Auteur : [[Nicolas Sersiron]] Connexion : Tags : --- # Note > [!accord] Page 4 « L’idée de propriété privée, qui semble si naturelle aux bourgeois, a été lente à se glisser dans la tête humaine. Quand les hommes ont commencé à réfléchir, ils ont, au contraire, pensé que tout devait être à tous. Les Indiens, dit Heckewelder, croient que le Grand Esprit a créé le monde et tout ce qu’il contient pour le bien commun des hommes : quand il peupla la terre et remplit de gibier les bois, ce n’était pas pour l’avantage de quelques-uns, mais de tous. Toute chose est donnée en commun à tous les enfants des hommes. Tout ce qui respire sur terre et pousse dans les champs ; tout ce qui vit dans les rivières et dans les eaux est conjointement à tous, et chacun a droit à sa part. L’hospitalité n’est pas chez eux une vertu, mais un devoir impérieux. Ils se coucheraient sans manger plutôt que d’être accusés d’avoir négligé leurs devoirs en ne satisfaisant pas les besoins de l’étranger, du malade ou du nécessiteux, parce qu’ils ont un droit commun d’être secourus aux dépens du fonds commun ; parce que le gibier dont on les a nourris, s’il a été pris dans la forêt, était la propriété de tous, avant que le chasseur ne l’eût capturé ; parce que les légumes et le maïs qu’on lui a offerts ont poussé sur la terre commune, non par la puissance de l’homme, mais par celle du Grand Esprit. » Paul Lafargue1 > [!information] Page 6 La sage-femme peut enfin couper le cordon ombilical avec la vielle paire de ciseaux rouillés du centre de santé. Honoré, le médecin, m’expliquera plus tard le drame des enfants qui naissent avec les os brisés ! Des femmes enceintes arrivent en urgence la nuit après des marches de plusieurs heures. Elles sont aussitôt renvoyées par l’infirmier à la boutique de la ville, distante de quelques centaines de mètres, pour y acheter une bougie et une compresse. Alors, parfois, le bébé naît au cours de cette ultime marche et se fracture les os en tombant du ventre de sa mère dans la poussière du chemin ! Ce témoignage a dix ans. En 2014, la vie est toujours aussi injuste pour quelques milliards de nos frères et sœurs humains qui vivent avec moins de deux euros par jour. > [!accord] Page 8 Il constate un « déjà là » qu’il nous suffirait d’étendre. Je fais donc le pari avec [[Nicolas Sersiron]] que les principaux concepts pour penser la transition vers un monde de justice sociale et écologique appartiennent notamment aux peuples que l’on regarde habituellement de haut, ceux que l’on traite toujours avec mépris ou condescendance, parce qu’ils seraient, nous dit-on, « en retard », « sous-développés », « en développement », « émergents », etc. Le vocabulaire change certes au fil des décennies mais le même aveuglement demeure. Je fais donc le pari avec [[Nicolas Sersiron]] que ces peuples-là ont beaucoup à nous apporter, non pas parce que la misère nourrirait mieux l’intelligence que l’abondance de biens matériels, mais parce que ces peuples possèdent toujours le mode d’emploi d’autres façons de vivre, d’autres manières de penser, de rêver, d’exister, parce qu’ils partagent encore des formes de cultures populaires, rurales ou urbaines, qui, au moins partiellement, restent pré ou post capitalistes, pré ou post-pétrolières. Ce n’est donc que si nous acceptons de décentrer notre regard, comme nous y invite [[Nicolas Sersiron]], que nous prendrons conscience de la colonisation de notre imaginaire par les puissances ténébreuses de l’argent. Nous acceptons trop comme allant de soi la définition de la « vie bonne » (eudémonia) qu’imposent les riches. > [!accord] Page 9 Nous acceptons trop comme allant de soi de définir les gens ordinaires uniquement en termes de manque : en économie, le manque de pouvoir d’achat ; en éducation, le manque de culture ; en politique, le manque de participation. Nous acceptons trop de parler de pays pauvres ou d’individus pauvres, alors que nous devrions toujours parler de pays ou d’individus appauvris tant l’appauvrissement du plus grand nombre n’est que la conséquence de l’enrichissement de quelques-uns, contrairement à ce que voudrait nous faire croire la fable économique, aujourd’hui dominante, du ruissellement ! > [!information] Page 11 J’ai envie de dire que de la même façon que nous devons nous mettre à l’écoute de tous ces nouveaux gros mots qui émergent pour dire les nouveaux chemins de l’émancipation, avec le « Buen vivir » sud-américain, le « plus vivre » de la philosophie négro-africaine de l’existence et la « vie pleine » en Inde, nous devons aussi être sensibles aux divers visages de l’anti-extractivisme. Du refus africain des mégaprojets « occidentaux » (qualifiés dès la décolonisation d’« éléphants blancs ») aux luttes sud-américaines contre les monocultures industrielles et agricoles, sans oublier les mobilisations contre les gaspillages de l’industrie sportive au Brésil et ailleurs, en passant par la condamnation en Europe des « Grands Projets Inutiles Imposés », partout un nouveau langage commun émerge pour dire que nous nous opposons à l’extractivisme au nom d’un autre projet, que nous combattons la barbarie au nom de l’éco-socialisme (c’est ainsi que personnellement je choisis de qualifier ce projet, d’autres dénominations sont tout aussi plausibles). > [!accord] Page 12 L’analyse du système-dette, de l’extractivisme et de leur interdépendance nous semble essentielle pour comprendre le fonctionnement de la « Mégamachine2 ». L’extractivisme est une course au trésor dans laquelle les plus forts ne reculent devant aucune violence pour s’accaparer les communs que sont les ressources naturelles de la planète. > [!information] Page 12 Notre idée est d’observer si la notion d’extractivisme, prise dans un sens large, recouvrant le pillage des ressources naturelles, humaines et financières, permet d’expliquer aussi bien la croissance des inégalités sociales que la destruction de l’environnement. Depuis plusieurs siècles, l’extractivisme a presque toujours été une violente dépossession des « communs ». > [!accord] Page 14 Quant au système dette, il est pour nous inséparable de l’extractivisme. Comprendre comment la dette financière illégitime est le premier levier du pillage ainsi qu’une forme en elle-même de pillage nous semble essentiel. Quant à la dette écologique, si elle n’est jamais compensée ni réparée, n’est-elle pas justement la conséquence cachée de l’extractivisme, élément essentiel du pouvoir et de l’enrichissement de l’oligarchie régnante ? > [!approfondir] Page 15 Les politiques d’austérité et de régression sociale en Europe ou aux États-Unis, comme celles appliquées dans les PED, ne sont-elles pas justifiées par le remboursement de dettes publiques très discutables ? L’illégitimité n’est-elle pas fondée sur le fait que la population n’a ni emprunté, ni consenti formellement et encore moins profité des emprunts faits par les États après la crise ? Alors, doit-elle les rembourser et en payer les intérêts ? Les dizaines de milliers de milliards de dollars de dettes issues du crash bancaire de 2008, ou les effets de la récession qui a suivi, peuvent-ils être mis à la charge des citoyens ? L’illégitimité n’est-elle pas fondée sur l’absence d’échange inscrit dans la coutume ancestrale du donner-recevoir-rendre, principe qui impose aussi bien sur le plan social que moral de rendre un jour ce que l’on a reçu ou emprunté ? Doit-on rendre ce que l’on n’a pas reçu ? « Celui qui ne doit rien, ne paie rien », « don’t owe, don’t pay » clament les altermondialistes. > [!accord] Page 15 Nous examinerons d’abord les nombreuses formes d’extractivisme : extractions fossiles et minières, biodiversité, environnement, agriculture, climat, travail. Ensuite nous regarderons l’origine des dettes réclamées aux pays dominés : l’extractivisme financier. Bien qu’elles soient souvent odieuses, illégitimes voire illégales, c’est pourtant au nom de leurs remboursements que le FMI (Fond Monétaire International), la BM (Banque Mondiale) et les pays de la Triade3 ont imposé aux pays en développement, les PED, le libre-échange, la destruction des budgets de l’éducation, de la santé et un extractivisme brutal par exportation de leurs ressources naturelles > [!approfondir] Page 16 Cette fameuse dette écologique, que les décideurs refusent de reconnaître, a plusieurs formes résultant directement des pillages : la dette historique (esclavage, colonisation), la dette environnementale (pollutions, forêts brûlées, effondrement de la biodiversité), la dette climatique et la dette sociale (inégalités, faim, destruction des habitats). Et si la croissance de la dette écologique correspond à l’absence de réparation, pourquoi acceptons-nous qu’elle continue encore à augmenter de nos jours ? Comment peut-on l’évaluer et en quoi sa réparation-compensation est-elle un combat essentiel ? > [!accord] Page 16 Le productivisme agricole vu sous l’angle de l’extractivisme, avec ses conséquences sur la vie des humains comme sur les grandes questions environnementales, n’est-il pas un des plus grands pillages des ressources de la planète : terres agricoles, territoires de vie, forêts, eaux douces et biodiversité ? N’est-il pas aussi responsable de la disparition de la matière organique des sols, la MOS, et d’une grosse part du stock des gaz à effet de serre, les GES, et de la pollution : eaux, air, terres ? > [!information] Page 17 Le dernier rapport de la FAO (Food and Agriculture Organisation – Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture), montre qu’au-delà des 840 millions d’humains souffrant de malnutrition aiguë, ce sont plus de deux milliards qui n’absorbent pas assez de nutriments pour mener une vie active. > [!information] Page 18 Au « Sommet mondial sur le développement durable » de Johannesburg en 2002, il avait été dit : « chaque année, près de 100 tonnes de ressources non renouvelables, auxquelles s’ajoutent plus de 500 tonnes d’eau douce, sont consommées en moyenne par personne pour maintenir l’actuel style de vie des pays industrialisés, c’est-à-dire trente à cinquante fois plus que ce qui est disponible dans les pays les plus pauvres ». > [!accord] Page 18 Ce développement durable, ardemment soutenu depuis quelques années par les pays industrialisés, est-il possible ? Traduction : une croissance économique continue voire infinie est-elle réalisable alors qu’elle est basée sur le cycle extractivisme / productivisme / consumérisme / profits / déchets / pollutions ? Sur une planète finie, il faut « être un fou ou un économiste pour le croire ». Si les arbres se développent et grandissent, ils ne montent pourtant pas jusqu’au ciel > [!information] Page 19 « Lorsque les Blancs sont venus en Afrique, nous avions les terres et ils avaient la Bible. Ils nous ont appris à prier les yeux fermés : lorsque nous les avons ouverts, les Blancs avaient la terre et nous la Bible2. » Jomo Kenyatta > [!information] Page 19 L’exemple historique le plus criant est l’exploitation des mines d’argent et d’or de Potosi, en Bolivie. Elle a débuté au XVIe siècle et se poursuit encore aujourd’hui. Les historiens s’accordent sur le fait que six millions de travailleurs indiens et africains y sont morts tandis que des dizaines de milliers de tonnes d’argent et d’or ont été extraites au profit des Espagnols jusqu’à l’indépendance de la Bolivie en 1825. > [!information] Page 19 Quand les travailleurs descendaient dans la mine, ils n’avaient pas le droit de ressortir avant six mois et y vivaient – quand ils ne mouraient pas – dans des conditions de misère inimaginable : faim, chaleur étouffante, manque d’oxygène, travail harassant. L’argent de Potosi a irrigué une partie de la planète pendant quelques siècles. > [!information] Page 20 Ainsi, dans la province de Catamarca en Argentine, une lutte dramatique se poursuit entre la population et la transnationale Glencore. « Pour extraire du cuivre, de l’or et d’autres métaux rares qui font de ce gisement l’un des plus rentables de la planète, l’exploitant consomme 5 millions de litres d’eau par heure, puisés dans les nappes de la région, l’équivalent des besoins énergétiques d’une ville comme Marseille. Chargés d’arsenic, de strontium et de bore, les résidus d’extraction sont rejetés dans un canal d’irrigation 120 kilomètres plus loin. \[…\] En juin 2008, les autorités judiciaires du pays ont été saisies au pénal d’une plainte pour pollution contre Julian Rooney, vice-président de Xstrata, actionnaire principal du consortium UTE (Union Transitoria de Empresas). Une deuxième plainte a suivi en 2010, pour contrebande de minerais vers la Chine et évasion fiscale – évaluée à 8,26 milliards de dollars4. » > [!information] Page 20 Glencore-Xstrata, basée à Zoug, super paradis fiscal en Suisse, est la quatrième entreprise mondiale pour les mines et la première pour le négoce des matières premières (chiffre d’affaires 240 milliards de dollars). La société KCC, une filiale extrayant le cuivre au Katanga « en présentant depuis 5 ans de faux bilans déficitaires, ferait perdre au trésor public congolais 153,7 millions de dollars »5. > [!information] Page 21 Un autre exemple criant est l’exploitation par Shell du pétrole dans le delta du Niger. Le peuple Ogoni a perdu une majeure partie de son territoire de vie qui était d’une grande richesse : agriculture et biodiversité. Certains disent que les fuites de pétrole y sont équivalentes, chaque année, à celle de la plateforme Deep water de BP dans le golfe du Mexique en 2010. Les rejets du torchage (l’action de brûler le gaz méthane qui sort à l’air libre en même temps que le pétrole) empoisonnent les habitants, polluent et réchauffent de vastes étendues devenues inhabitables. Le torchage est pourtant interdit en Europe. Quel scandale éclaterait aux Pays-Bas si des torchères de la multinationale hollandaise Shell salissaient les belles façades multicolores, empoisonnaient enfants et adultes, et abîmaient les célèbres tulipes ? > [!information] Page 23 Un des pires cas d’extractivisme et de pression exercée sur la population se trouve dans l’exploitation des minerais au Kivu (coltan, diamants, etc.), dans l’est de la République Démocratique du Congo, RDC. Ce pays détient les sous-sols les plus riches au monde, mais la population y est extrêmement pauvre, avec un classement selon l’indice de développement humain, l’IDH, de 186 sur 186 en 2012. Selon le New York Times de 2010, « environ 6,9 millions de personnes sont mortes dans cette région depuis 15 ans12 ». Viols massifs des femmes et massacres par les chefs de guerre n’existent que par la volonté des acheteurs occidentaux et ceux des pays émergents qui les financent pour obtenir ces minerais « sales »13. Ce chaos guerrier est aussi entretenu par les rivalités des pays de la zone des Grands Lacs. La pauvreté de la RDC, gouvernée par un Kabila réélu frauduleusement fin 2011, rend impossible l’ordre et la justice dans cette région située à près de 4 000 kilomètres de Kinshasa par la « route ». Le coltan est un métal indispensable aux téléphones, ordinateurs, automobiles, avions, fusées, satellites… Il est essentiel pour nos sociétés de gaspillage où les produits high-tech sont devenus des « besoins primaires ». La question de notre responsabilité doit donc être posée. > [!information] Page 23 En Amérique du Sud, sur un continent « indépendant » depuis près de deux siècles, le jugement rendu début 2012 en Équateur en dit long sur l’extractivisme du sous-sol : Le groupe pétrolier était accusé par plus de 30 000 habitants de la province de Sucumbíos (nord-est de l’Équateur) d’avoir « déversé près de 70 millions de litres de pétrole brut et de 80 milliards de litres d’eau » remplis de produits chimiques et de métaux lourds dans la forêt amazonienne. La multinationale américaine (Chevron) devra payer la somme faramineuse de 9,5 milliards de dollars (7,3 MdsE)14. > [!approfondir] Page 24 Dans le Sahel, en Afrique, l’uranium d’Arlit au Niger, et bientôt d’Imouraren, fait tourner 40 % des centrales nucléaires françaises depuis plus de trente ans et fournit l’électricité la moins chère du