mitrailleur, cette femme qui demain sera outragée, violée, torturée, ne peut pas repenser jusque dans les détails les plus infimes ses comportements anciens ; cette femme qui écrit les pages héroïques de l’histoire algérienne fait exploser le mon-de rétréci et irresponsable dans lequel elle vivait, et conjointement collabore à la destruction du colonialisme et à la naissance d’une nou-velle femme.
> [!accord] Page 111
Le médecin colonisateur, cependant, va, par certaines attitudes, renforcer son appartenance à la société dominatrice. Lorsque commen-ce l’instruction judiciaire d’Algériens non décédés au cours des inter-rogatoires policiers, il arrive à la défense de demander un examen mé- dico-légal. Satisfaction est quelquefois donnée aux avocats. Le méde-cin européen désigné, conclut toujours que rien, dans l’examen, ne peut laisser supposer que l’inculpé ait été torturé
> [!accord] Page 51
Radio-Alger en-tretient l’érection de la culture de l’occupant, la départage de la non-culture, de la nature de l’occupé. Radio-Alger, la voix de la France en Algérie, constitue le seul centre de référence au niveau de l’information. Radio-Alger, c’est, quotidiennement pour le colon, une [[Frantz Fanon]], Sociologie d’une révolution. (L’an V de la Révolution algérienne) 52 invitation à ne pas se métisser, à ne pas oublier le bon droit de sa culture. Les blédards de la colonisation, les aventuriers défricheurs, le savent bien qui ne cessent de répéter que « sans le pinard et la radio, nous nous serions déjà arabisés 11. »
> [!accord] Page 30
Mais décider d’incorporer la femme comme maillon capital, de faire dépendre la Révolution de sa présence et de son action dans tel ou tel secteur, c’était évidemment une attitude totalement révolutionnaire
> [!accord] Page 94
Quand les hommes ne sont pas internés, on les trouve au maquis et les mères qui reçoivent les allocations familiales distribuées par le Front de Li-bération élèvent toutes seules les enfants
> [!accord] Page 92
Le mari doit expli-quer pourquoi il divorce. Il y a des tentatives de réconciliation. De tou-tes façons, la décision dernière reste au responsable local. La famille sort renforcée de cette épreuve où tout aura été mis en œuvre par le colonialisme pour briser la volonté du peuple. C’est au milieu des dan-gers les plus graves, que l’Algérien invente des formes modernes d’existence et confère à la personne son maximum de poids.
> [!accord] Page 65
Parole de l’Algérie en lutte et Voix de chaque Algérien, le caractère quasi fantomatique de la radio des Moudjahidines, confère au combat son maximum d’existence.
> [!accord] Page 53
L’explication semble davantage se trouver, dans le fait que Radio-Alger est perçue par l’Algérien, comme le monde colonial parlé. Avant la guerre, l’humour de l’Algérien lui avait fait définir Radio-Alger : « Des Français parlent aux Français. »
> [!accord] Page 81
Le père, collaborateur notoire de l’administration colonialiste, dans l’exercice même de sa profession est acculé à choisir : caïd, policier, bachagha, élu préfabriqué, il se voit tout à la fois rejeté et condamné par la nouvelle Algérie qu’incarne son fils.
> [!accord] Page 126
Enfin l’Algérie coloniale étant un pays éminemment raciste, on y trouve les différents mécanismes de la psychologie raciste. C’est ainsi que le Juif, méprisé et mis à l’écart par l’Européen, est tout heureux dans certaines occasions de faire corps avec ceux qui l’humilient pour humilier à son tour l’Algérien. Mais il est très rare, sauf dans la région de Constantine où les Juifs pauvres et nombreux prospèrent à l’ombre du règne colonial, de voir des Juifs, en plein jour, affirmer leur appar-tenance aux groupes ultras d’Algérie
> [!accord] Page 15
ils modifient le monde, n’aura jamais été aussi manifeste qu’en Algérie. Cette épreuve de force ne remodèle pas seulement la cons-cience que l’homme a de lui-même, l’idée qu’il se fait de ses anciens dominateurs ou du monde, enfin à sa portée
> [!accord] Page 58
Il arrive que ces « illuminés » soient seulement blessés et confiés aux services de police pour interrogatoire. La nature pathologique du comportement n’est pas perçue, et des jours entiers, l’inculpé est tor-turé jusqu’à ce que la presse informe le public qu’il a été abattu en tentant de fuir au cours d’un déplacement, ou qu’il est mort d’une ma-ladie intercurrente
> [!accord] Page 83
Indéfiniment tenue pour mineure, la femme se doit de trouver le plus rapidement possible un tuteur, et le père tremble de mourir et d’abandonner sa fille sans soutien, donc incapable de survi-vre.
