Auteur : [[Rob Grams]]
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[Source](https://www.frustrationmagazine.fr/anarchisme-ecologie/)
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# Note
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>C’est notamment ce que propose Patrick Chastenet grâce à son ouvrage Les racines libertaires de l’écologie politique publié à l’Echappée.
> [!information]
>Né de parents juifs russes et immigrés pour fuir la répression tsariste, Bookchin rejoint les jeunesses communistes à seulement 9 ans, apprend dès son plus jeune âge la pensée marxiste à la Workers School of Manhattan avant de rompre avec eux au moment du pacte germano-soviétique.
> [!information]
>C’est également l’époque où il s’intéresse au féminisme radical et commence à enseigner à l’Alternative University de New York, une école sans note ni diplôme.
> [!information]
> Il fonde par la suite le Left Green Network visant à “ancrer l’écologie dans l’anticapitalisme libertaire”.
> [!accord]
>la technique n’est pas neutre, elle ne peut pas être évaluée seulement à l’aune de son utilisation car elle apparaît dans un contexte particulier puis crée ses propres nécessités.
> [!approfondir]
>Charbonneau « ce que nous prenons pour la neutralité de la technique n’est que notre neutralité vis-à-vis d’elle ». Or cela a des conséquences politiques directes : « parce que technique, l’Etat devient de plus en plus totalitaire, et parce que totalitaire, il devient de plus en plus technique. »
> [!accord]
>l’urbanisation totale est en réalité une conséquence, au service d’un certain modèle, le capitalisme.
> [!information]
> Elisée Reclus notait déjà, au XIX e siècle, que les villes élevaient la température et polluaient l’atmosphère.
> [!accord]
>Tous sont révoltés par la manière dont la culture paysanne a été détruite, les agriculteurs ruinés, à travers des choix politiques délibérés qui ont promu et favorisé la monoculture et l’agro-industrie, et donc l’endettement des paysans, tout en fermant et appauvrissant les services publics sur place.
> [!accord]
>P. Chastenet résume la pensée de Charbonneau sur ce sujet ainsi « partout la campagne s’efface, non au profit de la ville mais d’une urbanisation sauvage qui tend vers la banlieue totale » et le cite : “la grande nouveauté de l’après guerre, c’est l’intégration de la campagne dans l’ensemble industriel et urbain avec pour effet sa transformation en banlieue”
> [!accord]
>“loin de s’effacer, la contradiction du tourisme bourgeois s’exaspère” puisque plus l’urbain cherche à fuir ce qui rend la ville si difficile, inhumaine, plus, paradoxalement, la ville s’étend.
> [!accord]
>[[Murray Bookchin]] va lui assez loin parlant d’une situation “d’atomisation sociale et d’isolement spirituel pratiquement sans précédent dans l’histoire humaine. Aujourd’hui l’aliénation humaine est presque absolue ».
> [!accord]
> En effet il constate à quel point la ville a affaibli la richesses des relations humaines et perçoit le monde urbain comme “froid, austère et monotone” ce qui a de réelles conséquences anthropologiques, c’est-à-dire qu’elle fait un apparaître un homme nouveau “nerveux, excité, stressé, anxieux et vivant dans un climat d’insécurité sociale”.
> [!accord]
>Comme le constate Patrick Chastenet, plus de 70% des travailleuses et travailleurs en France ont besoin et utilisent leurs voitures pour se rendre au travail. S’en prendre aux automobilistes c’est bien souvent s’en prendre à des gens qui n’ont pas d’autres choix comme le mouvement des Gilets Jaunes avait achevé de le démontrer.
> [!accord]
>Toutefois il y a un intérêt à se poser la question de la généralisation de la voiture individuelle dont la dépendance correspond à un certain type de développement, et l’écologie ne peut pas être que le fait de grandes questions théoriques abstraites, elle est aussi une somme de réflexions concrètes, matérielles, sur notre mode de vie.
> [!accord]
>[[Jacques Ellul]] constate toutefois à quel point le TGV a aggravé le centralisme à travers un système en étoile où les territoires n’existent plus qu’en lien avec Paris, en délaissant les liaisons transversales, circulaires et diagonales…
^9d01a3
> [!approfondir]
>Charbonneau rappelle que « l’homme c’est le piéton; la société qui ne lui ménage pas un sentier témoigne ainsi qu’elle l’oublie, et qu’elle l’aliène à ses produits mécaniques ».