monde, officiellement. En réalité, à quel prix ? Si l’on prenait en compte toutes les externalités négatives, telles que l’irradiation cachée des populations en France et au Niger, les énormes provisions financières qu’il faudrait stocker pour faire face à un grave accident nucléaire – ce que les plus grands assureurs refusent de prendre en charge –, le prix du traitement des déchets sur des siècles et pour certains des millénaires, le démantèlement quasi impossible des centrales en fin de vie, alors le prix du kWh atomique exploserait et les centrales seraient fermées en urgence. > [!information] Page 24 Le PIB du Niger, ce pays du Sahel de 17 millions d’habitants, n’est que de 5,5 milliards de dollars, à peine supérieur au bénéfice d’EDF en 2013. Son IDH par habitant le classe à la dernière place des 186 pays à égalité avec la RDC. Les famines y sont fréquentes. Selon l’ONG Action contre la faim (ACF), 20 % de la population seraient d’ores et déjà « dans une situation alimentaire grave », et 38,2 % « dans une insécurité alimentaire modérée, soit plus de la moitié des Nigériens »15. > [!information] Page 24 Azaoua Mamane explique : « La population a hérité de 50 millions de tonnes de résidus radioactifs stockés à Arlit et Areva continue de pomper gratuitement 20 millions de mètres cubes d’eau par an pendant que la population meurt de soif. Les rues et les habitations d’Arlit sont construites à l’aide de résidus radioactifs et la nappe phréatique usée et contaminée s’assèche par la faute d’Areva16. » > > [!cite] Note > On a lu [en live](https://www.youtube.com/watch?v=hcmn2zMyNP8) cet article : [[L’uranium de la Françafrique]] > [!accord] Page 25 Alors que les travailleurs nigériens et les populations avoisinantes des mines exploitées par la France, à travers l’entreprise Areva, ont subi de graves irradiations17 on comprend bien son intérêt à ce que son ancienne colonie soit dirigée par une dictature ou un président « ami » : limiter le prix de ce précieux minerai venu du Niger. > [!information] Page 25 La construction de la centrale électrique à charbon de Medupi en Afrique du Sud, la plus grande du monde, également la plus émettrice de CO2, se fait au profit des sociétés BHP Billiton et Anglo American. Les populations locales subissent de très graves pollutions de l’air et de l’eau produites par le brûlage du charbon et la transformation de la bauxite en aluminium. La société d’électricité Eskom doit augmenter le prix de l’électricité de 25 % pour l’ensemble de la population sud-africaine afin de rembourser l’énorme investissement ! > > [!cite] Note > [React à ça](https://www.youtube.com/watch?v=Uz7DV_nUQjw), les forçat du charbon, un épisode arte reportage > [!information] Page 26 En Nouvelle-Calédonie, les Kanaks ont été dépossédés de 90 % de leurs territoires par les Français et contraints de s’exiler dans les montagnes, eux aussi, par la conquête coloniale au XIXe. Les bonnes terres ont partout été converties par les colons en monocultures extractrices de la fertilité et dédiées à l’exportation. Jusqu’en 1898, date de son indépendance, les terres de Cuba ont été dévastées par la monoculture de la canne dont le sucre fut exporté vers l’Espagne. > [!accord] Page 26 « Jusqu’à la colonisation européenne, le sud du Sahara, le Sahel, connaissait une forme d’agriculture particulière dont l’un des pivots était un arbre non comestible. L’acacia albida est économe en eau, il produit des feuilles en saison sèche pour nourrir le bétail, on peut cultiver des céréales en association. \[…\] Les programmes agricoles de la colonisation mirent un terme à cette agriculture “archaïque” au profit notamment de l’arachidier que préférait l’économie métropolitaine20. » Les terres, fragilisées par ces pratiques de monocultures productivistes, ont subi l’érosion éolienne et hydrique. C’est ainsi que la région de Kaolack au Sénégal, sous la colonisation dédiée à l’arachide, est devenue une plaine aride et stérile. > > [!cite] Note > C'est bien expliquer dans le livre de [[Sally N'Dongo]], coopération et néo colonialisme. Toute la logique de culture d'exportation d'arachide et autres dans les pays colonisé. Plantationocène ^47baae > [!information] Page 26 « Les entreprises extractivistes minimisent les pertes de ressources, entraînant misère ou exil vers les bidonvilles. Par exemple pour le passage de l’oléoduc Tchad-Cameroun, cofinancé par un prêt de la BM, un paysan a reçu en 1999, selon la FIDH (Fédération Internationale des Droits de l’Homme), 1 300 FF (198 euros) en espèces “pour la destruction de 1 600 m21 de cultures vivrières et l’abattage de deux karités dont la valeur cumulée de la production, selon une estimation indépendante, dépasse les 8 000 FF par an (1 220 euros)”22. » > [!accord] Page 27 Aujourd’hui, plus de cinquante ans après les indépendances, une nouvelle forme de vol est en pleine expansion. L’Afrique est le continent le plus recherché. L’accaparement des terres par des entités financières internationales, avec la complicité des décideurs corrompus, prend des proportions qui révèlent une dépossession de type coloniale. La violence des armes est remplacée par la spéculation financière et la corruption des élites. Le retour sur investissement de ces opérations est estimé à 20 %, alors qu’en agriculture il n’est généralement que de 3 à 5 %. > > [!cite] Note > Cf [l'article](https://basta.media/Des-eleveurs-pastoraux-expulses-de-leurs-terres-au-nom-de-la-lutte-contre-le-changement-climatique) sur les éleveur pastorale de tanzanie, ainsi que Burkina exproprié par total > [!approfondir] Page 27 La BM soutient financièrement ces opérations, en s’abritant derrière le principe du RAI (Responsible Agro Investment) et en parlant de contrats « gagnant-gagnant », occultant ainsi les désastres sociaux et environnementaux. Selon [[Via Campesina]], association regroupant 275 millions d’agriculteurs dans le monde, les RAI sont des « politiques visant à attribuer des titres de propriété aux terres afin de faciliter la vente et l’achat de biens fonciers. Au bout du compte, les paysans pauvres perdent leurs terres au profit de ceux qui ont les moyens de les acquérir. » ^2bb30d > [!information] Page 27 Ingrid Aymes, dans un article titré « Les partenariats de financement public-privé : symptômes révélateurs de la financiarisation du développement agricole », décrit avec précision les mécanismes de ces dérives de la coopération française qui fragilise l’agriculture paysanne23. > [!accord] Page 27 Ce n’est pas un hasard si 50 à 60 % des terres accaparées le sont en Afrique où près d’un tiers de la population est très pauvre : Soudan, Mozambique, Éthiopie, Madagascar et tant d’autres. Jacques Berthelot écrit en 2013 : « 66 % des transactions ont porté sur des pays où la faim prévaut à un niveau élevé, alors qu’environ la moitié des superficies sont déjà cultivées par la paysannerie locale24. » Les investisseurs-accapareurs, en complicité avec les gouvernements, s’attaquent à des populations qui n’ont jamais été aidées pour développer une véritable agroécologie, ce qui leur aurait permis d’accéder à une alimentation sécurisée, à des revenus par la vente des excédents, donc à de vraies possibilités d’éducation pour leurs enfants et à une meilleure santé. > [!information] Page 28 L’Afrique exploite 2 ou 3 % seulement de ses ressources en eau, à la différence de nombreux pays d’Asie où près de 40 % des terres sont irriguées. > [!accord] Page 28 L’exportation d’aliments, de fleurs, de céréales, ou pire encore, d’agrocarburants produits par des capitaux étrangers sur les terres fertiles d’un PED, en pompant l’eau des nappes phréatiques en grandes quantités et en ruinant la fertilité, là où la population a des difficultés pour se nourrir voire accéder à l’eau, est une des pires formes de l’extractivisme. > [!information] Page 28 D’après [[Jean Ziegler]], le plein en agrocarburants d’une grosse voiture représente 350 kg de maïs, de quoi alimenter une personne pendant un an26. ^4c288f > [!accord] Page 28 Pourtant, piller la fertilité et l’eau pour l’exportation est comparable à l’extractivisme des énergies et des minerais, mais en pire, car c’est aussi un ethnocide, une mort culturelle, et parfois une mort physique, pour les peuples chassés de leurs territoires ancestraux et contraints d’aller vivre dans les bidonvilles ou les forêts. > [!information] Page 29 Dans un article intitulé « Planète terre, planète désert », [[Dominique Guillet]] – créateur de Kokopelli, association pour le sauvetage des semences anciennes – écrit : « À l’échelle planétaire, ce sont 1 370 hectares de sol qui sont désertifiés à jamais toutes les heures, ce qui fait 12 millions d’hectares chaque année, l’équivalent de la moitié de la surface agricole de la France. En Inde, par exemple, ce sont 2,5 millions d’hectares qui sont désertifiés chaque année. Certaines terres australiennes ont des concentrations de sel trois fois supérieures à celles de l’océan. Il aura fallu à la société occidentale un siècle et demi d’agriculture et d’élevage intensifs pour transformer l’Australie en un désert28. » ^03f3f2 > [!information] Page 29 Et selon John Jeavons : « six kilos de sol sont détruits par l’érosion du vent et de l’eau à chaque fois que nous consommons un kilo de nourriture produite par l’agriculture chimique mécanisée des États-Unis29 ». > [!information] Page 30 La redoutable artificialisation des sols engloutit beaucoup de sable. Il faut pourtant des centaines de milliers d’années à la nature pour le fabriquer. Quelques centaines de tonnes sont nécessaires pour construire une maison, et il en faut 30 000 tonnes pour un kilomètre d’autoroute30. Les carrières d’exploitation de sable le long des rivières remplacent des milliers d’hectares de terres alluvionnaires très fertiles par des étendues d’eau. > [!information] Page 30 Denis Delestrac, auteur du documentaire Le sable, explique « Dans le monde, beaucoup de carrières sont déjà épuisées. Dans les rivières on s’est rendu compte que cela causait plus de crues, des affaissements de berges, des inondations31. » Les conséquences de cette surexploitation apparaissent. Les appétits économiques ont grignoté au moins 75 % des plages du monde, et englouti des îles entières, en Indonésie et aux Maldives, tandis que Singapour ou Dubaï ne cessaient d’étendre leur territoire en important frauduleusement du sable. > [!accord] Page 31 Le « Y’a bon Banania » est colonial et raciste. Sous couvert d’une image « drôle », il a donné aux enfants une vision très méprisante des Africains masquant un pillage agricole dramatique pour eux. Comme si l’extraction de fèves sous les cacaoyers par 35° en fendant toute la journée les cabosses à la machette, n’était qu’une franche partie de rigolade > [!accord] Page 31 Durant les « trente glorieuses » de l’après-guerre, pour les PED « les trente odieuses », le confort a progressé partout en Europe sans que l’on admette qu’il reposait sur les ressources de la nature volées dans les colonies, le travail forcé des indigènes dans leurs pays, ou celui des immigrés en France, tous soumis à nos « besoins ». > [!information] Page 31 En Birmanie, le teck des forêts est surexploité par les acheteurs chinois en complicité avec les hommes d’affaires birmans, à qui les généraux dictateurs ont transmis toutes les entreprises publiques, avant de s’autoproclamer pouvoir civil démocratique. Les dictatures corrompues de Suharto en Indonésie, des militaires au Brésil ou de Mobutu au Zaïre, et bien d’autres, ont surendetté les PED. > > [!cite] Note > On a [lu en live](https://www.youtube.com/watch?v=8TEntCSeq68) un article sur les méthode pour la France. Malheureusement sûrement plus vénère dans les pays du Sud.... > [!information] Page 31 En juin 2009, Manuel Zelaya, président du Honduras démocratiquement élu, est chassé du gouvernement par un putsch militaire. Devant la pauvreté des travailleurs de son pays, il avait osé remonter le niveau du salaire minimum. La Chiquita brand Int, société états-unienne qui exploite les bananeraies pour l’exportation, n’avait pas supporté cette hausse qui faisait une petite encoche dans ses profits colossaux. Après le remplacement de Zelaya, les salaires minima ont été baissés, des journalistes indépendants et les syndicalistes ont été assassinés32. Last but not least, le premier exportateur de bananes au monde est l’île anglo-normande de Jersey, un paradis fiscal. Grâce à des mécanismes d’évasion fiscale à grande échelle et à d’habiles jeux d’écriture comptable, les multinationales font porter les bénéfices par leurs filiales inscrites dans des paradis fiscaux comme Jersey33. > [!information] Page 32 Un kilogramme de café dont le prix varie autour de un euro pour le producteur peut être vendu jusqu’à 150 euros dans un café parisien en « petits Noirs » ou sous forme de dosettes individuelles aux particuliers. Bien que revendu 150 fois son prix par Nestlé, premier groupe alimentaire mondial, cette société ne reverse rien de ses bénéfices colossaux aux producteurs. Elle utilise même un système d’achat aussi redoutable que complexe pour faire baisser les prix versés aux caféiculteurs qui cueillent à la main les grains mûrs un à un, et survivent difficilement34. Son chiffre d’affaires (75 milliards d’euros) dépasse le PIB de la majorité des PED, son bénéfice, en 2012 et 2013 (environ 10 milliards d’euros), est plus élevé que le PIB du Mali ou du Niger. Pour couronner l’immense injustice de cet « échange », les énormes dividendes que recueilleront les actionnaires de Nestlé se feront dans le paradis fiscal Suisse. > [!information] Page 33 De puissantes compagnies privées s’approprient les ressources d’eau potable pour les revendre en bouteille jusqu’à deux euros le litre, avec l’accord des gouvernements. Très souvent elles privent les populations d’eau pour l’agriculture et pour la maison. En Indonésie, c’est surtout Danone, au Pakistan et au Brésil, plutôt Nestlé37, au Maroc, Castel, et en Inde, particulièrement Coca-Cola, qui s’approprient ce bien commun vital (liste non exhaustive). De nombreux paysans sont contraints de quitter leurs territoires pour aller grossir les bidonvilles des grandes agglomérations après avoir perdu l’accès à l’eau > [!information] Page 33 En 1997, la BM a imposé à la Bolivie la privatisation de l’eau à El Alto-La Paz et dans la ville de Cochabamba en contrepartie de son aide financière. Cette privatisation fut confiée à la compagnie Aguas del Tunari, filiale des sociétés transnationales Bechtel, Edison et Albengoa, qui en janvier 2000 augmenta les tarifs de 200 % et prit le contrôle de tous les réseaux d’eau. La résistance citoyenne est cependant parvenue, après avoir subi deux morts et de nombreux blessés dans les banlieues privées d’eau potable, à faire annuler par le gouvernement son contrat avec Aguas del Tunari38. > [!information] Page 35 En Europe comme aux États-Unis, l’eau est consommée à 70 % par les productions agricoles destinées en majorité au bétail. « Il n’y aura pas suffisamment d’eau disponible sur nos terres agricoles pour produire de la nourriture pour une population qui devrait atteindre neuf milliards d’habitants en 2050, si nous suivons les tendances alimentaires actuelles dans les pays occidentaux41. » > [!information] Page 35 La Somalie est une dramatique illustration de l’extractivisme marin. Le président Siyaad Barre, devenu un dictateur sanglant, a été destitué en 1991 par un contre-pouvoir armé soutenu par l’Éthiopie. Débute alors un terrible chaos politique et humain. Les grands chalutiers européens viennent ratisser les très poissonneux fonds marins au large de ses côtes, non gardées faute de gouvernement. D’autres y ont coulé des fûts de déchets nucléaires42. Non seulement les réserves halieutiques étaient pillées, mais les bateaux usines européens détruisaient les filets des Somaliens. Ainsi est née la piraterie au large de la Somalie. L’un des leaders des pirates, Sugule Ali, a déclaré que leur motif était « d’arrêter la pêche illégale et l’immersion des déchets, dans nos eaux… Nous considérons que