> [!accord] Page 52
Le poste de T.S.F., en Algérie occupée, est une techni-que de l’occupant qui, dans le cadre de la domination coloniale, ne ré- pond à aucun besoin vital de « l’indigène ».
> [!accord] Page 39
Porteuse de revolvers, de grenades, de centaines de fausses cartes d’identité ou de bombes, la femme algérienne dévoilée évolue comme un poisson dans l’eau occidentale
> [!accord] Page 67
Nous avons vu que la voix entendue n’est pas indifférente, n’est pas neutre : c’est la voix de l’oppresseur, celle de l’ennemi. La pa-role n’est point reçue, déchiffrée, comprise, mais rejetée. La commu-nication n’est jamais en question, mais refusée, car précisément l’ouverture de soi à l’autre est organiquement exclue de la situation coloniale.
> [!accord] Page 141
On créa un groupe d’études qui devait tra-vailler certaines questions d’ordre économique : nous voulant Algériens, il nous parut évident à tous que notre devoir était soit \[163\] d’aller au maquis, soit de nous préparer sérieusement à être les futurs cadres du pays... Nos qualités de combattants étant plus que douteuses et comme nous n’étions pas des héros, la sagesse l’emporta sans mal. Mais nous étions prêts à aider le Front s’il nous le demandait
> [!accord] Page 140
La dissolution du P.C.A., les restrictions toujours plus grandes des libertés publiques, l’irritation croissante des Européens, la montée du fascisme que nous \[162\] suivions chez nos camarades étudiants nous confirmèrent dans notre idée. Il fallait créer une force de gauche so-lide à la Faculté, capable de s’opposer victorieusement à la poussée fasciste, créer un bulletin d’information pour faire prendre conscience aux étudiants européens d’abord, à une partie de la communauté ensui-te. Pour ambitieux qu’il fût, ce programme n’était pas inutile. L’importance prise par les étudiants fascistes le 6 février et le 13 mai le montre bien. Il s’avéra malheureusement irréalisable
> [!accord] Page 23
Par contre, l’avocat et le médecin sont dénoncés avec une exceptionnelle vigueur. Ces intel-lectuels, qui maintiennent leurs épouses dans un état de semi-esclavage, sont littéralement désignés du doigt. La société coloniale s’insurge avec véhémence contre cette mise à l’écart de la femme al-gérienne. On s’inquiète, on se préoccupe de ces malheureuses, condam-nées « à faire des gosses », emmurées, interdites
> > [!cite] Note
> Oui se comporter avec les femmes de cette manière n'est pas la solution et il faut changer ça. Mais imposer un féminisme occidentale, blanc à des femmes des pays du sud ce n'est pas possible enfaîte, ça va coincer à un moment
> [!accord] Page 109
Le médecin algérien est intéressé, économiquement, au maintien de l’oppression coloniale. Il ne s’agit pas de valeurs ou de principes, mais du niveau de vie incomparablement élevé que lui procure la situation coloniale. C’est ce qui explique que très souvent il se transforme en chef de milices ou en organisateur de raids « contre-terroristes ».
> > [!cite] Note
> BOURGEOIS
> [!accord] Page 147
Très rapidement, je prends conscience de mon appartenance \[170\] au camp de ceux qui se battent pour une Nation Algérienne. Les tortu-res innombrables que j’aurais, dans l’exercice de mes fonctions, l’occasion de voir, renforceront ma haine du colonialisme : Algériens écartelés par deux camions militaires allant en sens contraire, tortu-res classiques par eau, électricité, pendaison par le pouce, les testicu-les
> [!accord] Page 22
Dans le programme colonialiste, c’est à la femme que revient la mission historique de bousculer l’homme algérien. Convertir la femme, la gagner aux valeurs étrangères, l’arracher à son statut, c’est à la fois conquérir un pouvoir réel sur l’homme et posséder les moyens prati-ques, efficaces, de destructurer la culture algérienne.
