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Auteur : [[Daniel Vivas]]
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Source : https://lundi.am/Et-la-Permaculture-sauvera-le-monde
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# Note
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Il est proposé ici de mettre en contraste quelques unes des conditions d’existence matérielles des classes moyennes et populaires avec quelques points notables du discours sur l’effondrement systémique ; afin d’en montrer paradoxalement le caractère inclusif quand il s’agit d’expliquer la responsabilité soi-disant collective de ce désastre écologique en cours et à la fois exclusif quand il s’agit d’aborder des solutions qui convergent vers l’édification de communautés résilientes. Où la Permaculture entre autres serait un constituant parmi d’autres de ce nouveau monde que nous promettent les collapsologues, né des cendres de l’ancien monde, celui du capitalisme fossile.
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L’écrivain-ouvrier Joseph Pontus témoignait lui aussi dans son premier et unique livre « À la ligne – Feuillets d’usine » de l’impossibilité d’assouvir des désirs matériels simples comme celui de rejoindre en voiture ses amis pour aller manifester à la ZAD de Notre-Dame des Landes : « Et moi/Petit intérimaire/Petit anarchiste de godille/Je choisis le boulot/Je n’ai pas les sous suffisants pour partir une semaine à même pas deux heures de bagnole ».
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Un rapport matériel à la nature qui n’a strictement rien à voir avec le matérialisme hédoniste des classes dominantes mais que condamnent le plus souvent sans nuance les discours sur l’effondrement systémique.
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Exit toutes les thèses, analyses et réflexions sur l’écologie politique et son histoire. Mieux vaut donc anticiper, se préparer et s’adapter au choc de l’effondrement. Dans ce qu’il liste comme stratégies et moyens d’adaptation, qu’il a mis en place et en pratique chez lui, on est plongé dans le manuel illustré et pratique du Permaculteur : redondance des ressources en bois, en eau ; démultiplication des espaces vivriers – potager agroécologique et jardin-forêt,, production d’énergie et moyens de transport low-tech, entraide avec ses voisins « même s’ils sont du Rassemblement National (sic) » etc.
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Servigne comme Cochet n’ont pas l’air de bien se rendre compte de la violence symbolique d’une telle proposition : celle qui porte l’exclusion sociale à son acmé. Un rappel au discernement s’impose. Certains philosophes et chercheurs comme Pierre Charbonnier fort heureusement s’en chargent : « la vie dans les ruines n’a pas la même saveur pour tous : quand elle se manifeste à la plupart sous la forme de la précarité énergétique et de l’exclusion des biens communs (eau, air sain, transports), seule une petite minorité peut convertir cette précarité et ces exclusions en opportunités. »
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Puisque là aussi comme son collègue Cochet, c’est plié. Comme le montre Jean-Baptiste Malet, chez Servigne, on passe de « la peur » à « la joie » une fois la certitude de cet effondrement conscientisé. On semble flotter par moment dans une pathétique mais non moins sérieuse mystique « Bisounours ».
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Antagonisme qui vire parfois jusqu’au mépris de classe qu’on peut remarquer aisément dans les exposés, entretiens et conférences de Jean-Marc Jancovici, autre expert, non pas de l’effondrement mais de la sobriété énergétique. Ce polytechnicien, aussi visible dans les médias mainstream qu’alternatifs est la figure autoritaire et omnisciente des problématiques énergétiques face au changement climatique. Il ne s’agit pas de remettre en cause tout son discours vulgarisateur à propos du diagnostic et des analyses qu’il propose sur l’épuisement des énergies fossiles et les émissions de Gaz à Effet de Serre (GES). Il est dans les grandes lignes relativement éloquent.
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En effet, dans ses nombreuses interventions disponibles sur le web, cet entrepreneur-consultant de l’économie décarbonée a maintes fois déclaré devant un aréopage d’élites ou de futurs élites – son public de prédilection pourrait-on ajouter - que le smicard ou la personne au RSA, dans un pays industriel comme le notre, « vit comme un nabab (sic) ». Et que ça ne pourra pas durer compte tenu de l’urgence climatique.
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En étant un poil « grattouilleur », on pourrait aussi demander à Jancovici si lui et son collègue l’économiste Alain Grandjean par le truchement de leur société de conseil Carbone 4 pensent sérieusement sauver la planète en faisant migrer ce pharaonique patrimoine financier vers « le coeur de la finance bas carbone
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Pour finir avec ce panorama hexagonal du discours effondriste, Arthur Keller se présente comme « consultant, spécialiste des risques systémiques et des stratégies d’anticipation et d’organisation collectives. » Dans ses nombreuses conférences, Keller expose une série de processus et d’événements liés aux activités humaines qu’on peut qualifier sans ambiguïté d’écocide. Il pourrait selon lui engendrer un possible effondrement à échéance indéterminée. Ce qui sous-entend qu’il reste des marges de manœuvre possibles et en cela le distingue des collapsologues prônant la résignation défaitiste et attentiste de l’imminence catastrophiste.
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Keller affirme « [s’en] foutre à la rigueur de qui est coupable. » Et d’ajouter « nous le sommes tous et nous le sommes aussi face au futur. » Ce laconisme culpabilisant fait l’impasse sur qui porte réellement la responsabilité majeure d’un tel désastre.
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Les solutions que Keller préconise convergent avec celles de Servigne. On est encore une fois dans un « agir » urgentiste. Il faut aller vite en besogne et donc édifier « une société parallèle » où la Permaculture et l’agroécologie seraient l’alpha et l’oméga pour former la civilisation résiliente de demain à l’échelle locale. Toujours et encore paradoxalement dans les structures existantes du capitalisme nonobstant ce parallélisme illusoire souhaité.
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Si sur un plan strictement personnel, ce choix de vie peut constituer un genre d’émancipation peu ou prou satisfaisant, il n’en reste pas moins très marginal. Parce que pour la plupart, ce mode de vie est matériellement impossible, du moins dans les structures politiques, économiques et sociales du système capitaliste. Penser le contraire est une chimère.
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La politique n’est rien sans l’écologie. Il a fallu plus de deux siècles pour s’en rendre compte. L’écologie politique prend tout son sens quand elle en appelle à une révolution économique et sociale qui garde le cap sur le progrès de nos conditions d’existence à tous. Et nous sensibilise au fait que ces conditions sont irrémédiablement liées aux limites de la nature elle-même. Le mode de production capitaliste tente de faire croire qu’il est aujourd’hui un bon élève et qu’il a compris la leçon. Il s’habille d’un vert high-tech rutilant pour sa communication à flux tendus...et continue ainsi à se goinfrer en tout impunité. En saccageant l’espace vital de tous les êtres vivants.
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La résilience quant à elle est un leurre et ce n’est pas faire de la politique. C’est au contraire son cache-misère quand il semble ne plus y avoir d’espoir. C’est se résigner. C’est accepter l’inacceptable. « La résilience est devenue la nouvelle religion d’État. » comme le dit si bien Thierry Ribault. Elle est aussi l’allié indéfectible et pernicieux du discours des collapsologues qui en rajoutent une couche – et une sacrée ! - sur notre impuissance d’agir.
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Antonio Gramsci, une des têtes pensantes du communisme italien, disait à l’heure de la montée des fascismes dans l’Europe des années 1920, la chose suivante : « le vieux monde se meurt, le nouveau monde tarde à venir et dans ce clair-obscur surgissent les monstres. » L’Histoire a aussi montré qu’à la même époque Fascisme et Ecologie pouvaient faire bon ménage. De quoi peut-être calmer la joie post-catastrophe des adeptes de la spiritualité et du défaitisme effondristes.