les bandits des mers \[sont\] ceux qui pêchent illégalement et utilisent nos mers comme une décharge et rejettent leurs déchets dans nos mers et viennent \[naviguer\] en armes sur nos mers »43. Aujourd’hui, environ 700 bateaux de toutes les nations pillent les ressources halieutiques au large de la corne de l’Afrique, là où le problème de la faim fait d’énormes ravages. La réponse internationale consiste à envoyer quelques bateaux remplis de céréales financés par le Programme alimentaire mondial, le PAM, et surtout des bâtiments de guerre pour protéger les bateaux de pêche étrangers qui s’accaparent les ressources alimentaires somaliennes44. > [!approfondir] Page 37 De plus, une bonne partie des dégâts et des morts causés par le grand tsunami de 2005 sur les côtes asiatiques est liée à la disparition des palétuviers qui ne jouent plus le rôle d’amortisseur contre les très puissantes vagues des tsunamis. Il y a eu beaucoup plus de morts sur les côtes birmanes où la mangrove avait été détruite sur ordre des généraux dictateurs qu’au Sri Lanka où elle était restée à peu près intacte48. > [!accord] Page 38 Dans le village Les Clérimois dans l’Yonne, un fonds de pension états-unien reçoit 12-15 % de retour sur investissement des quatre éoliennes qui y sont installées. La société française Poweo, après avoir financé la construction des moulins, a revendu l’ensemble avec bénéfice. Le contribuable français, en subventionnant l’électricité d’origine éolienne parce qu’elle n’émet pas de CO2, participe, sans le savoir, au financement des retraites des travailleurs états-uniens ! L’énergie du vent telle qu’elle est développée aujourd’hui, financée par des capitaux privés, est une forme d’extractivisme, un pillage de ressources naturelles > [!accord] Page 38 La traite transatlantique, cette effroyable déportation imposée aux Africains que l’on a arrachés à leur famille, leur culture et leur pays, a été centrale dans la conquête du monde par les Européens. Sans esclaves, pas d’or, ni tabac, ni bois précieux, ni sucre de canne (la betterave à sucre n’existait pas), ni coton n’auraient pu être produits puis débarqués dans les ports du Nord. Sans le pillage des métaux précieux extraits par ces forçats, pas d’Europe des « Lumières », pas de financement pour la révolution industrielle ni de capitalisme triomphant. > [!information] Page 39 Comme le souligne l’Express, « le souverain belge fit du Congo sa propriété privée. Près de dix millions d’hommes, de femmes et d’enfants en sont morts51 » dans des conditions effroyables. De nombreux bras et mains ont été coupés à ceux qui n’avaient pas rapporté assez de latex de la forêt… > [!information] Page 39 À Sétif, Guelma et Kherrata en Algérie au cours de l’année 1945, après la victoire alliée, ce sont environ 15 000 Algériens qui ont été massacrés. À Madagascar, après une manifestation réclamant l’indépendance en 1947, près de 100 000 Malgaches ont été assassinés par la même armée française. Plus de cinquante ans après la révolte des populations kényanes qui demandaient leur indépendance, « Londres a finalement accepté en 2013 d’indemniser financièrement plusieurs milliers de Kényans, une soixantaine d’années après la répression sanglante de l’insurrection des Mau Mau52. » > [!information] Page 45 Les Amérindiens n’ont pas accepté d’être forcés à travailler au profit des colons pour extraire l’or ou l’argent, ni à cultiver la canne à sucre et les autres produits destinés à l’exportation vers l’Europe, alors qu’ils vivaient depuis des millénaires sur ces îles. Pour les remplacer, les colons blancs ont acheté des esclaves venus d’Afrique et les ont soumis aux travaux forcés d’exploitation des ressources agricoles et minières. > [!accord] Page 46 L’extractivisme, cette appropriation privée des « biens communs » de l’humanité, a dépossédé des populations autochtones tout d’abord au profit des colons, des armateurs et des financiers mais aussi au final à celui des populations européennes. > [!information] Page 47 Les premiers esclaves, de jeunes africain-e-s, arrivèrent en 1503 sur l’île d’Hispaniola. Les conditions de vie qui leur étaient imposées par les planteurs et les colons étaient si dures qu’ils ne vivaient en moyenne pas plus de neuf ans. > [!information] Page 47 Après trois siècles, une série de révoltes et de guerres se produisit. Le corps expéditionnaire de Napoléon fut battu en 1803 par 400 000 esclaves auto-affranchis. La première république noire de tous les temps est proclamée en 1804 à Haïti. En 1825, le roi Charles X, au nom du remboursement des terres et des esclaves perdus par les maîtres blancs, proposa aux 400 000 Haïtiens le choix entre payer une rançon équivalente au budget annuel de la France forte de 30 millions d’habitants, ou perdre leur liberté face à un nouveau corps expéditionnaire surpuissant. Ils payèrent, en y consacrant jusqu’à 80 % de leurs revenus pendant plus d’un siècle, et payent encore. Ils dévastèrent les forêts et toutes les richesses naturelles de cette île qui était considérée comme la perle des Antilles, sans aucune possibilité d’engager un véritable projet économique. > [!information] Page 47 Nous ne détaillerons pas les diverses invasions militaires des États-Unis, ni les soutiens occidentaux aux dictatures successives des Duvalier. Depuis 1825, le paiement de la rançon exigée par Charles X et ses successeurs, hypocritement appelée « dette », a profondément enfoncé ce pays dans la pauvreté et favorisé toutes les dérives politiques, telles que la corruption et la répression féroce par les Tontons macoutes. On considère qu’au moment de sa fuite de Haïti en 1986, Jean-Claude Duvalier, alias Baby Doc, avait accumulé une fortune d’environ 800 millions de dollars, soit l’équivalent de la dette publique du pays > [!information] Page 47 En 2003, deux siècles après la libération du pays, le président Jean-Bertrand Aristide a réclamé officiellement à la France près de 21,7 milliards de dollars en « restitution et réparation ». Le 29 février 2004, il a été destitué par un coup d’État orchestré par les États-Unis avec l’appui de la France. > [!accord] Page 48 En 2006 la subvention au riz états-unien était d’un milliard de dollars4. Un exemple flagrant d’une logique de conquête aux conséquences dramatiques pour la population. Contraindre un pays pauvre à importer des aliments en dumping, pour nourrir sa population appauvrie par le néocolonialisme, est insupportable. Le gouvernement en acceptant les exigences du FMI sacrifie la sécurité et la souveraineté alimentaire plus l’emploi. Les riziculteurs ruinés quittent leurs champs et vont grossir les bidonvilles de Port-au-Prince. Quand le prix du riz a plus que doublé en 2008, le piège du libre-échange s’est refermé devant les ventres affamés des populations incapables de le payer > [!accord] Page 49 Aucune aide internationale n’arrive pour créer une agriculture vivrière capable d’alimenter la population haïtienne. Au contraire elle reçoit des cadeaux empoisonnés tels les « dons » de semences OGM faits par Bill Gates, grand actionnaire de Monsanto. Les « généreux donateurs » de semences brevetées exigent des agriculteurs qu’ils leur donnent en retour leurs semences paysannes, libres de droits, pour ensuite les détruire. Adaptées au terroir et au climat de l’île, ne nécessitant pas d’intrants chimiques ni d’être rachetées chaque année au prix fort, elles sont vues par les multinationales comme des armes de résistance à leur implantation et à leur monopole : peu importe si ce système appauvrira encore un peu plus la population > [!information] Page 49 En Angleterre, le développement de ces industries se fera au détriment des peuples colonisés, obligés de vendre leur production cotonnière brute, et auxquels on interdisait d’exporter leurs produits manufacturés tout en les obligeant à acheter les produits finis anglais. [[Karl Marx]] écrit en 1853 : « Aucun doute n’est possible pourtant : les maux que les Anglais ont causés à l’Hindoustan sont d’un genre essentiellement différent et beaucoup plus profond que tout ce que l’Hindoustan avait eu à souffrir auparavant. L’Angleterre a en effet détruit les fondements du régime social de l’Inde, sans manifester jusqu’à présent la moindre velléité de construire quoi que ce soit6. » ^15435f > [!accord] Page 50 Ceci ne doit pas laisser croire que Français, Anglais ou d’autres Européens ont colonisé sans travail forcé ni tueries. La conférence de Berlin en 1885 avait marqué le départ de la ruée sur l’Afrique et officialisé le partage du continent. Après l’immense ponction faite par l’esclavage, cette période brisera en moins d’un siècle et pour longtemps le développement culturel et économique de ce continent à l’histoire si riche et aux cultures tellement extraordinaires. > [!information] Page 50 Les décideurs politiques se montrant trop affranchis des volontés de leurs anciens maîtres seront assassinés ou destitués par les services secrets du Nord (États-Unis, Europe et particulièrement France avec le réseau Foccart). La mort criminelle de Patrice Lumumba, premier ministre du Congo ex-Belge, organisée en 1961 par la CIA et la Belgique, en est un exemple emblématique. Il est loin d’être le seul. > [!accord] Page 51 En 1947, sans respect de ses statuts lui interdisant toute intervention politique dans le pays aidé, la BM refusait de verser un prêt à la France tant que les communistes étaient au gouvernement. Quelques jours après leur éviction, elle débloquera les fonds. Avec son président Robert Mc Namara (1968-1981), ancien directeur de Ford, elle augmentera fortement ses prêts vers les pays aujourd’hui dits hypocritement « en développement », les PED. En se mettant au service d’un capitalisme de conquête, la BM devient l’outil d’une géostratégie globale : mise à disposition des ressources naturelles de ces pays au profit des investisseurs-pilleurs occidentaux et application de la doctrine du containment7 dans les pays du tiers-monde. > [!information] Page 51 Mobutu au Zaïre, la junte militaire au Brésil ou le général Suharto en Indonésie recevront des prêts qu’ils détourneront en grande partie pour eux-mêmes et leurs affidés, ainsi que pour mater leurs opposants, endettant lourdement leur pays pour des décennies. La lutte contre le communisme coûta la vie à des centaines de milliers d’opposants indonésiens8. > [!accord] Page 52 Participer au développement de l’autonomie des pays du Sud dans le but d’améliorer la vie des populations n’est pas dans les objectifs de la BM. Le développement qu’elle soutient activement est au contraire extractiviste et exportateur pour les PED. Il participe à l’enrichissement de la classe des prédateurs capitalistes, qu’ils soient du Nord ou du Sud, au détriment des populations dépossédées. > [!information] Page 52 En 2007, la Chine a signé « le contrat du siècle » avec la RDC : un investissement de neuf milliards de dollars dans les infrastructures du pays en échange de quatorze milliards de dollars de cuivre et de cobalt à exploiter pendant des décennies. Après un chantage à l’effacement de la dette de la RDC, le FMI a obtenu la révision de ce contrat. L’enjeu des pays de la Triade « est de garder la mainmise sur les ressources naturelles de la RDC en utilisant l’alibi de la dette et du très à la mode “climat des affaires”9 ». Les BRICS, ou pays émergents réunis à Fortaleza au Brésil en 2014 « cherchent à créer un système alternatif aux institutions dominées par les nations occidentales, FMI et BM10 ». > [!approfondir] Page 53 La dette odieuse, cette doctrine du droit international énoncée par Alexander Nahum Sack en 1927 à la suite de l’affaire de Cuba en 189811, a fait jurisprudence et a été appliquée à plusieurs reprises dans l’histoire. Une dette publique n’a pas à être remboursée si elle n’a pas profité à la population, si elle n’a pas été créée/contractée avec son consentement et si le prêteur a accepté d’apporter les fonds en connaissant l’absence de ces deux éléments du contrat de prêt liant le prêteur et l’emprunteur. Or ce dernier est le peuple, celui qui remboursera in fine. Si une dette contractée pour des investissements socialement utiles (écoles, hôpitaux, routes, ponts, etc.) est parfaitement légitime, celles datant de la période coloniale sont odieuses, et ne doivent en aucun cas être payées par le gouvernement d’un pays ayant accédé à l’indépendance > [!information] Page 54 Alain Deneault écrit, « Le Canada appuie politiquement et financièrement des sociétés minières et pétrolières canadiennes qui exploitent le sol africain, enregistrent des profits colossaux, principalement à la Bourse de Toronto, alors que des sources sérieuses leur attribuent les pires abus en Afrique : guerres sanglantes dans la région des Grands Lacs africains, mineurs enterrés vifs en Tanzanie, empoisonnement massif et “génocide involontaire” au Mali, exploitations brutales au Ghana, barrages hydroélectriques dévastateurs au Sénégal, privatisation sauvage du transport ferroviaire en Afrique de l’Ouest, sans tenir compte des impacts sur l’environnement et sur les équilibres sociaux13. » > [!information] Page 55 Dès lors, on comprend mieux pourquoi les peuples des pays les plus riches en matières premières, tels la RDC, la Zambie, le Niger, le Nigeria, le Gabon, certains pays d’Amérique du sud… sont parmi les plus pauvres de la planète. Ils subissent ce que l’on nomme la « malédiction des ressources naturelles14 » ou « le paradoxe de l’abondance ». > [!accord] Page 55 Le rapport officiel rédigé par Erwin Blumenthal en 1982 sur le Zaïre, aujourd’hui RDC, démontre l’existence de faits de corruption. Pourtant la BM a encore augmenté ses prêts au régime Mobutu après cette date. Elle prêta aussi au régime raciste d’Afrique du Sud, malgré l’embargo de l’ONU. Avoir les mains couvertes du sang des résistants des townships à l’apartheid n’empêche pas la BM de continuer à prêter, au profit de l’expansion internationale du capitalisme occidental16. > [!accord] Page 56 La BM ne prête pas à un PED pour qu’il s’industrialise et transforme localement ses propres ressources naturelles. Elle favorise au contraire les exportations de ses matières premières à l’état brut au nom du remboursement de sa dette et l’importation de denrées agricoles en dumping. De la même manière, la BM n’a que très peu investi dans le développement de l’agriculture paysanne qui aurait pourtant permis d’éviter de nombreuses famines, y compris celle ayant sévi en 2011 dans la corne de l’Afrique. > [!accord] Page 56 En effet, une agriculture vivrière solide dans les PED aurait diminué l’attrait pour les produits agricoles du nord subventionnés (blé, maïs, riz, viande) et les intrants occidentaux (semences modifiées, engrais, pesticides). Mais il ne faut pas toucher aux marchés de l’agrobusiness international. Au nom du « développement », la BM impose donc aux PED une économie primaire fondée sur l’extractivisme et l’exportation de produits bruts pour le plus grand profit des multinationales, les industries de transformation et services du Nord. > [!information] Page 56 En 1970, le peuple chilien porte à la présidence le socialiste Salvador Allende, qui nationalise les mines de cuivre, la principale richesse du pays. Washington va tout faire pour l’en empêcher avec l’aide financière d’ITT17. La BM ne fait aucun prêt au Chili pendant les trois ans de la présidence Allende. Le 11 septembre 1973, le coup d’État de Pinochet orchestré par la CIA, aboutit à la mort du président, à des assassinats et à des tortures de masse. L’argent international coule aussitôt à flots, de très gros prêts sont accordés à Pinochet par la BM et le FMI. Les Chicago boys, les économistes de Chicago, élèves de Milton Friedman, débarquent à Santiago. Le Chili devient le laboratoire d’un ultralibéralisme brutal. Au début des années 1980, l’inflation galope et le chômage atteint les 30 %. C’est un cas d’école pour le reste du monde. Les souffrances infligées à la population sont très dures, la répression policière est sauvage. > [!information] Page 57 Sitôt arrivés au pouvoir, respectivement