> [!information] Page 31
La ténacité de l’occupant dans son entreprise de dévoi-ler les femmes, d’en faire une alliée dans l’œuvre de destruction cultu-relle a renforcé les conduites traditionnelles.
> [!accord] Page 37
À partir d’un certain moment, une partie du peuple admet le doute dans son esprit et se demande si vraiment il est possible de résister quantitativement et qualitativement aux offensives de l’occupant. La liberté mérite-t-elle que l’on pénètre dans ce circuit énorme du terrorisme et du contre-terrorisme ? Cette disproportion n’exprime-t-elle pas l’impossibilité d’échapper à l’oppression ?
> [!accord] Page 23
le caractère sadique et pervers des liens et des relations, montreraient en raccourci, au niveau psychologique, la tra-gédie de la situation coloniale, l’affrontement pied à pied de deux sys-tèmes, l’épopée de la société colonisée avec ses spécificités d’exister, face à l’hydre colonialiste
> [!accord] Page 13
Pourquoi le gouvernement français ne met-il pas fin à la guerre d’Algérie ? Pourquoi refuse-t-il de négocier avec les membres du gou-vernement algérien ? Telles sont les questions qu’un homme honnête, en 1959, est amené à se poser. Ce n’est pas assez de dire que le colonialisme est encore puissant en France. Ce n’est pas suffisant de dire que le Sahara a modifié les données du problème. Tout cela est vrai, mais il y a autre chose. Il nous semble qu’en Al-gérie le point capital où trébuchent les bonnes volontés et les gouver-nements français est la minorité européenne. C’est pourquoi nous avons consacré tout un chapitre à cette question.
> [!accord] Page 26
Cette femme qui voit sans être vue frustre le colonisateur. Il n’y a pas réciprocité. Elle ne se livre pas, ne se donne pas, ne s’offre pas. L’Algérien a, à l’égard de la femme algérienne, une attitude dans l’ensemble claire. Il ne la voit pas. Il y a même volonté permanente de ne pas apercevoir le profil féminin, de ne pas faire attention aux fem-mes. Il n’y a donc pas chez l’Algérien, dans la rue ou sur une route, cette conduite de la rencontre intersexuelle que l’on décrit aux ni-veaux du regard, de la prestance, de la tenue musculaire, des diffé- rentes conduites troublées auxquelles nous a habitués la phénoménolo-gie de la rencontre. L’Européen face à l’Algérienne veut voir. Il réagit de façon agressi-ve devant cette limitation de sa perception. Frustration et agressivité ici encore vont évoluer en parfaite harmonie.
> [!accord] Page 121
On a souvent prétendu que le F.L.N. ne faisait aucune discrimination entre les différents membres de la société européenne d’Algérie. Ceux qui profèrent de telles accusations ignorent, et la politique depuis longtemps définie par le Front à l’égard des Européens d’Algérie, et l’appui constant qu’apportent à nos unités ou à nos cellules politiques des centaines et des centaines d’Européens et d’Européennes. Ce que nous avons dit, c’est que le peuple algérien, de manière spontanée per- çoit le système oppressif, par l’importance du peuplement européen et, surtout, par le silence et l’inactivité des démocrates français en Algé- rie, eu égard à la violence affirmée et souveraine des colonialistes.
> [!accord] Page 61
Au niveau des masses, restées relativement à l’écart de cette lut-te, autour de la presse écrite, la nécessité se fait sentir de se procu-rer des postes de T.S.F. Il ne faut pas oublier en effet que l’analphabétisme généralisé du peuple le laissait indifférent aux choses écrites. Dans les premiers mois de la Révolution, la grande majorité, des Algériens identifiait \[66\] toute chose écrite dans la langue fran- çaise à l’expression du pouvoir conquérant. La morphologie de l’écriture de l’Express ou de l’Echo d’Alger, était le signe de la présence françai-se.