> [!information]
>Patrick Chastenet rappelle lui aussi que, sans prendre en compte “le prix du stress”, « il coûte en moyenne de 585€ à 823€ par mois à un automobiliste français pour se déplacer » pour un revenu médian en 2019 à 1770 euros.
> [!accord]
>De ce point de vue, l’ouvrage de Patrick Chastenet permet aussi de remettre les pendules à l’heure : non, se tuer à la tâche pour engraisser des bourgeois en se faisant humilier par des petits chefs glauques, morts de l’intérieur, n’est pas “émancipateur”.
> [!accord]
>Cela n’empêche pas de trouver, parfois, assez difficilement, du sens, voire du plaisir, dans son travail, mais cela n’en fait pas une valeur. Et quand bien même nous parviendrions à un travail émancipé, c’est-à-dire à un travail géré par les travailleuses et les travailleurs eux-mêmes, dé-hiérarchisé, en faveur d’une production non-nuisible, il resterait des tâches et des travaux pénibles qui justifient de vouloir en réduire la durée pour laisser du temps pour la famille, la culture, les loisirs, le sport, l’érotisme, l’amour ou tout autre chose qui fait que la vie peut être belle.
> [!approfondir]
>[[Jacques Ellul]] rappelle donc qu’il a en réalité fallu attendre le XVIII e siècle, le “siècle bourgeois”, pour que le travail devienne une valeur positive (illustré par exemple par les propos de [[Voltaire]] “forcez les hommes au travail, vous les rendrez honnêtes gens » ou ceux de l’Eglise) au point que cela puisse parfois contaminer certains ouvriers et syndicats.
^409136
> [!accord]
>Mais pour l’intellectuel bordelais : “il n’y a pas de mensonge plus ignoble que l’assimilation du travail à la liberté ». Il ajoute qu’il faut choisir « ou bien travailler beaucoup pour consommer beaucoup (et c’est l’option de notre société occidentale) ou bien accepter de consommer moins en travaillant peu (et ce fut parfois l’option délibérée de certaines sociétés traditionnelles) ».
> [!information]
>Pour accéder à cette deuxième option, il propose d’abolir le salariat et de changer la répartition de la valeur produite afin de réduire de manière drastique le temps de travail jusqu’à parvenir à la journée de 2 heures, compensée par un revenu minimum accordé à chacun dès la naissance.
> [!information]
>Bookchin lui s’inscrit dans la lignée de [[Paul Lafargue]] qui voulait utiliser les machines pour affranchir les travailleurs et pense que le socialisme libertaire « sera l’abolition de l’usine par une technologie écologique, par le travail créatif et (…) par des dispositifs cybernétiques créés pour satisfaire à des besoins humains ».
^61515b
> [!accord]
>Son idée, qui le met un petit peu à part dans ce corpus, est, d’autant que possible, utiliser la technologie pour épargner aux travailleuses et travailleurs les travaux pénibles, pensant qu’il n’y a qu’un « incorrigible petit bourgeois n’ayant jamais vu une pelle de sa vie” qui oserait ne pas vouloir les soulager ainsi de ces tâches.
> [!accord]
>Comme cela avait été relevé, par exemple par [[Frédéric Lordon]], les progrès médicaux font partie des gros arguments propagandistes en faveur du capitalisme, pourtant si personne ne peut être contre l’amélioration des soins, la réduction de la souffrance physique, la protection des personnes malades ou fragiles, certains de ces progrès ont aussi des coûts.
^1ce040
> [!accord]
>La manière de traiter nos anciens alors que la durée de vie augmente, souvent prisonniers des EHPADs, business juteux où ces derniers sont parfois extrêmement maltraités, interroge aussi sur cette manière très paradoxale de gérer la vieillesse et la fin de vie.
> [!accord]
>Sur ces sujets une formule de Charbonneau rappelle le film assez visionnaire de 1993 Demolition Man : « si toute société devait s’organiser en fonction de l’hygiène et du progrès médical, alors elle ne nous donnerait la vie que pour mieux nous la prendre. On peut imaginer, à la limite une société qui serait mobilisée contre la mort. Mais son prodigieux appareil technique, bureaucratique et policier, en même temps qu’il nous empêcherait de mourir, nous empêcherait de naître ».