en 1979 et 1981, Margaret Thatcher et Ronald Reagan appliquent avec enthousiasme les idées de Friedrich Von Hayek et Milton Friedman, les grands penseurs du néolibéralisme. La phrase emblématique de ce virage sera prononcée par Reagan en 1981, « Le gouvernement n’est pas la solution à notre problème, l’État est le problème ». Pourtant sans l’intervention des États, la majorité des banques occidentales auraient fait faillite après 2008. L’idéologie néolibérale est à géométrie variable ! > [!accord] Page 58 Après le test Chilien, tout est mis en œuvre pour étendre le système ultralibéral à l’ensemble de la planète. Les traits essentiels de cette idéologie, nommée « Consensus de Washington », sont : le désengagement de l’État de l’économie, la privatisation massive des entreprises publiques, la dérégulation financière, la suppression des barrières douanières, la réduction des impôts directs sur les hauts revenus au profit d’une augmentation de la TVA très lourde pour les petits revenus, la réduction des budgets sociaux et des services publics. Avec l’aide du trio infernal FMIBM-OMC, les pays industrialisés imposent progressivement au monde entier le libre-échange. Historiquement, ce système a toujours profité aux économies du centre, les plus puissantes, au détriment de celles de la périphérie. La domination de l’économie allemande sur les pays du sud de l’Europe, une décennie après la création de la Zone Euro, en est une illustration saisissante. > [!accord] Page 58 Selon Helmut Schmidt en 1974 « Les profits d’aujourd’hui sont les investissements de demain et les emplois d’après-demain. » Il s’agit de l’une des plus grandes escroqueries idéologiques de l’ultralibéralisme. Si l’on suit cette logique, l’accumulation des fortunes colossales des grandes familles ne serait donc pas le résultat du pillage continu des ressources naturelles, humaines et financières consolidées par le droit des successions, mais la conséquence d’un dur travail honnête et courageux. Trois milliards de pauvres attendent toujours les retombées de l’enrichissement croissant de l’oligarchie. > [!information] Page 59 En 1979, une décision unilatérale d’augmentation du Prime rate états-unien – taux d’intérêt de référence – prise par le secrétaire au Trésor états-unien Paul Volcker, précipite les PED dans la grande crise de la dette. Cette décision, bien éloignée du laisser-faire néolibéral, se répercute sur les taux des prêts octroyés à ces pays, taux qui étaient variables et indexés sur les taux anglo-saxons. Les conséquences pour les peuples du Sud sont terribles : le nœud coulant de la dette se serre brutalement. > [!information] Page 59 Pendant la période 1960-1979, les taux d’intérêt demandés n’étaient pas toujours supérieurs au taux d’inflation et les pays nouvellement indépendants avaient besoin d’emprunter pour se reconstruire. Les banques, pleines des euro-dollars du plan Marshall et des pétro-dollars des émirats du Golfe persique après le choc pétrolier de 1973, avaient besoin de prêter. En prenant en compte l’inflation, les taux d’intérêt réels variaient alors autour de zéro. Un prêt à un taux de 10 %, quand la perte de valeur de la monnaie se situe autour de 10 % par an, entraîne une gratuité de fait de la location d’argent : les intérêts payés sont annulés par le jeu de l’inflation21. Bien sûr, cela ne semblait pas très intéressant pour les banquiers occidentaux, sauf pour ceux qui savent attendre. La montée brutale du Prime rate avec l’indexation des intérêts payés par les PED, plus les prêts de secours du FMI, ont retourné la situation. Son relèvement rapide de 5 % à plus de 18 % par Paul Volcker en 1979 a eu des répercussions très brutales. Les intérêts exigés par les banques privées triplent alors que dans le même temps les cours des matières premières amorcent une baisse qui durera plus de 20 ans. En août 1982, le Mexique, dans l’incapacité d’assurer ses remboursements, sera le premier d’une longue liste à faire appel au FMI. Le piège de la dette s’ouvre devant les PED, c’est le FMI qui en referme les mâchoires > [!information] Page 60 Ceux qui s’y sont opposés ont été destitués ou assassinés tel [[Thomas Sankara]] en 1987. Trois mois avant de mourir, il disait devant l’OUA (organisation de l’union africaine), « Non, nous ne pouvons pas être complices, non, nous ne pouvons pas accompagner ceux qui sucent le sang de nos peuples et qui vivent de la sueur de nos peuples, nous ne pouvons pas les accompagner dans leur démarche assassine. » ^aa5c2c > [!information] Page 61 La priorité a été constamment donnée au remboursement de la dette et au sauvetage des banques indépendamment des conséquences sociales ou environnementales. « 77 % des fonds du plan de “sauvetage” de la Grèce sont allés à la finance24. » > [!information] Page 63 Tant que le pillage extractiviste et la corruption dominent, ces petites concessions des prêteurs servent surtout à empêcher les pays de stopper leurs remboursements. Il faut les maintenir connectés à l’économie dominante. De plus les banques, les États et les IFIs gagnent beaucoup avec les intérêts des dettes des PED. « Le transfert net, les remboursements moins les dons et les prêts, est très favorable aux pays industrialisés et aux banques du Nord. Entre 1985 et 2009, il a été proche de 666 milliards de dollars, du Sud vers le Nord28. » À titre de comparaison, les dons du plan Marshall pour la reconstruction de l’Europe après 1947 se montaient à 100 milliards de dollars réactualisés, près de sept fois moins. Ainsi va l’extractivisme et la dette au Sud. Mais qu’en est-il au Nord ? > [!information] Page 64 Mais pourquoi n’avoir pas fait payer les actionnaires et poursuivi les banquiers fautifs ? En Islande, plusieurs responsables de banques sont emprisonnés depuis 2013, il est donc possible de punir les « banksters » > [!accord] Page 65 Depuis les années 1980, la perte continue du pouvoir d’achat des particuliers, la privatisation progressive des services publics comme l’érosion des conquêtes sociales de l’après-guerre en Europe sont les conséquences directes de la croissance organisée de la dette publique. On a vu en Europe la droite comme la gauche, ou aux États-Unis les républicains puis les démocrates baisser, année après année, les recettes de l’État par la diminution des impôts sur les hauts revenus et les bénéfices des grandes sociétés commerciales, tout en laissant l’évasion fiscale s’installer grâce aux paradis fiscaux et judiciaires (PFJ). Le résultat a été l’apparition de déficits budgétaires croissants conduisant à une privatisation progressive des services publics. Les gouvernements européens, ne pouvant plus se financer auprès de leur banque centrale31, la croissance de l’endettement public, au profit des créanciers privés, a été continue. > [!information] Page 67 59 % de la dette française est illégitime Un rapport du CAC34, Collectif pour un audit citoyen de la dette publique, publié en mai 2014, rédigé par des économistes atterrés, des syndicalistes et des militants d’ATTAC et du CADTM, pointe que pour la France « 59 % de la dette publique proviennent des cadeaux fiscaux et des taux d’intérêt excessifs » et non pas de la hausse « des dépenses, puisque leur part dans le PIB a chuté de 2 points en trente ans. » > [!accord] Page 69 Face au délabrement de ses droits sociaux et à la baisse brutale de son niveau de vie, une partie de la société civile grecque lutte pour l’audit et l’annulation de la part illégitime de la dette grecque, chemin indispensable pour que ce peuple européen puisse retrouver une existence digne. À quoi sert de faire une Union européenne et une monnaie unique si les États les plus riches n’aident pas les plus faibles comme cela se fait à l’intérieur des États-Unis ou entre les Länder en Allemagne ? La compétition par la diminution des coûts salariaux entre les pays, instaurée par la baisse des salaires (lois Hartz IV sous le gouvernement Schröder) après la réunification des deux Allemagnes, est une politique antisociale41, et surtout anti européenne si elle doit aboutir à faire sombrer la moitié sud de l’Europe et une partie croissante de la population de l’Union dans la pauvreté à cause de cette absence de solidarité inscrite dans les traités > [!accord] Page 69 Sous les grands mots « austérité », « compétitivité », « flexibilité » ressassés par les médias complaisants se cache la volonté du patronat européen d’imposer un nivellement social par le bas dans le but de retrouver des marges de profit à deux chiffres. Pour cela, alliés à la Troïka, ils agissent en vue de rendre les salaires, dans les pays les plus puissants d’Europe (Allemagne, France, Pays-Bas, etc.) comme dans ceux situés au sud, concurrentiels avec ceux des ouvriers de l’Est européen et des PED. Comme l’écrit Paul Jorion dans une chronique de mai 2013, « il ne faut plus dire “réformes structurelles de compétitivité”, mais plutôt, “aligner les salaires français sur ceux du Bangladesh”42 ». Pour les détenteurs de capitaux, les acquis sociaux comme en France ceux du programme du CNR (Conseil national de la résistance), doivent être anéantis. Ainsi les retraites par répartition, la sécurité sociale, l’éducation publique gratuite comme la redistribution des richesses par l’impôt progressif sur le revenu sont des freins à la compétition internationale. Finies les lois sur la liberté de la presse qui avaient offert aux citoyens la possibilité d’un vrai regard critique sur la politique et l’économie. > [!information] Page 70 « En 1942, Franklin Roosevelt avait imposé qu’aucun revenu après impôts n’excède vingt-cinq fois le plus bas salaire à plein-temps43. » Aujourd’hui en Europe comme aux États-Unis, après la crise de 2008, il y a « Entre les salaires des petits et grands patrons, 569 SMIC d’écart44. » En France après 1945, le patronat, ayant largement soutenu les nazis45, avait été contraint de faire profil bas. Comme le dit l’historienne Annie Lacroix Ritz, « non, la collaboration économique, sauf exception, n’a rien eu de forcé ». > [!accord] Page 70 Nous ne glorifions pas ici « les trente glorieuses » et l’avènement de la société de consommation avec ses conséquences écologiques et sociales catastrophiques. Car cela s’est produit dans un contexte d’extractivisme colonial et de reconstruction européenne avec l’aide très intéressée de l’industrie et de la finance états-uniennes. > [!accord] Page 71 Les gouvernements essaient de justifier l’accroissement des impôts, la réduction des services publics, leur privatisation, et même l’augmentation du nombre d’années travaillées avant la retraite en disant que ce sont les seules politiques capables de nous mener vers une sortie de crise. Toujours le même refrain, le TINA (There is no alternative) thatchérien. > [!accord] Page 71 Éric Toussaint explique que « ce serait une erreur de considérer que les dirigeants européens sont devenus aveugles. Un des objectifs poursuivis \[par eux\] est d’améliorer la capacité des entreprises européennes à conquérir des parts de marché face à leurs concurrents ailleurs dans le monde. Pour ce faire il faut réduire radicalement le coût du travail, pour reprendre leur expression. Cela implique d’infliger une défaite majeure aux travailleurs d’Europe »49. > [!accord] Page 75 Les fabricants de pesticides – dont les produits, polluant l’air, les sols, les aliments, sont responsables d’une grande part des maladies modernes et de la disparition des pollinisateurs indispensables à notre alimentation – ne peuvent réaliser des profits que dans la mesure où les États souverains ne leur font pas payer la réparation des dommages causés par leurs molécules. Dominique Méda parle de « l’invisibilité des coûts de croissance : le PIB occulte par construction les coûts de l’augmentation de la production sur le patrimoine naturel et les conditions de vie2 ». > [!accord] Page 76 Si les extracteurs de pétrole étaient contraints d’assumer l’ensemble des coûts, pollutions, dévastation des territoires, perte d’habitats ainsi que leur responsabilité dans le réchauffement climatique induit par le CO2 émis, les températures seraient stabilisées. N’oublions pas que le climat est un bien commun et qu’aucun d’entre nous ne peut accepter de le voir préempter par quelques oligarques drogués aux pétrodollars. > [!accord] Page 77 Le fordisme – augmenter les salaires pour que les ouvriers achètent les voitures qu’ils produisaient – a préparé le raz de marée matérialiste actuel. La consommation gaspilleuse, la malbouffe et l’obésité, les obsolescences programmées matérielle (objets) et culturelle (mode) avec ses dépréciations incessantes ont été inscrites dans notre imaginaire par la publicité : la propagande marchande. Pourtant l’idée d’une nécessaire décroissance des biens matériels comme des inégalités s’incruste progressivement dans les esprits malgré la bronca médiatique tentant de la ridiculiser. La fréquence accrue des catastrophes environnementales et climatiques nous oblige à émerger de notre bulle de confort de nantis. > [!approfondir] Page 77 Ainsi certains disent stop à la surconsommation. Ce qui, a contrario, veut dire oui à la consommation. Pourtant c’est bien cette dernière qui a ouvert la porte au gaspillage en faisant disparaître les limites intrinsèques à l’usage. L’idée de décroissance étant totalement inacceptable pour la majorité, certains pensent qu’en éliminant la surconsommation ils pourront éviter l’accumulation des problèmes que cette société de marchandisation généralisée engendre. Mais ce n’est qu’un leurre. Le gâchis est un élément indissociable du système consumériste. Il est même le moteur de l’extractivisme défini ici comme pillage des ressources naturelles, humaines et financières à la base des profits capitalistes. > [!approfondir] Page 79 La dette écologique résulte directement d’un « prendre » sans « recevoir », ni jamais « rendre ». Elle est une cassure dans les relations d’échanges et de partages, fondatrices des relations humaines créées sur le don et le contre-don. S’il n’est ni souhaitable ni possible de la rembourser en la financiarisant, cette dette doit faire l’objet de compensation, de réparations ou de restitutions. Réparer les dommages relève de la plus évidente justice > [!accord] Page 79 Deuxième élément, la dette environnementale est la conséquence directe de l’extractivisme. Elle se caractérise par des pollutions diverses, des forêts surexploitées ou anéanties, des pertes d’espaces de vie pour les humains, l’effondrement de la biodiversité végétale et animale, des terres devenues incultes à force de monoculture, des océans vidés de leurs poissons avec le grand problème de l’acidification, la biopiraterie7, etc. > [!information] Page 79 Premier élément de cette accumulation, les exterminations en Amérique du Sud puis du Nord, la traite négrière, l’esclavage puis la colonisation armée, qui ont été les moyens du pillage européen. > [!information] Page 80 Le troisième élément est le changement climatique causé principalement par les pays industrialisés. Ils ont émis 80 % du stock de GES d’origine humaine alors qu’ils représentent moins de 20 % de la population mondiale. Étant responsables très majoritairement du réchauffement climatique en cours, ils ont une dette envers les peuples du Sud qui n’ont émis à l’heure actuelle que très peu de GES. L’Afrique, c’est aujourd’hui 3 % des GES émis alors qu’elle compte 15 % de la population mondiale. Même si la Chine est devenue le premier émetteur de GES, l’accumulation de CO2 présent dans l’atmosphère en 2014 ne peut, pour le moment, lui être imputée que pour une faible part. > [!information] Page 80 Quatrième élément, la pauvreté, la misère, la faim et les nombreux morts qu’elles entraînent – conséquences directes de l’extorsion par les plus puissants des biens communs que sont les richesses naturelles – forment la dette sociale. > [!approfondir] Page 80 L’ensemble des dettes, historique, environnementale, climatique et sociale constitue pour nous la dette écologique. Certains objecteront que la dette historique liée à l’esclavage ne peut être