> [!accord] Page 85
Depuis longtemps il n’était plus permis de mettre en doute la mo-ralité d’une patriote. Et puis surtout le combat est dur, proche, impla-cable. Il faut faire vite. La fille monte donc au maquis, toute seule avec des hommes. Des mois et des mois, les parents seront sans nou-velles d’une jeune fille de 18 ans qui couche dans les forêts ou dans les grottes, qui parcourt le djebel habillée en homme, un fusil entre les mains
> [!accord] Page 24
Parler de \[24\] contre-acculturation dans une situation coloniale est un non-sens. Les phénomènes de résistance observés chez le colonisé doivent être rapportés à une attitude de contre-assimilation, de maintien d’une originalité culturelle, donc nationale.
> [!accord] Page 19
Dans le monde arabe, par exemple, le voile dont se drapent les femmes est immédia-tement vu par le touriste. On peut pendant longtemps ignorer qu’un Musulman ne consomme pas \[17\] de porcs ou s’interdit les rapports sexuels diurnes pendant le mois de Ramadhan, mais le voile de la fem-me apparaît avec une telle constance qu’il suffit, en général, à caracté- riser la société arabe
> [!accord] Page 49
Nous aurons l’occasion de montrer tout au long de ce livre, que la contesta-tion du principe même de la domination étrangère, entraîne des muta-tions essentielles dans la conscience du colonisé, dans la perception qu’il a du colonisateur, dans sa situation d’homme dans le monde.
> [!accord] Page 43
On se voile par tradition, par séparation rigide des sexes, mais aussi parce que l’occupant veut dévoiler l’Algérie
> [!accord] Page 56
Pendant les premiers mois de la guerre, c’est avec la presse écrite que l’Algérien tente d’organiser son système d’information. La presse démocratique encore existante en Algérie et les journaux à tradition anticolonialiste ou à volonté d’objectivité sont alors avidement lus par l’autochtone
> [!accord] Page 36
Pendant la résistance française, le terrorisme visait des militaires, des Allemands en occupation, ou les installations stratégiques de l’ennemi. La technique du terrorisme est la même. Attentats indivi-duels ou attentats collectifs par bombes ou déraillements de trains. Dans la situation coloniale, précisément en Algérie où le peuplement européen est important et où les milices territoriales ont rapidement engagé le postier, l’infirmier et l’épicier dans le système répressif, le responsable de la lutte se trouve confronté à une situation absolument nouvelle.
> [!information] Page 21
Des sociétés d’entraide et de solidarité avec les femmes algérien-nes se multiplient. Les lamentations s’organisent. « On veut faire honte à l’Algérien du sort qu’il réserve à la femme. » C’est la période d’effervescence et de mise en application de toute une technique \[20\] d’infiltration au cours de laquelle des meutes d’assistantes sociales et d’animatrices d’œuvres de bienfaisance se ruent sur les quartiers ara-bes
> [!accord] Page 57
Les déclarations officielles de la radio le renfor-cent dans cette position. L’Algérien, lui, surtout celui des régions rura-les, complète son absence d’informations par une surenchère absolu-ment irrationnelle. C’est alors que surviennent des réactions tellement disproportionnées avec la réalité objective, qu’elles revêtent aux yeux de l’observateur une allure pathologique
> [!accord] Page 57
Dans les pays du Maghreb, les Européens appellent téléphone ara-be, la rapidité relative avec laquelle, de bouche à oreille, les nouvelles sont diffusées dans la société autochtone. À aucun moment il n’a été question de dissimuler autre chose sous cette expression ou sous ce vocable.
> [!accord] Page 24
Dans les grandes agglomérations, il est tout à fait banal d’entendre un \[23\] Européen confesser avec aigreur n’avoir jamais vu la femme d’un Algérien qu’il fréquente depuis vingt ans. À un niveau d’appréhension plus diffus, mais hautement révélateur, on trouve la constatation amère que « nous travaillons en vain »... que « l’Islam tient sa proie ».