> [!accord]
>Car une “société hygiéniste” n’est pas tant une société où les soins sont de qualité et accessible pour toutes et tous, mais désigne surtout une approche autoritaire où tous les rapports humains sont considérés comme potentiellement et essentiellement pathogènes, et donc devant être prévenus au maximum (ce que le numérique permet de manière inédite) et ce qui se traduit, entre autre, par une approche inhumaine de la médecine où le patient est toujours perçu comme “à soigner” ou “malade”.
> [!accord]
>Nous connaissons les justifications qui peuvent amener à ce genre de mesures extrêmes. Il n’empêche que ce “moment totalitaire” mérite d’être pensé, surtout quand il n’a fait l’objet d’aucune réelle discussion démocratique, et que ce devrait être à nous, collectivement, de décider si c’est le genre de société dans lequel nous souhaitons ou non vivre puisque les épisodes pandémiques du type covid risquent bien de devenir la norme et non plus l’exception dans les prochaines décennies.
> [!accord]
>De la même manière notre rapport à la fin de vie mérite d’être interrogé avec un corps médical et des institutions, par exemple, extrêmement opposées à l’euthanasie, où l’on s’acharne souvent de manière atroce sur des personnes mourantes, comme s’il était devenu impossible d’accepter notre condition de vivant, et donc de mortel.
> [!approfondir]
>[[Jacques Ellul]] dans [[Anarchie et christianisme]] (1988) « S’organiser, en parti, c’est adopter une structure nécessairement hiérarchique, et c’est vouloir participer au pouvoir. Or il ne faut jamais oublier à quel point l’obtention d’un pouvoir politique peut être corruptrice ».
> [!accord]
>Charbonneau va dans le même sens rappelant que “la lutte pour le pouvoir se déchaînera à l’intérieur du parti entre des tendances où l’idéologie dissimule des rivalités de personnes” car “Le pouvoir corrompt (…) Le pouvoir rend fou (…) si le mouvement écologique devait l’oublier en se réduisant à un parti qui prendrait un jour le pouvoir, l’on peut être sûr qu’une fois de plus l’obsession de s’y maintenir le fera, en plus dur, sous un drapeau vert, continuer sur les mêmes rails”.
^c4c1de
> [!accord]
>[[Jacques Ellul]] constatait ainsi, empiriquement, qu’en France « tous les ministres de l’Environnement successifs ont dû soit se soumettre à Bercy, soit se démettre”.
> [!accord]
>Loin des appels lénifiants, façon [[Geoffroy de Lagasnerie|Lagasnerie]], à rejoindre les institutions pour les “changer de l’intérieur”, [[Murray Bookchin]] explique dans Une Société à refaire (1989) que « les mouvements écologistes qui entrent dans l’activité parlementaire ne font pas que légitimer le pouvoir d’Etat aux dépens du pouvoir populaire; ils sont aussi contraints de fonctionner à l’intérieur de l’Etat, jusqu’à devenir des éléments du système ».
^ef1c0f
> [!accord]
>[[Murray Bookchin]] rappelle ainsi qu’ « on ne peut pas plus « persuader » le capitalisme de limiter sa croissance qu’un être humain de cesser de respirer. Les tentatives de rendre le capitalisme « vert » ou «écologique » sont condamnées d’avance par la nature même du système qui est de croître indéfiniment ».
> [!information]
>Ce modèle d’écologie sociale qui se veut « humaniste » « antihérarchique » « féministe » et « anticapitaliste », s’inspire de la démocratie athénienne, de la Commune de Paris de 1871 et des expériences anarchistes au moment de la guerre d’Espagne tout en tentant de prévenir leurs défauts respectifs, c’est-à-dire « la division en classes, en statuts, et en genres » et la « délégation de pouvoir ».
> [!accord]
>Pour y parvenir, Bookchin croit en la patience révolutionnaire, rappelant qu’il aura fallu près d’un siècle de maturation pour mettre en mouvement la révolution russe, et refuse l’idée d’une nécessité historique : la société est devenue bourgeoise, mais il aurait pu en être autrement