classée sous le terme écologique. Pourtant l’Afrique subit encore aujourd’hui le contrecoup affectif, culturel, économique et environnemental de la perte de dizaine de millions des siens, arrachés de force à leurs familles et à leur pays, ainsi que celui de l’asservissement et des assassinats coloniaux pendant près d’un siècle. Cette dette écologique est donc bien la conséquence des pillages effectués par les colons et les multinationales extractivistes, cause première de la misère d’une grande partie de la population. En acceptant l’idée que l’extractivisme est la source de la dette écologique, les dettes historiques et sociales qui y sont directement liées ne peuvent, pour nous, en être séparées. > [!information] Page 82 L’Indonésie est devenue le troisième pays émetteur de GES10 à cause des incendies volontaires de forêts primaires pour les remplacer par des palmiers. Cette huile alimentaire peu chère est aussi utilisée pour fabriquer des agrocarburants. > [!information] Page 83 Il ne faudrait pas émettre plus de 565 gigatonnes de CO2 ou équivalents CO2 d’ici à 2050 pour avoir de sérieuses chances de ne pas dépasser la barre fatidique des 2 °C. La combustion de toutes les réserves prouvées de pétrole, charbon et gaz de la planète engendrerait 2 795 gigatonnes de CO2, soit cinq fois plus ! Si l’on veut respecter les préconisations des scientifiques, ce sont donc 80 % de ces réserves qui ne doivent pas être extraites et consommées11. > [!information] Page 83 Entre 70 et 80 % des surfaces agricoles de la planète sont consacrées directement à l’élevage12, ou indirectement, à travers la production d’aliments pour le bétail. La part des terres dédiées aux agrocarburants augmente fortement. Le soja OGM d’Argentine et du Brésil représente jusqu’à 80 % des protéines entrant dans la ration des bêtes d’élevage en Europe. Le mode alimentaire occidental, du champ à la bouche, produit près de 50 % des GES13. Les causes principales étant le productivisme agricole, la consommation de 70 % de protéines animales pour seulement 30 % d’origine végétale, les 50 % de nourriture gaspillée, le stockage froid et le transport de longue distance. Par ailleurs, les agrocarburants – culture, transformation et utilisation – produisent plus de GES qu’un litre de pétrole. Sans subventions publiques, la plupart des agrocarburants ne seraient pas viables économiquement. > [!information] Page 84 L’oligarchie dirigeante refuse de payer le véritable prix des richesses extraites en intégrant celui des externalités négatives comme celui de leur finitude. Raison pour laquelle le niveau de vie matériel dans les PED n’a que très peu progressé depuis cinquante ans, à l’inverse de celui des pays extracteurs. Ainsi le rapport du niveau de vie moyen est environ de 1 à 100 entre la moyenne des habitants des pays subsahariens et ceux de la Triade, au XXIe siècle. Ils étaient pourtant très proches avant la colonisation. > [!accord] Page 84 De très nombreuses ouvrières du textile au Bangladesh luttent pour obtenir un salaire supérieur aux 30-40 dollars qu’elles gagnent pour 200 heures par mois, sans assurance sociale. Ainsi le prix de vente d’un seul pantalon ou veste H&M, Gap, Zara, etc., dans un pays occidental est bien supérieur au salaire mensuel de l’ouvrière qui en a fabriqué de grandes quantités > [!information] Page 85 L’empreinte écologique est un concept très intéressant pour appréhender la dette écologique. C’est « la surface correspondante de terre productive et d’écosystèmes aquatiques nécessaires pour la production des ressources utilisées et l’assimilation des déchets produits par une population définie à un niveau de vie spécifié16 ». La biocapacité disponible par personne sur la terre en 2006 était de 1,8 hag (hectares globaux). Or si un Indien ou un Africain n’utilise que 0,8 hag, un Européen a besoin de 4,5 hag et un États-unien de 9 hag. > [!information] Page 86 Près d’un tiers des humains sous-nutris ou carencés vivent dans l’Afrique sub-saharienne où ils subissent les effets dévastateurs d’une dette de 140 milliards de dollars. Son annulation serait, pour les pays créanciers, indolore. Moins de 0,3 % des avoirs des 1 400 milliardaires en dollars de 2013 seraient suffisants pour l’annuler alors que leur fortune est en grande partie issue des richesses naturelles du continent africain. Au regard des désastres écologiques subis et des quantités de ressources pillées, nous pouvons dire que la valeur de la dette écologique due au sous-continent africain par les pays industrialisés est incommensurable, peut-être 100 ou 1 000 fois supérieure à sa dette extérieure publique > [!accord] Page 86 Le remboursement des dettes financières illégitimes oblige les PED à vendre leurs ressources naturelles aux multinationales – ce qui est le but recherché par cette escroquerie criminelle – entraînant en retour un accroissement de la dette écologique. > [!approfondir] Page 86 Réparer, compenser ou même seulement reconnaître la dette écologique affaiblirait l’hégémonie imposée aux peuples du Sud par le trio FMI-BM-OMC et les pays créanciers. Les multinationales ne pourraient plus décider unilatéralement de l’avenir, du climat pendant les COP (conference of the parties) de Stockholm 1972 à Rio 2012 en passant par Copenhague 2010 et jusqu’à Paris en 2015. Une reconnaissance de la dette écologique impliquerait de réels transferts compensatoires techniques, matériels et financiers du Nord vers le Sud, et non plus de pseudo-généreuses miettes à titre humanitaire. Elle est une condition indispensable pour qu’existe un rattrapage du développement des PED, une sortie de la pauvreté des populations et un renforcement de leur souveraineté18. Seule une coopération entre les sociétés civiles du Nord et du Sud, dans la lutte pour la reconnaissance de cette dette, permettrait de faire face aux multinationales extractivistes et pollueuses. > [!accord] Page 87 Reconnaître la dette écologique due aux PED ferait monter progressivement le prix des matières premières et permettrait à ces pays de retrouver une souveraineté économique. Cela provoquerait aussi un ralentissement des extractions-exportations imposées. Le système dominant est fondé sur le cycle « extractivisme-productivisme-consumérisme-profits-pollutions ». La valorisation de leurs ressources leur permettrait enfin de les transformer localement, ce que font justement les pays émergents. > [!accord] Page 89 Alors que plus de deux milliards d’humains souffrent encore de faim et/ou de malnutrition, il est particulièrement cynique d’utiliser la « nécessité » de nourrir la planète pour justifier l’appropriation privative de la terre et de l’eau. Il serait certes moins avouable d’annoncer que ce qui motive cette appropriation est la recherche du profit ! Que dire par ailleurs des performances tant vantées du productivisme agricole, alors qu’il se montre incapable de mettre à disposition de chaque terrien nourriture et eau en quantité suffisante comme en qualité ? Tout simplement que ses promesses sont mensongères. > [!accord] Page 91 Selon la [[Via Campesina]] : « la “souveraineté alimentaire”, c’est d’abord la régulation du commerce pour protéger les droits des peuples et des paysans à définir leur politique agricole et alimentaire sans dumping. » > [!approfondir] Page 91 [[Marc Dufumier]] écrit : « Elles \[les familles les plus pauvres\] sont trop souvent privées du minimum nécessaire (fourches, râteaux, pelles, bêtes de somme, charrettes) et sont dans l’incapacité d’exploiter pleinement les possibilités de l’agroécologie. L’urgence est donc de leur permettre d’acquérir enfin ces équipements en provoquant une nouvelle réforme agraire. La mise en œuvre de pratiques agricoles hautement productives à l’hectare et respectueuses de l’environnement suppose que les familles paysannes puissent avoir accès à des terrains de taille suffisante et assez longtemps afin d’être assurées sur le long terme de pouvoir bénéficier du fruit de leurs efforts5. » > > [!cite] Note > J'avais lu [cet article](https://basta.media/Agriculture-industrielle-dependance-au-gaz-pesticides-urgence-de-la-transition-agricole-climat-GIEC-agroecologie-Marc-Dufumier) de ce gars, turbo basé. A suivre ^797e91 > [!information] Page 91 La traction animale est réservée à une minorité de paysans, ceux possédant un tracteur sont encore moins nombreux… La population agricole active s’élève à 1 milliard 300 millions de personnes, elle ne dispose que de 250 millions d’animaux de travail, soit environ 20 % du nombre des actifs agricoles, et de 28 millions de tracteurs, soit 2 % d’entre eux. La très grande majorité des agriculteurs du monde continue donc de travailler à la main, en particulier en Afrique subsaharienne6. > [!approfondir] Page 92 La BM, le FMI et des organisations comme la Fondation Bill Gates font la promotion de l’agriculture industrialisée à coup de centaines de millions de dollars, aidant ainsi les multinationales comme Monsanto, Syngenta, Pioneer, Cargill et bien d’autres à vendre des plantes brevetées ou OGM, des pesticides et des engrais. D’ailleurs le créateur du monopole Microsoft, première fortune et premier « humanitaire » mondial, est aussi le premier actionnaire de Monsanto. Les plus de deux milliards de personnes insuffisamment nourris pour avoir une vie active, selon la FAO, apportent pourtant la preuve que le système productiviste est incapable d’alimenter le monde. Un véritable scandale puisque, selon cet organisme, la production agricole actuelle est suffisante pour nourrir 12 milliards de personnes, chiffre constamment repris par [[Jean Ziegler]] dans ses livres et discours10 ainsi que par son successeur à l’ONU, Olivier de Schutter. La logique du profit, et donc de la faim, est préférée à celle du partage. > [!information] Page 93 Si les surplus du Nord sont vendus parfois à la moitié du prix des productions locales en Afrique subsaharienne ce n’est pas parce que les coûts de production sont plus faibles, mais bien grâce aux subventions versées aux agriculteurs. C’est ainsi que l’autonomie alimentaire et l’organisation solidaire des villages sont volontairement cassées. Karl Polanyi l’explique dans La grande transformation : « La catastrophe que subit la communauté indigène est une conséquence directe du démembrement rapide et violent des institutions fondamentales disloquées par le fait même qu’une économie de marché est imposée à une communauté organisée de manière complètement différente. Le travail et la terre deviennent des marchandises. Dans la seconde moitié du XIXe siècle, les masses indiennes ne sont pas mortes de faim parce qu’elles étaient exploitées par le Lancashire (Angleterre), elles ont péri en grand nombre parce que les communautés villageoises avaient été détruites. » > [!accord] Page 94 Au nom des thèses de Ricardo sur les avantages comparatifs, les décideurs du Nord, BM en tête lorsque Larry Summers était son économiste en chef (1991-93), ont expliqué qu’il était plus intéressant pour les PED d’importer des céréales des pays industrialisés et d’exporter des bananes, arachide, huile de palme, café, cacao, etc. Ainsi donc le libre-échange serait gagnant-gagnant ? Cette glorification de l’extractivisme et du commerce international omet pourtant de dire que les pays du centre dominent toujours les pays de la périphérie dans un système de libre-échange et qu’en plus, ce sont seulement les entreprises étrangères et les bourgeoisies locales qui en profitent et non les populations. Alors que l’agriculture familiale nourrit encore aujourd’hui 70 % des humains, l’exportation de denrées agricoles subventionnées est un moyen de conquête de la guerre économique et en plus une forme cachée de protectionnisme pour les pays qui imposent le libre-échange. > [!information] Page 95 Une autre conditionnalité liée aux prêts du FMI et de la BM a été la privatisation des grandes entreprises publiques des PED. Le cas de la CMDT, Compagnie malienne des textiles, illustre bien les dégâts causés par de telles politiques. La CMDT faisait un travail d’alphabétisation, de conseiller technique auprès des agriculteurs, d’entretien des infrastructures routières et scolaires. La compagnie garantissait un prix d’achat plancher aux cotonculteurs, ce qui leur permettait d’investir dans la production sans crainte. Elle a été déstabilisée par la baisse du prix du coton due aux subventions de plusieurs milliards de dollars versées chaque année aux cotonculteurs étasuniens. « Comment admettre \[…\] que les producteurs américains et européens dont les coûts de production sont très supérieurs à leurs concurrents africains puissent inonder le marché mondial grâce à d’énormes aides gouvernementales ? Comment l’admettre quand au même moment les paysans africains ont de plus en plus de mal à survivre, privés de toute subvention publique, leurs gouvernements n’en ayant pas les moyens ?14 » > [!information] Page 96 Les éleveurs africains ne peuvent pas rivaliser avec les bas morceaux de poulets congelés importés, alimentés aux céréales subventionnées. Selon Julien Duriez, reporter au Cameroun pour Terra Eco : « l’Afrique aurait importé 1,3 million de tonnes de cette volaille en 2012, soit 11 % des importations mondiales, contre 260 000 tonnes en 200015 ». Ne pouvant plus vendre, les éleveurs arrêtent leur production et beaucoup terminent dans les bidonvilles de Dakar, Yaoundé ou d’autres grandes villes à la recherche de moyen de subsistance pour leur famille. Ils finiront par vendre leur terre, quand ils en sont propriétaires, pour une « bouchée de pain blanc » en provenance de la Beauce ! > [!information] Page 97 Une agriculture biologique améliorée grâce aux recherches scientifiques et à l’utilisation des savoirs acquis par les paysans, est sur un nouveau départ. Selon l’agronome Jacques Caplat « Le rendement moyen des céréales en France était de 12 quintaux à l’hectare en 1900 alors qu’il est de 60 quintaux à l’hectare aujourd’hui dans une ferme biologique de polyculture-élevage. Autrement dit, même dans les conditions tempérées occidentales, la bio permet des rendements inférieurs en moyenne de 15 % à ceux de l’agriculture conventionnelle chimique… mais supérieurs de 500 % à ceux de l’agriculture du début du XXe siècle17. » > [!approfondir] Page 97 À ceux qui prétendent que ces productions industrielles permettent de « nourrir l’humanité », sans impacts environnementaux majeurs, Wen Tiejun, doyen de l’école d’agriculture et du développement rural à l’Université Renmin, explique : « Pour la quasi-totalité des 5 000 ans d’histoire de la Chine, l’agriculture avait donné à notre pays une économie qui absorbait le carbone, mais au cours des quarante dernières années, l’agriculture est devenue l’une des causes principales des pollutions. L’expérience montre que nous n’aurions pas dû nous appuyer sur l’agriculture chimique pour résoudre le problème de la sécurité alimentaire des populations18. » > [!accord] Page 99 Une grande exploitation, en agriculture conventionnelle, produisant de grandes quantités de matières premières à bas prix grâce aux subventions des contribuables et par l’externalisation de ses coûts négatifs22, fera croître les profits des nombreux industriels, en amont et en aval : machinisme, engrais, pesticides, semences brevetées, dépollution des eaux, finance, commerce, grande distribution, etc. Cette logique du profit conduit à l’agrandissement des « fermes », avec à la clé toujours moins de travailleurs à surface égale, plus de chimie destructrice, des machines toujours plus grosses, plus de pétrole et de CO2 émis et moins de biodiversité. Attention, il n’y a pas ici de généralisation critique contre les agriculteurs productivistes en tant qu’individus, même si certains ont une part de responsabilité. Il faut comprendre qu’ils ont été et sont encore instrumentalisés par l’endettement, la PAC et les aides diverses pour produire à très bas prix des matières premières à l’état brut. Cela, bien sûr, pour les profits de la chaîne des transformateurs, distributeurs et bien d’autres. Quand les champs et les fermes sont