> > [!cite] Note
> Et l'injonction à présenter sa femme au collègue. Alors oui l'empêcher de sortir c'est un comportement patriarcal et vraiment malsain mais l'injonction aussi enfaîte
> [!accord] Page 129
Nous savons aussi que dans la lut-te commune, \[148\] Musulmans et Juifs se sont découverts frères de race, et qu’ils éprouvent un attachement profond et définitif pour la Patrie algérienne
> > [!cite] Note
> Discours qui pourrai être pertinent si l'ed veut au pouvoir
> [!accord] Page 138
Ils n’avaient pas demandé que la réunion se tienne le 8 mai, mais puisque certains semblaient accorder à cet anniversaire une cer-taine importance, lui en attachait une plus grande, « le 8 mai est un jour de deuil pour nous, Algériens ; manifester le 8 mai, \[159\] c’est dire aux colonialistes que nous n’avons pas oublié, que nous n’oublierons jamais. » Ces propos choquèrent quelque peu les Européens, il y eut un certain malaise, les Européens, une fois de plus, refusant de voir en face la réalité politique, et voulant se limiter au cadre strict de la lé- galité républicaine. Finalement le meeting fut interdit
> [!accord] Page 13
Les hommes et les femmes d’Algérie, aujourd’hui, ne ressemblent ni à ceux de 1930, ni à ceux de 1954, ni déjà à ceux de 1957. La vieille Algérie est morte
> [!accord] Page 64
Écouter la Voix de l’Algérie combattante, ce n’est pas souci d’écouter l’autre partie, mais exigence intérieure de faire corps avec la Nation en lutte, de reprendre et d’assumer la nouvelle formation nationale, d’écouter et de redire la grandiose épopée accomplie là-haut dans les rochers et sur les djebels.
> [!accord] Page 79
Confu-sément, il est vrai, le père a autrefois saisi au passage quelques lam-beaux de phrases, quelques significations acérées, mais jamais la déci-sion de combattre l’occupant les armes à la main. Pas un Algérien ce-pendant qui ne se soit posé la question de la nécessaire mise en ques-tion de l’oppression. Tout Algérien a, au moins une fois dans sa vie, lors d’une réunion, ou simplement d’une discussion, formé le voeu d’une dé- faite du colonialisme.
> [!accord] Page 38
C’est pourquoi il faut suivre le cheminement parallèle de cet homme et de cette femme, de ce couple qui porte la mort à l’ennemi, la vie à la Révolution. L’un appuyant l’autre, mais apparemment étrangers l’un à l’autre. L’une transformée radicalement en Européenne, pleine d’aisance et de désinvolture, insoupçonnable, noyée dans le milieu, et l’autre, étranger, tendu, s’acheminant vers son destin.
> [!accord] Page 42
Or, l’ennemi est prévenu, et dans les rues, c’est le tableau classique de femmes algériennes collées au mur, \[46\] sur le corps desquelles on promène inlassablement les fameux détecteurs magnétiques, les « poê- les à frire ». Toute femme voilée, toute Algérienne devient suspecte. Il n’y a pas de discrimination. C’est la période au cours de laquelle, hommes, femmes, enfants, tout le peuple algérien expérimente tout à la fois son unité, sa vocation nationale et la refonte de la nouvelle so-ciété algérienne.
> [!accord] Page 15
L’éventualité d’une victoire sur la rébellion n’est plus à écarter, proclame le général Challe. Il ne faut pas ironiser. Tous les généraux en chef de toutes les guerres coloniales répètent les mêmes choses, mais comment ne comprennent-ils pas qu’aucune rébellion n’est jamais vaincue. Qu’est-ce que cela peut bien vouloir dire, vaincre une rébel-lion ?
> [!accord] Page 86
La fille algé- rienne qui émerge dans le ciel mouvementé de l’histoire convie son père à une sorte de mutation, d’arrachement à soi-même. Demander à une femme qui, quotidiennement affronte la mort si elle « est sérieuse » devient grotesque et dérisoire. La fille militante, en adoptant de nou-velles conduites échappe aux traditionnelles coordonnées. Les ancien-nes valeurs, les phobies stérilisantes et infantilisantes disparaissent
> [!accord] Page 12
« Avoir un fusil, être membre de l’Armée de Libération Na-tionale est la seule chance qui reste à l’Algérien de donner à sa mort un sens. La vie sous la domination, depuis longtemps est vi-de de signification... »
> [!accord] Page 41
Le père décide alors d’exiger des explications. Dès les premières paroles, il s’arrête. Au regard ferme de la jeune fille, le père comprend que l’engagement dans l’action est ancien. La vieille peur du déshonneur est balayée par une nouvelle peur toute fraîche et froide, celle de la mort au combat ou de la torture de la jeune fille. La famille tout entière derrière la fille, le père algérien, l’ordonnateur de toutes choses, le fondateur de toute valeur, sur les traces de la fille, s’infiltrent, sont engagés dans la nouvelle Algérie.