utilisés par les multinationales de l’agroalimentaire comme le sont les puits de pétrole ou les mines par d’autres, on peut dire que les terres arables sont devenues des mines à ciel ouvert dont les agriculteurs sont les extractivistes : exploitants souvent exploités. On peut même dire que beaucoup sont victimes de ce système, surtout quand on pense aux nombreux suicides et aux maladies causées par les pesticides dans cette profession. > [!accord] Page 100 Du côté du consommateur, c’est au cours des années 1960 que sont apparus les premiers supermarchés remplaçant les commerces de proximité, faisant diminuer les emplois23, augmenter les déplacements pétrolivores et la consommation alimentaire. La nouveauté a été les alignements de produits et le self-service avec les chariots pour empiler la malbouffe emballée, blindée aux protéines animales, au sucre, au sel, aux pesticides et autres additifs chimiques. Remplir le grand frigo jusqu’à la gueule et pouvoir manger et boire sans limites : un rêve américain qui n’a cessé de gagner du terrain. Pourtant des milliards de pauvres n’auront jamais accès à ce « paradis consumériste », car la croissance de ce conso-gaspillage n’est possible que par la faim, la pauvreté et les pertes de territoire que d’autres subissent ailleurs. Les terres, les productions végétales et animales ne sont pas extensibles à l’in fini. > [!information] Page 101 En France, Edgar Pisani, ministre progressiste de l’agriculture sous de Gaulle et promoteur de la « révolution verte » avec ses remembrements sauvages a engagé la destruction des haies et la suppression des chemins creux pour permettre l’évolution des grosses machines. À plus de quatre-vingt-dix ans, il confesse les erreurs commises25. > [!information] Page 102 En revanche, les pays de la Triade27 ont versé près d’un milliard de dollars par jour à leurs agriculteurs pendant les dernières décennies. Ces subventions sont enfin en baisse, les États-Unis ont en même supprimé certaines en 2014 comme l’Europe qui n’accorde plus les dramatiques aides à l’exportation, très destructrices de l’agriculture du Sud. > [!information] Page 102 Aujourd’hui dans les exploitations céréalières, une moissonneuse-batteuse et quelques gros tracteurs et remorques permettent à deux personnes de récolter et transporter jusqu’au silo près de 3 000 tonnes d’équivalent céréales en quelques semaines > [!accord] Page 103 Tout ceci ouvre logiquement un boulevard à l’agriculture biologique. Elle pollue peu, n’externalise pas ses coûts et, généralisée, serait capable en quelques décennies de faire baisser les températures moyennes de la terre28. Son retard n’est dû qu’aux mensonges et au bio-scepticisme instillés par les firmes de l’agrobusiness, comme l’on fait avant eux les industriels du tabac ou ceux de l’amiante niant les problèmes de santé dont ils étaient responsables, et comme le font les lobbies du pétrole en inventant le climato-scepticisme à coup de centaines de millions de dollars > [!approfondir] Page 103 Par cette double stratégie le productivisme a non seulement résorbé ces surplus, mais a même augmenté ses productions céréalières et animales. Comment ? En important des protéines de soja à bas prix, provenant en majorité du Brésil et d’Argentine, issues à 80 % de cultures OGM. Sans ces énormes apports de l’extractivisme agricole étranger, nul doute que le prix des viandes et produits laitiers serait beaucoup plus élevé et la production quantitativement très inférieure. Pourquoi ? Vendre des steaks et des produits laitiers rapporte infiniment plus que vendre des patates, du blé, des légumes secs et des épis de maïs. Carnivore ou végétarien sont des choix qui dépassent la question du goût, car ils ont des conséquences géopolitiques considérables > [!approfondir] Page 104 Le commerce international des céréales concerne 12 % de la production mondiale. Le reste est vendu sur les marchés locaux ou autoconsommé. Pourtant, les cours mondiaux, cotés dans les bourses du Nord, seront pour le blé, le maïs, le soja, le riz, etc., celui du producteur le plus important. Ainsi pour le maïs, c’est le prix états-unien qui sera la référence. Étant fortement subventionné, ce prix trop bas mettra les producteurs sans aide dans de grandes difficultés. Ce système de concurrence déloyale est clairement un moyen de conquête des marchés agricoles des pays qui ne peuvent subventionner leur agriculture. Particulièrement les PED contraints de baisser leurs barrières douanières sous les « ordres » du FMI comme conditionnalités des prêts de secours. De plus, l’OMC poussant à la libre circulation des biens et denrées agricoles sur le plan mondial, ces pays se retrouvent sans défense face à des exportations de denrées en dumping. > [!information] Page 105 L’exemple du Mexique est emblématique. La signature de l’Accord de Libre-échange de l’Amérique du Nord, l’Alena30, en 1994, a fait disparaître les taxes douanières qui protégeaient les petits producteurs. Le maïs états-unien, moins cher grâce aux aides publiques, est alors entré massivement, ruinant de nombreux paysans mexicains contraints d’abandonner leurs champs. Originaire du Mexique, le maïs est la base de l’alimentation et de la culture de ce pays, comme le riz en Asie. Or, le prix du maïs a quasiment triplé en 2008, atteignant 240 € la tonne. Le prix de la tortilla, le plat national, a flambé, produisant faim et misère, la production mexicaine étant devenue insuffisante pour contrecarrer cette hausse et la population trop pauvre pour y faire face > [!information] Page 105 En France, l’équivalent de l’ensemble de la production des oléoprotéagineux, colza et tournesol, est utilisé comme substitut du pétrole pour les agrocarburants et la chimie « verte ». Des subventions publiques sont données aux producteurs de colza-tournesol ainsi que des aides publiques aux industries de transformation de ce pétrole « vert ». Est-il acceptable que Sofiprotéol, le premier groupe français de la filière des huiles et protéines végétales, soit dirigé par Xavier Beulin, président de la FNSEA, syndicat agricole majoritaire et « ministère bis » de l’agriculture ? Un tel conflit d’intérêts n’émeut quasiment personne alors que la France est devenue importatrice pour sa propre consommation d’huile de palme et de soja, produits qui détruisent les forêts primaires en Asie, Amérique du Sud et Afrique. Ces carburants censés être « verts » affichent en réalité, pour certains, un bilan environnemental calamiteux, lorsque les plantations destinées aux agrocarburants entraînent la destruction de forêts ou de prairies en Amazonie ou en Indonésie, et donc une perte d’écosystèmes captant le CO22. > [!accord] Page 106 Si les gouvernements s’accordaient enfin pour sortir les denrées alimentaires des marchés financiers, il leur faudrait aussi en retirer les terres. Ce qui impliquerait de leur redonner le statut de biens communs, et ainsi de faire primer le droit d’usage sur celui de propriété. Ce que nous défendons vivement. Le paysan agriculteur doit redevenir locataire temporaire de la terre de ses enfants si nous ne voulons pas que le monde se transforme en une gigantesque barbarie dans laquelle ceux qui meurent de faim regardent ceux qui conso-gaspillent et réciproquement. > [!information] Page 107 viande par an, les États-uniens plus de 120 kg. La Chine a accru sa consommation de 55 % en dix ans35, l’Inde traditionnellement végétarienne et d’autres pays veulent atteindre le standard de vie des Occidentaux. Sachant qu’il faut environ 6,5 protéines végétales (PV) pour produire une protéine animale (PA), que se passera-t-il si cette tendance se maintient ? > [!information] Page 107 Un rapport d’Oxfam, « Banques, la faim leur profite bien36 », explique que la finance occupe 65 % du marché des dérivés agricoles en 2013 contre 35 % pour les commerçants et les producteurs. BNP Parisbas, Crédit Agricole, Société Générale et BPCE y sont très présentes, [[Jean Ziegler]] parle de « banditisme bancaire37 ». Les mastodontes du commerce agroalimentaire, comme Glencore, Cargill, Louis Dreyfus, Mitsubishi, etc.38, profitant de leurs positions monopolistiques, sont souvent les premiers à spéculer. Si l’on regarde les trois aliments de base (le maïs, le riz et le blé), qui couvrent 75 % de la consommation mondiale, leurs prix ont explosé. En dix-huit mois, le prix du maïs a augmenté de 93 %, la tonne de riz est passée de 105 à 1 010 dollars et la tonne de blé meunier a doublé depuis septembre 2010, passant à 271 euros. Cette explosion des prix dégage des profits astronomiques pour les spéculateurs, mais tue dans les bidonvilles des centaines de milliers de femmes, d’hommes et d’enfants39. > [!accord] Page 108 Imaginons qu’une stratégie spéculative – la mise sur le marché d’un très gros stock virtuel (achat à terme) ou réel – amplifie la baisse du prix du riz au moment de la récolte, car elle semble être mondialement abondante, c’est bien le producteur qui verra son investissement et son travail sous-rémunéré. Et si, plus tard, les investisseurs font monter les prix par des achats de masse, le spéculateur ayant fait des achats virtuels ou stockés réellement gagnera encore beaucoup d’argent une deuxième fois au détriment du producteur qui aura déjà vendu sa récolte à bas prix. Les spéculateurs ne font pas de l’argent avec de l’argent, comme ils le font croire avec leurs algorithmes, produits dérivés ou trading à haute fréquence, mais bien avec la sueur des autres, généralement celle des pauvres qu’ils transforment alors en misérables. > [!approfondir] Page 111 En faisant disparaître à terme la diversité des semences paysannes et locales, elle nous expose collectivement à d’immenses famines comme la planète n’en a jamais connu. Pierre Henri Gouyon45, spécialiste de la génétique des plantes, explique dans une courte vidéo « Les OGM et la panne de la biodiversité agricole », qu’une maladie, incurable rapidement, pourrait toucher une des variétés planétaires et provoquer une famine mondiale. Ce n’est donc pas une vue de l’esprit des opposants aux OGM et au productivisme agricole. Quand on voit les images de l’armée colombienne46 éventrer des sacs de semences paysannes, au nom d’un accord de libre-échange avec les États-Unis, il est plus que temps de réagir, par exemple en soutenant les « Faucheurs volontaires. » > [!accord] Page 111 Quant aux populations des pays industrialisés, si elles profitent des prix, en apparence peu élevés, et de quantités abondantes, c’est d’abord à cause des subventions publiques tirées de leurs impôts, ensuite à l’externalisation négative des coûts cachés, enfin au détriment de la qualité nutritionnelle. Les prix des maladies engendrées par les pollutions agricoles (air, terre, eau et aliments) ne sont pas chiffrés alors qu’ils sont considérables. Le coût environnemental et social des extractions diverses à l’étranger, nécessaires au productivisme agricole, est lui aussi rarement comptabilisé. > [!information] Page 112 N’oublions pas que 284 000 paysans indiens se sont suicidés pour surendettement après être tombés dans les dettes de la « révolution verte » et de la biotechnologie, comme l’explique [[Vandana Shiva]]. ^53c9c7 > [!information] Page 112 Selon l’agronome Jacques Caplat, la dépollution des eaux (nitrates et pesticides) coûte en France entre 800 et 2 400 euros par hectare cultivé en mode conventionnel (engrais et pesticides)47. Ce qui peut parfois être plus élevé que la valeur brute des récoltes par hectare. Le fait que la dépollution soit payée par les consommateurs d’eau est un détournement qui profite aux compagnies privées qui distribuent et épurent la ressource, mais surtout aux fabricants d’engrais et de pesticides qui en sont responsables et en tirent de grands profits sans payer la dépollution > [!accord] Page 113 Quand on intègre les externalités négatives du conventionnel, la comparaison des bilans devient catastrophique pour ce dernier. Si la dépollution des eaux coûte en moyenne dans le conventionnel près de 1 600 euros par hectare cultivé et par an, la perte de biodiversité comme la disparition des abeilles ou le coût de la pollution des terres, de l’air et des aliments ne sont pas évalués. > [!accord] Page 113 Pourtant on ne cesse d’entendre que le bio est trop cher. En apparence, c’est vrai puisque les coûts cachés du conventionnel sont externalisés. Multinationales des semences brevetées, producteurs de pesticides et d’engrais, grands transformateurs et distributeurs alimentaires, compagnies d’eau et de publicité, médias et banques, lobby médico-pharmaceutique, tous soumis à une recherche effrénée de dividendes, mentent. Tant qu’ils réussiront à cacher et faire prendre en charge les externalités négatives de l’agriculture productiviste par la population, ils parviendront à ralentir le développement de l’AB. Alors le futur, santé des peuples et biotope naturel, continuera de s’assombrir. > [!approfondir] Page 114 Le consommateur paie sa nourriture six fois. Après l’avoir achetée, il la paie une deuxième fois avec les subventions versées à l’agriculture, ensuite une troisième en ouvrant le robinet avec les taxes pour la dépollution de l’eau (pesticides et nitrates), qui seraient inutiles avec l’AB. Il paie une quatrième fois en allant chez le médecin, bien souvent pour des ALD (diabète, cancer, obésité, etc.) dont l’origine est alimentaire et environnementale50. Il paie une cinquième fois en subissant les conséquences de la perte accélérée de la biodiversité (pollinisateurs, végétaux, animaux) et enfin une sixième en supportant les premiers dégâts du réchauffement-dérèglement climatique dus à cette agriculture. > [!information] Page 114 Carotte, yaourt, blé, poulet, etc., coûteraient en réalité aux citoyens cinq à dix fois moins cher si l’AB était universalisée. Une méta-analyse de l’université de Newcastle « montre que l’alimentation biologique, outre qu’elle ne contient pas de résidus de pesticides et qu’elle protège l’environnement, produit des aliments aux qualités nutritionnelles intrinsèques très favorables à la santé51 » « Les fruits et légumes bio, plus riches en antioxydants » titre Le Monde52. > [!information] Page 115 Selon la FAO, « alors même que près de 870 millions de personnes souffrent de la faim, le monde est de plus en plus confronté à un double fardeau lié à l’alimentation : d’une part, la sous-alimentation chronique et les carences en micro-nutriments et, d’autre part, l’obésité, le surpoids et les maladies non transmissibles qui en dérivent54 ». > [!approfondir] Page 115 Ainsi les montagnes de céréales et de viandes produites dans les pays industrialisés n’améliorent en rien l’alimentation de ceux qui n’ont pas les moyens financiers de se les procurer : les 98 % d’affamés vivant dans les PED. Par ailleurs selon l’association Solidarités internationales, « 50 % de la population mondiale n’a pas accès à une eau potable, dont 1,9 milliard de personnes qui n’ont pas d’autre choix que de boire une eau dangereuse56. » > [!information] Page 115 Selon l’analyse des Amis de la terre, « les hauts niveaux de consommation en Europe, et notre forte consommation de viande, de produits laitiers et autres denrées dont la production laitière, requièrent de larges surfaces, gonflent de façon insoutenable notre besoin en terres. L’Europe mobilise ainsi 640 millions d’hectares par an pour sa consommation, soit 1,5 fois sa propre superficie57 ». > [!information] Page 115 Dans les pays industrialisés, 3 600 calories sont absorbées par personne en moyenne chaque jour, alors que 2 500 suffisent largement pour bien vivre. « 65 % de la population mondiale habitent dans des pays où le surpoids et l’obésité tuent plus de gens que l’insuffisance pondérale58. En arrivant en ville, les habitants des villages enrichissent leur régime alimentaire en aliments à forte quantité énergétique mais faible qualité nutritionnelle. Ce qui explique que les populations de ces pays sont à la fois touchées par le surpoids et la dénutrition59. » > [!information] Page 116 En 2013, 120 millions de jeunes Chinois étaient concernés par l’obésité. Selon une étude de l’université de Washington de 2014, 2,1 milliards d’humains sont en surpoids et selon la FAO plus de deux milliards d’humains ne mangent pas assez. Il n’y aurait donc qu’un tiers des humains à n’être pas sous-nutris, ni suralimentés ou malnutris ! > [!accord] Page 116 Parler de frugalité, même heureuse comme Pierre Rabhi ou joyeuse comme [[Paul Ariès]], est insupportable pour les habitants des pays industrialisés – les 20 % qui consomment 80 % des richesses de notre terre. Et pourtant l’équilibre alimentaire en protéines se situait souvent bien au-delà de 70 % de protéines végétales et 30 % de protéines animales au début du XXe siècle. ^27a81d > [!accord] Page 116 La décolonisation de notre imaginaire, pas facile à faire, nous permettrait de trier entre les pseudo-désirs, les faux besoins et les messages de santé mensongers qu’instillent en permanence la propagande consumériste. Pour cela il faudra instituer la tolérance zéro à l’égard des mystifications ou réels mensonges de la publicité. On en rêve ! Une fois de plus c’est à nous tous de résister, avec le RAP60 par exemple, car les gouvernements ne font rien. > [!approfondir] Page 117 Nous mangeons trop et trop riche, car tout nous y pousse, de la publicité à la mode du tout prêt, et même jusqu’aux conseils des nutritionnistes et diététiciens, dont la formation a été corrompue par le système agroalimentaire61. L’exemple des laitages recommandés pour contrecarrer l’ostéoporose est emblématique de ces mensonges orchestrés par l’agrobusiness62. Cette folle consommation de protéines animales fait des nantis, les Occidentaux en particulier, des pilleurs extractivistes et des réchauffeurs du climat qui s’ignorent… plus ou moins ! > [!information] Page 117 Depuis quelques décennies les affections de longue durée, les ALD, sont en augmentation constante précisément dans tous les pays où la consommation de protéines animales s’accroît. De longues études scientifiques faites par T. Campbell démontrent très clairement le lien entre augmentation des maladies chroniques ou ALD et consommation débridée de produits animaux > [!information] Page 117 Aujourd’hui, selon Agnès Stienne, « les pâturages recouvrent 60 % des terres agricoles, le fourrage quant à lui occupe 35 % des terres arables. Au total, 78 % des terres agricoles sont ainsi dédiées au bétail et à son alimentation63 ». > [!approfondir] Page 117 La filière de la viande a tout fait pour démontrer, sans preuve, que la croissance de cette consommation était bénéfique pour la santé. Devenue indissociable du progrès social elle est aussi une consommation ostentatoire – mise en évidence par Veblen64 – ou une rivalité mimétique, concept développé par René Girard65. Chacun désire ce que l’autre possède ou consomme. Dans le système de valeurs matérialistes, l’inégalité sociale vécue à travers le différentiel du niveau de richesses, alimentaires ici, conduira chacun à utiliser les codes de reconnaissance sociale des classes supérieures, même s’il n’en a pas les moyens financiers. > > [!cite] Note > Y a un truc vraiment intéressant dans la pensée de Veblen et sa classe des loisirs. > [!information] Page 119 Les Chinois et les Indiens en augmentant leur consommation de viande sont maintenant atteints par les mêmes ALD dont ils étaient indemnes auparavant : obésité, maladies cardio-vasculaires, diabète, cancers, problèmes d’articulations ou neurologiques, etc. « La population chinoise (prise dans son ensemble) consomme deux fois plus de viande que les Américains, selon l’USDA, et le quart de la production mondiale. Pourtant la consommation chinoise de viande par tête d’habitant correspond à la moitié de celle d’un Américain68. » > [!information] Page 119 « Avec Yoplait dans sa gamme – un gros succès, dont les yaourts contiennent deux fois plus de sucre que des marshmallows – il est l’un des plus concernés. Et il (Stephen Sanger) va droit au but : “Ne me parlez pas de nutrition. Parlez-moi de goût et, si un produit a meilleur goût, n’essayez pas de me faire vendre autre chose qui a moins bon goût.” En clair, ils nous disaient : “Vous ne croyez pas qu’on va gâcher les bijoux de famille et changer nos formules parce qu’une bande de gars en blouse blanche se soucie de l’obésité.” Nous sommes en 1999. Aujourd’hui, aux États-Unis, un adulte sur trois est considéré cliniquement obèse, un enfant sur cinq ; 24 millions d’Américains sont atteints de diabète de type 2, près de 79 millions de pré-diabète et 7 millions souffrent de goutte, la “maladie des riches” associée à la gloutonnerie. Le sucre, le sel et les matières grasses les en remercient69. » > [!information] Page 120 Les causes de l’obésité peuvent être génétiques, psychologiques, environnementales (perturbateurs endocriniens). Une dose infinitésimale, quelques molécules de Bisphénol A70, de phtalates, de perfluorés ou de certains pesticides, peuvent être dramatiques pour le fœtus, son avenir d’adulte et même celui de ses descendants. Mais elles sont surtout d’origine industrielle et publicitaire, notamment pour les moins favorisés. « Le tour de taille des individus augmente avec les difficultés financières déclarées71. » > [!information] Page 120 [[Bernard Stiegler]] explique que les enfants, pris en otage par les messages publicitaires et l’effet de mode qu’ils induisent, en devenant prescripteurs des achats de leurs parents, se transforment en « mineurs-adultes ». Et que plus tard, leurs désirs pulsionnels, en dominant leur comportement avec cette immédiateté propre aux enfants, viendront s’opposer à la structuration de leurs désirs d’adultes nécessitant un temps plus long. Ce qui en fera des « adultes-mineurs ». ^0ccbbd > [!information] Page 121 Un obèse aura sans doute dix fois plus recours aux services de santé (médecins, analyses, soins, hospitalisations, chirurgie, médicaments) qu’une personne avec un IMC inférieur à 25. Selon Karine Clément « L’obésité est une maladie complexe, avec de nombreuses répercussions sur la santé. Et notamment une série de maladies métaboliques, comme le diabète, les maladies cardiovasculaires et certains cancers (du sein, de l’utérus, du colon, du foie)73. » Ainsi aux États-Unis les 100 millions d’obèses auront des dépenses de santé qui pourraient être équivalentes à un milliard de personnes en bonne santé. De 36 % d’obèses en 2012, l’Amérique passerait à 42 % d’obèses en 2030. Ces 6 % d’augmentation du taux d’obésité entraîneraient un surplus en dépenses de santé de 550 milliards de dollars sur les deux prochaines décennies74. > [!accord] Page 126 Quant aux énergies renouvelables, si elles sont de vraies solutions pour remplacer les énergies fossiles déclinantes et désastreuses pour le climat, elles nécessitent de grandes quantités de métaux et de ressources naturelles déjà limitées7. Le pic géologique, celui des matières premières minérales, le pic énergétique, le pic agricole et bientôt le peak everything seront bientôt atteints. Les énergies renouvelables ne seront une alternative crédible que dans la mesure où le gaspillage énergétique cessera. Inutile autant qu’impossible de construire des éoliennes si c’est pour consommer toujours plus. > [!information] Page 126 Il faut des ressources métalliques énormes pour fabriquer une grande éolienne : d’une à trois tonnes de cuivre et 500 kg ou plus d’aimants de néodyme, un des métaux contenus dans les terres rares. Il en va de même pour les panneaux solaires qui nécessitent argent, cuivre, silicium, plastique et terres rares. Quant aux centrales nucléaires, elles nécessitent encore plus de métaux rares tels que titane, cobalt, tantale, zirconium, hafnium, indium, argent, sélénium et lithium « alors que les réserves de tous ces métaux si spécifiques ne dépassent pas le siècle8 ». [[Philippe Bihouix]] explique que la High Tech emballe le système. > [!information] Page 127 N’oublions pas qu’en France, entre 50 et 70 milliards d’euros chaque année ne rentrent pas dans les caisses de l’État du fait de l’évasion fiscale pratiquée par les détenteurs de capitaux. Alors que dans le même temps, ce même État impose aux contribuables, les 99 %, de leur payer 50 milliards d’euros au titre des intérêts de la dette, à 59 % illégitime9. Avec ces 100-120 milliards rajoutés au budget français, les politiques d’austérité deviendraient inutiles, le financement des défis écologiques et de la lutte contre les inégalités assuré. > [!accord] Page 128 La BM continue à prêter en 2013 des dizaines de milliards de dollars pour l’extraction des énergies fossiles et alerte dans le même temps sur les cataclysmes à venir provoqués par le réchauffement climatique. Pour gagner l’élection présidentielle française, le candidat François Hollande déclare que son plus grand ennemi est la finance, mais après deux ans de mandature, impose des mesures d’austérité au peuple, sanctifie la croissance du PIB, les profits des entreprises, rembourse une dette illégitime, et nomme un ancien banquier de Rothschild, ministre de l’économie. > [!approfondir] Page 130 Pour que la trajectoire suicidaire actuelle s’infléchisse rapidement, les Européens et les états-uniens, pionniers et grands responsables du pillage extractiviste, « Pill-âge » ou « Occidentalocène », devraient être les premiers à diminuer très fortement leur empreinte écologique > [!accord] Page 130 Il est possible de vivre mieux, moralement et affectivement, en refusant d’être asservi par l’économie matérialiste. « Moins de biens plus de liens » proclament les objecteurs de croissance. « Il y a toujours un consommateur à la fin de la chaîne, et ce consommateur c’est vous et moi. Si nous voulons éviter un stress ingérable à l’avenir, nous devons renoncer aux idéaux du rêve américain et convaincre les politiciens que nous aspirons à autre chose que ce que le modèle consumériste du XXe siècle a forgé dans l’inconscient collectif de la plupart des sociétés. Des modes de vie soutenables, la décroissance… sont des pistes très enthousiasmantes10. » > [!approfondir] Page 130 Un avenir vivable pour tous ne pourra se construire qu’avec des relations fondées sur les communs, tendant vers le partage, la gratuité et donc la paix. « Vivre simplement pour que simplement d’autres puissent vivre » disait Gandhi. Les Latino-Américains avec le « buen vivir » font primer les relations avec les autres et la nature sur l’avoir. « Selon José Kaputa Lota, le “plus être” négro-africain implique la critique du développement entendu comme “simple croissance, simple accumulation de richesses matérielles”11. » Il en va de même avec le Bonheur National brut, le BNB du Bhoutan. > [!information] Page 131 L’audit citoyen est un formidable moyen pour mettre au grand jour l’immense escroquerie que la dette représente, pour les peuples du Sud comme pour ceux du Nord, depuis la débâcle bancaire de 2008. Il consiste à analyser d’où vient la dette, à quoi elle a servi, qui détient ses titres, à chercher si elle a été contractée dans l’intérêt de la population ou pas. Les dettes publiques illégitimes étant le levier de l’extractivisme et de l’asservissement des peuples, l’audit citoyen est le meilleur moyen de lutter contre ces deux fléaux. Il porte en lui la reconquête de la démocratie par le contrôle des finances de l’État. L’audit citoyen a pour but, aussi bien au niveau local qu’au niveau d’un pays voire d’un continent comme l’Europe, de comprendre comment l’argent des contribuables est dépensé par les gouvernements. > [!approfondir] Page 132 Les banques privées qui prêtent aux États et reçoivent les intérêts payés par les contribuables sont bien les vrais bénéficiaires, voire les véritables dirigeants, d’un système qui, en affaiblissant l’État, augmente le pillage des ressources humaines. Augmenter les impôts de la majorité pour faire face à la récession provoquée par les banques n’est-il pas une forme d’extractivisme appliquée à la plus-value produite par les travailleurs d’un pays ? > [!accord] Page 132 Les GPII (les grands projets inutiles imposés) associés à des PPP comme l’aéroport Notre Dame Des Landes, le train à grande vitesse Lyon-Turin, les autoroutes vides (Pau-Langon) ou les éléphants blancs dans les PED doivent être compris eux aussi comme des cadeaux faits aux grandes entreprises privées avec l’argent public ou pire avec des emprunts d’États faits auprès des banques : double jackpot. Privatiser les profits, socialiser les pertes, c’est la logique privilégiée par les gouvernants adeptes du néolibéralisme en période de crise, mise en évidence par Naomi Klein dans son livre « La Stratégie du choc ». > [!accord] Page 132 L’ensemble des dettes publiques peuvent être passées en revue par un audit citoyen qui agira comme un tamis en faisant apparaître toutes les dettes odieuses ou illégitimes, leur enlevant les assises pseudo-légales qui fondent leurs remboursements. « Je ne paie rien, car je ne dois rien » est le slogan des Grecs qui contestent les plans d’austérité successifs entraînant une récession économique équivalente à celle des PED qui, soumis aux mêmes plans d’austérité, sont maintenus dans la pauvreté depuis plus de trente ans. > [!information] Page 132 En 2007-2008, sous l’impulsion de Rafael Correa, l’Équateur a organisé un audit gouvernemental et citoyen. Les travaux ont abouti à une annulation du remboursement de 70 % de la dette souveraine. L’Équateur n’a pas subi à ce jour de rétorsion de la finance internationale13. L’Argentine a cessé ses remboursements de dettes unilatéralement en 2001. Elle était au bord du gouffre économique, conséquence d’un endettement odieux hérité de la dictature militaire de Videla. « Durant les deux dernières décennies (avant 2001), l’Argentine est un élève zélé du FMI et applique à la lettre ses contre-réformes : libéralisation financière, licenciement massif de fonctionnaires, privatisation des entreprises publiques, ouverture de l’économie, gel des salaires, diminution drastique des budgets de l’éducation et de la santé… Malgré les politiques d’ajustement structurel, le pays est prisonnier de la spirale de l’endettement. La récession économique s’installe14. » > [!information] Page 133 Le peuple d’Islande a obtenu, à force de casserolades, qu’il ne soit pas contraint d’assumer les dettes des banques en faillite. Depuis 2011-2012, ce pays a retrouvé un taux de croissance et de chômage que tous les pays européens lui envient. Agnès Rousseau écrit dans Bastamag « … face à la pire crise bancaire de l’histoire, l’Islande fait passer les intérêts des citoyens avant ceux des banquiers. Et a décidé de mettre fin à l’impunité des délinquants de la finance16 ». En décembre 2013 trois anciens banquiers et un important actionnaire de la banque Kaupthing ont été condamnés à plusieurs années de prison17. « Comme le reconnaissent Kenneth Rogoff, ex-économiste en chef au FMI, et Carmen Reinhart : “Les circonstances dans lesquelles une dette a été accumulée peuvent affecter le regard du débiteur sur sa ‘légitimité’ et sa propension à la rembourser.” Les prêts aux pays en difficulté sont conditionnés à des mesures d’austérité qui réduisent la souveraineté des États, violent les droits économiques et sociaux de leur population et ne permettront pas à ces pays de sortir de la crise. C’est pourquoi les nouvelles dettes générées par ces accords qui imposent aux peuples des mesures d’austérité sans précédent sont odieuses et peuvent être remises en cause18. » > [!accord] Page 134 N’oublions pas que les dettes publiques illégitimes ont un double rôle. Au Sud elles servent à contraindre les peuples et les pays endettés à exporter leurs matières premières à très bas coût pour ensuite exporter les devises nécessaires à leur remboursement vers les acteurs de la finance internationale. Au Nord, elles servent à contraindre les populations à perdre une part toujours plus importante des bénéfices de leur travail au profit de l’oligarchie financière. Que ce soit par la baisse des salaires, la privatisation des services publics ou l’augmentation de la charge de la dette sur le budget national, donc sur les contribuables. Leurs