> [!accord] Page 113
C’est ainsi que des psychiatres d’Alger, connus de nombreux prisonniers, ont pra-tiqué des électro-chocs à des inculpés et les ont interrogés à la phase de réveil caractérisée ici aussi par une certaine confusion, un relâche-ment des résistances, une disparition des défenses de la personne. Lorsque par hasard ces hommes sont libérés parce que, malgré cette barbarie, le médecin n’a obtenu aucun renseignement, c’est une per-sonnalité en lambeaux qui nous est confiée. Le travail de reconstruc-tion de l’homme est alors extrêmement difficile et c’est là un des nombreux crimes dont se sera rendu coupable le colonialisme français en Algérie 29.
> [!accord] Page 63
Les autorités françaises, cependant, commencent à s’apercevoir de l’importance de ce progrès populaire dans la technique de l’information. Après quelques mois d’hésitation, les mesures légales apparaissent. La vente des radios est alors interdite, sous réserve de production d’un bon délivré par la sécurité militaire ou les services de police. La vente des postes à piles fait l’objet d’une interdiction absolue et les piles de \[69\] rechange sont pratiquement retirées du marché. Les commer- çants algériens ont alors l’occasion, en multipliant les fraudes, de faire acte de patriotisme, assurant ainsi, avec une régularité exceptionnelle, l’approvisionnement du peuple en piles de rechange 13.
> [!accord] Page 57
Depuis 1954, l’Européen consta-te qu’une autre vie s’est mise en branle, parallèlement à la sienne et que dans la société algérienne, semble-t-il, les choses ne se répètent plus comme avant. L’Européen, après 1954, sait qu’on lui cache quelque chose. C’est la période où la vieille expression péjorative du téléphone arabe prend une signification presque scientifique
> [!accord] Page 8
La guerre d’Algérie, la plus hallucinante qu’un peuple ait menée pour briser l’oppression coloniale. Ses adversaires aiment affirmer que la Révolution algérienne est composée de sanguinaires. Les démocrates dont elle avait la sympathie lui répètent quant à eux, qu’elle a commis des erreurs.
> [!accord] Page 14
Un million d’otages embarbelés et voici que l’alarme est donnée par les Français eux-mêmes : « Les médicaments n’agissent plus sur ces regroupés, tant est profond leur délabrement physiologique. » Alors ? Le colonialisme se bat pour renforcer sa domination et l’exploitation humaine et économique
> [!accord] Page 17
Les rapports nouveaux, ce n’est pas le remplacement d’une barbarie par une autre barbarie, d’un écrasement de l’homme par un autre écra-sement de l’homme. Ce que nous, Algériens, voulons, c’est découvrir l’homme derrière le colonisateur ; cet homme, à la fois ordonnateur et victime d’un système qui l’avait étouffé et réduit au silence. Quant à nous, nous avons depuis de longs mois réhabilité l’homme colonisé algé- rien. Nous avons arraché l’homme algérien à l’oppression séculaire et implacable. Nous nous sommes mis debout et nous avançons mainte-nant. Qui peut nous réinstaller dans la servitude ? Nous voulons une Algérie ouverte à tous, propice à tous les génies. Cela nous le voulons et nous le ferons. Nous ne pensons pas qu’il existe quelque part une force capable de nous en empêcher
> [!accord] Page 62
Les autorités françaises ne comprirent pas sur le moment, l’importance exceptionnelle de cette modification du peuple algérien à l’égard du poste de radio. Les vieilles résistances intra-familiales ex-plosent et l’on peut voir dans un douar des groupes de familles où pè- res, mères, filles, au coude-à-coude, scrutent l’écran du poste dans l’attente de la Voix de l’Algérie.