annulations sont fondamentales pour se rapprocher d’une société post-extractiviste dans laquelle la recherche du bien vivre, cher aux Équatoriens et aux Boliviens, primerait sur celui du toujours plus de consommation et de croissance. > [!information] Page 135 « On estime que les fuites de capitaux illicites coûtent au moins 859 milliards de dollars par an aux PED. La Commission européenne estime que l’évasion fiscale coûterait chaque année près de 1 000 milliards d’euros à l’Union européenne, soit près de 2000 € pour chaque citoyen européen. En France, le Sénat estime que le coût pour le trésor public de l’évasion fiscale pourrait atteindre 50 milliards (par an)21. » La disparition du contrôle des changes a été imposée aux gouvernements du Sud par le FMI. Remettre ce contrôle aux frontières rendrait beaucoup plus difficiles les détournements et la corruption opérés grâce aux PFJ. Et contrairement à ce que la communication dominante veut nous faire croire, la demande en ressources naturelles est tellement forte que les multinationales extractivistes seraient bien obligées de s’y soumettre si une telle décision était prise de façon concertée par un groupe d’États du Sud. L’évasion fiscale, les détournements de fonds publics dans les PED, les prix invisibles des accaparements de terre, les bénéfices illicites ou criminels deviendraient alors beaucoup plus difficiles. > [!information] Page 136 Même le FMI lui-même le reconnaît enfin en 2014 « L’évasion fiscale des multinationales est mauvais pour l’économie mondiale et les pays pauvres. Pour chaque dollar d’aide que les PED reçoivent, près de dix dollars disparaissent à travers la corruption et l’évasion fiscale22. » > [!information] Page 136 Pourquoi l’île de Jersey est-elle le premier exportateur de bananes ? Parce que les trois grands producteurs Dole, Chiquita et Fresh Del Monte, sociétés états-uniennes, se transforment en acheteurs-revendeurs de leur propre production. Comment ? En passant par des sociétés filiales dans ce paradis fiscal, elles minimisent leurs prix d’achat dans les pays producteurs d’Amérique latine et maximisent leurs prix de revente à d’autres filiales dans les pays consommateurs. Selon John Christensen de Tax justice network, les multinationales créent souvent une centrale d’achats aux Îles Caïmans, délocalisent leurs services financiers au Luxembourg, versent des royalties pour l’utilisation de la marque en Irlande, font facturer les coûts de transport sur l’Ile de Man, organisent le réseau de distribution à partir des Bermudes et paient les ressources humaines à Jersey. Ces escroqueries « légales », acceptées par nos gouvernements, enlèvent des recettes fiscales aux budgets des pays où la consommation a lieu. Le prix est volontairement si élevé que la plus-value faite sur la revente des bananes dans la filiale installée dans le pays acheteur n’offre qu’une très faible valeur ajoutée taxable. L’ensemble de la plus-value faite par ces jeux d’écritures comptables est alors réalisée à Jersey et dans d’autres PFJ où l’impôt sur les sociétés n’existe pas. En enrichissant les actionnaires de ces multinationales, elles appauvrissent les peuples du Sud et du Nord de plusieurs façons. Le prix de vente des bananes à la production est artificiellement trop bas pour que les travailleurs des bananeraies reçoivent des salaires dignes et que les taxes sur les exportations dues aux pays producteurs puissent améliorer les conditions de vie de la population. La terre, l’eau et les travailleurs de ces pays ont produit les bananes, et en plus ils subissent la défertilisation due à ces monocultures, les pollutions de l’eau et du sol, les maladies provoquées par le très dangereux Paraquat. > [!approfondir] Page 137 Une part très importante de l’APD française est gérée par l’AFD. Celle-ci administre les Contrats Désendettement-Développement, les C2D. De quoi s’agit-il ? Pour ne pas annuler une dette bilatérale, le plus souvent illégitime (soutien financier à un dictateur, argent détourné, aide liée, etc.) correspondant à un prêt fait par le gouvernement français à un pays de l’Afrique subsaharienne par exemple, l’État prêteur fait des C2D. Alors que la majeure partie de la population vit avec moins de deux dollars par jour, la France propose à ce pays que les remboursements de cette dette soient réinvestis dans le pays sous le contrôle de l’AFD. Ce système est éminemment retors puisqu’il qualifie d’APD les C2D. Ainsi il maintient la pression néocoloniale sur le pays pour obtenir l’accès privilégié à ses ressources naturelles ou favoriser une entreprise. De plus les C2D transforment le caractère illégitime ou odieux de la dette d’origine en aide généreuse. Pauline Imbach, dans le n° 17 (09/2014) de la revue Les Z’Indignés, nomme les C2D Contrat de Domination et d’Endettement. L’association Survie écrit : « \[avec\] les C2D sous couvert d’annulation de dette (que l’État bénéficiaire rembourse pourtant au final), des montants colossaux sont versés pour financer des projets cornaqués par l’AFD et pour lesquels les entreprises françaises décrochent régulièrement le pactole23 ». > [!accord] Page 138 « La main qui reçoit est toujours en dessous de celle qui donne » disait le grand écrivain malien Amadou Hampâté Bâ. L’APD ne porte-t-elle pas implicitement, derrière la générosité apparente, un potentiel de soumission ou de corruption de celui qui reçoit, voire des deux ? Peut-elle s’abstraire du « donner, recevoir, rendre », de l’équilibre entre ce qui est reçu et ce qui est rendu ? Colonialisme et néocolonialisme sont des « prendre sans rendre ». On parle d’« échange inégal » entre les matières premières exportées par les PED, dont la valeur restant au pays est extrêmement faible, et les produits manufacturés importés dont le prix est toujours plus élevé. L’APD française comme celle des autres pays industrialisés est si maigre qu’elle ne peut en aucun cas correspondre à un « rendre » capable de rééquilibrer son « prendre » extractiviste. C’est de la communication destinée à faciliter la prédation néocoloniale. > [!approfondir] Page 139 En quoi les miettes que représente l’APD mondiale de 130 milliards de dollars en 2010 – dont 5 à 10 % vont réellement à des projets améliorant la vie des trois milliards d’humains vivant avec moins de deux dollars par jour – peuvent être qualifiées d’aide réelle ? 10 % de 130 = 13 milliards de dollars divisé par 3 milliards de personnes = 4,30 dollars par an et par personne. Ce n’est rien comparé aux 400 milliards de dollars que les migrants envoient chaque année, soit 100 $ par an et par personne ou aux 300 milliards de dollars ou bien plus de bénéfices faits dans les PED que les multinationales rapatrient dans leur pays d’origine. Ou encore aux fonds très importants en provenance des PED, cachés dans les PFJ. De qui se moque-t-on ? Des peuples du Sud comme des naïfs et consentants citoyens du Nord qui pensent que l’on donne toujours trop aux pays pauvres ! > [!accord] Page 140 Robert Hirsch démontre que la croissance du PIB mondial est liée à la croissance de la consommation de pétrole. Une courbe statistique de la FAO montre que l’évolution du prix des aliments est quasiment parallèle à celui du prix du pétrole. Avec le productivisme, les terres aptes à produire des agrocarburants sont des puits de pétrole potentiels. Leur prix comme celui des denrées alimentaires croîtront avec celui du pétrole. Que ce type d’agriculture soit en plus pétro-dépendant confirme que la raréfaction du pétrole et le danger que font courir à l’humanité ses émissions de GES mettent en grand danger l’alimentation des dix milliards d’humains à venir, si nous n’abandonnons pas le productivisme agricole et le gaspillage énergétique. > [!approfondir] Page 142 C’est le cas de Rob Hopkins, un enseignant en permaculture qui a initié le mouvement de la Transition. À Totnes, il a démarré un processus de résilience au tout pétrole prenant en compte le problème du réchauffement climatique. Totnes est devenue la première Transition Town. On en compte maintenant des centaines dans le monde. L’objectif des initiatives de Transition est que la ville, le village ou la communauté organise sa résilience. Comme l’explique Rob Hopkins dans le Manuel de Transition, « dans le domaine de l’écologie, le terme fait référence à la capacité d’un écosystème à s’adapter à des événements (chocs) extérieurs35 ». Les citoyens qui constituent un groupe de Transition visent donc à s’adapter à une pénurie pétrolière ou alimentaire, d’une manière démocratique et positive et non à la manière des survivalistes36. > > [!cite] Note > Faudrai que je le repositionne sur ces expériences > [!information] Page 143 Contrairement aux idées reçues, l’agroécologie bien menée est beaucoup plus productive à surface égale et socialement plus juste. « Les projets agroécologiques menés dans 57 PED ont entraîné une augmentation de rendement moyen de 80 %. De récents projets menés dans 20 pays africains ont même démontré un doublement des rendements des cultures sur une période de 3 à 10 ans39. » > [!information] Page 143 La [[Via Campesina]] donne une définition courte de l’agroécologie, « elle est une véritable agriculture paysanne durable, fondée sur le retour aux méthodes d’agriculture traditionnelle, sur le développement de nouvelles pratiques écologiques, sur le contrôle et la préservation des terres et des semences, ainsi que sur l’égalité sociale et entre les sexes40 ». > [!information] Page 144 Avec de bonnes pratiques agroécologiques « on pourrait incorporer annuellement dans les sols entre trois et demi et cinq tonnes de matière organique par hectare de terre agricole. Ce qui permettrait de compenser entre 24 et 30 % des émissions mondiales de GES41 ». > [!accord] Page 144 Lutter contre l’extractivisme et le réchauffement résultant du modèle agroalimentaire imposé par l’agrobusiness passe nécessairement par une forme ou une autre de sobriété alimentaire. Même s’il est difficile de changer ses habitudes surtout quand la nourriture préparée par l’industrie devient une addiction (sel, sucre, viandes, produits laitiers, etc.), réussir à s’en évader n’amène que du mieux-être aussi bien sur le plan psychologique que sur celui de la santé. > [!accord] Page 146 « C’est par l’alimentation qu’il est le plus sensé de commencer à reconstruire la résilience des communautés et de l’agriculture, mais les matériaux de construction, les textiles, le bois d’œuvre, l’énergie et les monnaies la suivent de près44. » Redevenir le moins dépendant possible des énergies fossiles et des métaux est un impératif pour chaque action que l’on entreprend. > [!accord] Page 146 On ne pourra pas continuer à acheter des smartphones et des tablettes numériques tous les ans ou des voitures inutilement robotisées et lourdes. Il est nécessaire d’aller vers la société « low tech » proposée par [[Philippe Bihouix]]. Certaines professions qui ont presque disparu pourraient revoir le jour face à la nécessité de produire des biens durables. Des métiers fondés sur l’artisanat, la réparation et le recyclage seraient à nouveau sollicités. Cela permettrait de faire revivre les villes et les villages tout en diminuant notre empreinte extractiviste ^0eca99 > [!information] Page 147 Christian Jacquiau fait remarquer « qu’il est aujourd’hui clairement établi qu’un emploi créé en grande surface, le plus souvent précaire et à temps partiel non choisi, conduit à la destruction de cinq emplois stables et durables ailleurs48 ». > [!approfondir] Page 147 Localement, nous pouvons produire beaucoup de choses essentielles : fruits, légumes, bois, médicaments, produits laitiers, fromages, savons, petits matériels… À travers la production régionale de bois par exemple, la construction de maisons et de meubles peut être relocalisée, entraînant une diminution des déplacements, des créations d’emplois et une utilisation plus responsable des ressources. Contrairement au modèle IKEA, qui, malgré ses beaux slogans, exploite les travailleurs et transporte les meubles à travers le monde49. > [!information] Page 147 La révolution des Incredible Vegetables – en France les « incroyables comestibles » – en montrant le pouvoir de la gratuité et du partage pour aller vers plus d’autonomie, fait au passage une belle entaille dans la sacro-sainte propriété, la compétition et le renfermement sur soi. « Une habitante a décidé, en particulier à cause de la crise, d’abattre le mur qui isolait son jardin de la rue et de proposer aux habitants de se servir librement dans son potager. C’était il y a trois ans environ. Depuis, les potagers en libre-service ont fleuri un peu partout en ville, Todmorden est devenue autosuffisante en légumes grâce à cela, et soixante-dix autres villes anglaises ont suivi l’exemple50. » > [!approfondir] Page 147 Un des objectifs de la relocalisation tient dans la diminution des transports et déplacements. Il nous invite à reconsidérer nos besoins de mobilité et l’usage systématique de la voiture. [[Ivan Illich]], dans Énergie et équité, a démontré que si l’on additionne le temps passé au travail pour payer son auto et les frais qui y sont liés, que l’on divise ensuite ce chiffre par le nombre de kilomètres parcourus, on obtient une vitesse moyenne inférieure à celle du vélo. Il conclut que la vitesse généralisée d’une voiture pour un américain atteint à peine les six kilomètres par heure51. > > [!cite] Note > On a [lu en live](https://www.youtube.com/watch?v=XhBqc6c0N1E) un article qui met à jour cette idée ^9f7a4f > [!accord] Page 148 Travailler moins n’est-il pas le seul chemin pour aller vers le post-extractivisme ? Plus de justice sociale c’est moins de revenus pour ceux qui contribuent au conso-gaspillage et plus pour ceux qui n’arrivent pas à joindre les deux bouts. Notre imaginaire, formaté par le système marchand, nous fait croire que le bonheur est indissociablement lié à l’accumulation de biens. Le mal-être grandissant dans les pays nantis montre pourtant le contraire > [!accord] Page 149 La décroissance, ce mot qui fait peur, doit être comprise comme étant d’abord celle des inégalités sociales et environnementales. La décroissance matérielle implique une nouvelle répartition des richesses fondée sur la croissance non pas du PIB – compétition et profits – mais de l’égalité, de la solidarité et de la coopération. Car aujourd’hui cette fameuse croissance économique, appelée de ses vœux par tous les responsables du Nord, est catastrophique pour la majorité des habitants du monde. Selon l’observatoire des inégalités : « Les 1 % les plus fortunés contrôleraient pas moins de 46 % du patrimoine mondial. L’Amérique du Nord et l’Europe en détiennent ensemble 62 %. L’Inde (1,2 milliard d’habitants) en possède 1,4 %. L’Afrique (1 milliard d’habitants) ne dispose que de 1 % de la richesse mondiale58. » > [!accord] Page 150 Alors que la violente dépossession des ressources communes à l’humanité a débuté il y a cinq siècles, aujourd’hui 1 % des humains possède 50 % des richesses pendant que les 50 % d’en bas n’ont quasiment rien : 5 000 euros vous classent dans la moitié des plus riches. Cette rupture avec le donner-recevoir-rendre détruit les liens humains – aussi bien que ceux tissés entre les hommes et la nature – reposant sur l’échange et le partage. Continuer à les remplacer par un monde de compétition, d’accumulation privative et de croissance du PIB entraîne la croissance parallèle de la barbarie. Qu’aujourd’hui un tiers des humains ne puisse manger suffisamment pour avoir une vie active et qu’un autre tiers soit en surpoids ou obèse et souvent malade est une réalité barbare > [!accord] Page 151 Vous ne voulez pas d’OGM ni de pesticides dans votre nourriture et votre eau, vous voulez en finir avec la finance des banksters, eh bien la signature de ces traités aboutira à son contraire. Elle entraînera la disparition des réglementations sanitaires et financières. Les multinationales pourront renforcer le dumping social et écologique, au détriment des travailleurs et de tous les sujets du « grand royaume marchand. »