> [!accord] Page 68
Aussi paradoxal que cela paraisse, c’est la Révolution algérienne, c’est la lutte du peuple algérien qui faci-lite la diffusion de la langue française dans la Nation.
> [!accord] Page 10
Non, ce n’est pas vrai que la Révolution soit allée aussi loin que le colonialisme. Mais nous ne légitimons pas pour autant les réactions immédiates de nos compatriotes. Nous les comprenons, mais nous ne pouvons ni les excuser ni les rejeter
> [!accord] Page 96
La science médicale occidentale introduite en Algérie en même temps que le racisme et l’humiliation, a toujours, en tant que partie du système oppressif, provoqué chez l’autochtone une attitude ambivalen-te
> [!accord] Page 145
Peine perdue... Les Parisiens ne se souciaient que de leurs sorties, que de leur théâtre, que de leurs vacances préparées trois mois à l’avance. Je me pris à les détester, à mépriser en bloc tous ces Français qui envoyaient leurs fils torturer en Algérie et qui ne se préoccupaient que de leur petite boutique. Je rejetai toute apparte-nance à la nation française. Décidément mon peuple ce n’était pas ce peuple bourgeois sans idéal, c’était ce peuple qui souffrait et mourait tous les jours dans les djebels et dans les chambres de tortures.
> [!accord] Page 30
La décision d’engager les femmes comme éléments actifs dans la Révolution algérienne ne fut pas prise à la lé- gère.
> [!accord] Page 145
Ce séjour en France me fut finalement très profitable. Il me confirma ce que je pressentais déjà : que je n’étais pas Français, que je n’avais jamais été Français. La langue, la culture cela ne suffit pas pour appartenir à un peuple. Il faut autre chose : une vie commune, des expériences et des souvenirs communs, des buts communs. Tout cela me manquait en France. Mon séjour en France me montra mon apparte-nance à une communauté algérienne, me montra étranger en France
> [!accord] Page 77
A l’immobilité crispée de la société dominée, les partis nationalistes essaient de substituer la prise de conscience, le mouvement, la création. Le peuple, dans son ensemble, donne raison à ces partis, mais il a un souvenir aigu de la férocité légendaire des militaires et des policiers français. Des témoins de l’invasion coloniale, encore en vie il y a 30 ou 40 ans, lui ont souvent raconté des scènes de la conquête. Dans de nombreuses régions d’Algérie sont conservés les récits de massacres et d’enfumades
> [!accord] Page 53
Il y a aussi ces manifestations commémorati-ves où les anciens combattants « musulmans » sont invités à déposer une gerbe au pied de la statue du général Bugeaud ou du sergent Blan-dan, tous deux héros de la conquête et liquidateurs de milliers de pa-triotes algériens
> [!accord] Page 105
Dans un grand nombre de cas, la pratique de la tradition est une prati-que troublée, le colonisé ne pouvant rejeter complètement les décou-vertes modernes et l’arsenal de lutte contre les maladies que repré- sentent les hôpitaux, les ambulances, les infirmières... Mais le colonisé qui accepte l’intervention de la technique médicale, s’il ne va pas à l’hôpital sera l’objet de pressions importantes de la part de son grou-pe
> [!information] Page 25
Chaque voile qui tombe, chaque corps qui se libère de l’étreinte traditionnelle du haïk, chaque visage qui s’offre au regard hardi et impatient de l’occupant, exprime en négatif que l’Algérie commence à se renier et accepte le viol du co-lonisateur. La société algérienne avec chaque voile abandonné semble accepter de se mettre à l’école du \[25\] maître et décider de changer ses habitudes sous la direction et le patronage de l’occupant.
> [!accord] Page 97
. Le peuple colonisé considéré dans sa totalité et à l’occasion de certains événements, va réagir de façon brutale, indiffé- renciée, catégorique, \[109\] devant les secteurs d’activité du groupe dominant. À l’extrême, il ne sera pas étonnant de recueillir les ré- flexions suivantes : « On ne vous avait rien demandé ; mais qui vous a appelés ? Prenez vos hôpitaux et vos installations portuaires et re-tournez chez vous. »